Une vision stratégique industrielle et un partenariat étranger gagnant-gagnant

Rentabilité de l’exploitation des gisements de phosphate de Tébessa et de fer de Ghar Djebilet

L’idée de l’exploitation du fer de Ghar Djebilet date de 1974 et celle du phosphate de Tébessa des années 2007/2008 et aucune concrétisation, malgré bon nombre de promesses des ministres qui se sont succédés du fait d’entraves bureaucratiques. Espérons que les dernières décisions du Conseil des ministres seront cette fois concrétisées.

Cependant, évitons de vivre de l’illusion de la rente éternelle misant essentiellement sur les exportations de matières premières brutes où tant pour le fer que le phosphate procurant juste un profit moyen, et la densification du tissu industriel suppose de descendre en bas de l’arbre généalogique de ces filières mais qui demande de lourds investissements et dont la rentabilité, à partir du lancement du projet, est dans 5/7 ans, fonction par ailleurs de leur teneur physique dont une grande partie de la matière est rejetée dans l’atmosphère et nécessitant des investissements additionnels de recyclage pour éviter la pollution. L’objet de cette brève contribution est d’éclairer, objectivement, loin des utopies néfastes, l’opinion publique sur la rentabilité de ces projets.

1. En 2017, l’Institut des études géologiques des USA ( USGS) a estimé que les réserves mondiales de roches phosphatées économiquement extractibles s’élevaient à environ 68 milliards de tonnes. Les pays ayant les plus grandes réserves de roches phosphatées commerciales (en milliards de tonnes) sont : le Maroc 50, la Chine 3,1, l’Algérie 2,2(les statistiques nationales donnant 2,8), la Syrie 1,8, la Finlande 1,6, l’Afrique du Sud 1,5, la Russie 1,3, la Jordanie 1,2, l’Egypte 1,2, l’Australie l 1,1, les Etats-Unis Unis 1,1. Les quatre principaux producteurs de PN (Etats-Unis-Unis, Chine, Maroc et Fédération de Russie) produisent environ 72 pour cent du total mondial. Les 12 principaux producteurs représentent plus de 93 pour cent du total mondial. Le prix mondial du phosphate brut a été coté de mars 2021 à 97,25, à 147,50 dollars la tonne en septembre 2021 à 178,75 en mars 2022.

Pour le projet de phosphate de Tébessa, qui date des années 2007/2008, entre temps aucun gouvernement n’a pu concrétiser ce projet avec d’importantes dépenses pour les études, les réserves importantes se situent au niveau de la mine de Djebel Onk, étant l’une des plus grandes réserves de phosphate d’Algérie, avec des réserves estimées à 2,8 milliards de tonnes de minerai à 24 % de pentoxyde de phosphore , l’oxyde de phosphore e longtemps connu sous la formule P2O5 qui se transforme en acide phosphorique en s’hydratant. Selon le Ministère de l’énergie, ce projet permettra à l’Algérie d’être l’un des principaux pays dans le monde dans l’exportation d’engrais et de fertilisants où actuellement, l’Algérie produit près de 3 millions de tonnes d’urée. Avec ce projet, l’Algérie produira plus de 6 millions de tonnes de produits phosphatés annuellement, en partenariat algéro-chinois, d’une société par actions de droit algérien impliquant les groupes algériens Asmidal (filiale de Sonatrach) et Manadjim El Djazair (MANAL) d’une part, et les sociétés chinoises Wuhuan et Tian’an d’autre part, avec un investissement e 7 milliards de dollars qui s’étalera sur 4 wilayas de l’est du pays, comprenant également des projets d’infrastructures connexes nécessaires pour accompagner le PPI, estimés à 5 à 6 milliards de dollars. L’on devra réaliser des études techniques approfondies pour évaluer la teneur physique , une moyenne minimale de 50 %, variant de 55 à 63% pour d’autres pays concurrents , afin de ne pas alourdir les coûts. Sous réserve d’une bonne teneur, si l’on exporte trente millions de tonnes brut, même à 200 dollars la tonne moyenne 2022, nous aurons un chiffre d’affaires de 6 milliards de dollars. Comme dans cette filière les charges sont très élevées (amortissement et charges salariales notamment) minimum de 50%, le profit net serait pour trente missions de tonnes environ 3,6 milliard de dollars. En cas d’association avec un partenaire étranger selon la règle des 49/51%, le profit net restant à l’Algérie serait légèrement supérieur à 1,8 milliards de dollars. La rentabilité est très faible par rapport au coût d’investissement.
Pour accroître le profit net, il faut donc se lancer dans des unités de transformation hautement capitalistiques avec des investissements très lourds. Avec la récente flambée du prix du gaz, au départ usine, il y a eu depuis la crise ukrainienne une augmentation de plus de 50%,du prix des engrais coté le 04 avril 2022 comme suit : l’ammonitrate, à 1025 euros la tonne, l’urée à 1.040 euros , la solution azotée 825, l’ammonitrate 27% 915, le DAP 1170, superphosphate triple 977, le PK 900, le triple 17.958 et le MOP 802 donnant donc une valeur 6 7 fois supérieure mais nécessitant des investissements lourds de plusieurs milliards de dollars rentabilité après 4/5 ans après la mise en exploitation.

2.- Il y a lieu de ne pas confondre les réserves prouvées de fer avec les gisements exploitables rentables selon les vecteurs coûts/prix et la concurrence internationale. Il existe de par le monde des réserves dites pauvres dont la teneur est de 30% et moins, difficilement rentables, des gisements avec une teneur entre 30 et 50%, avec une rentabilité moyenne et des gisements riches dont la teneur est supérieur à 50% très rentable. Par ordre selon les données internationales du 01 janvier 2000 nous avons l’Australie 45.000 millions de tonnes, le Brésil 29.000, la Russie 25.000 la Chine 20.000 et le reste du monde 18.000 les principaux États producteurs de minerai de fer tant la Chine, l’Australie, le Brésil, l’Inde, et la Russie Qu’en est-il pour le fer de la mine de Gara Djebilet, projet datant de 1974, des dizaines d »études réalisés ayant couté des dizaines de millions de dollars sans résultats pour l’instant , où les réserves sont estimées à 3,5 milliards de tonnes, dont 1,7 milliard de tonnes sont exploitables avec une teneur de 58,57% de fer donc hautement rentables du fait que les cours des matières premières ont connu une hausse substantielle de la crise en Ukraine. Ainsi en mars 2022, le fer est coté 120 euros la tonne. 80% du fer sert à la production d’acier , produit à très forte valeur ajoutée où 2018/2019 les 14 principaux producteurs d’acier sont la Chine : 928,3 Mt, soit la moitié de la production mondiale, l’Inde : 106,5 Mt, le Japon : 104,3 Mt , les États-Unis : 86,6 Mt, la Corée du Sud : 72,5 Mt , la Russie : 71,7 Mt, la Turquie : 37,3 Mt , le Brésil : 34,9 Mt, l’Italie : 24,5 Mt, l’Iran : 24,5 Mt, Taïwan : 23,2 Mt, l’Ukraine : 21,1 Mt, le Mexique : 20,2 Mt et la France : 15,4 Mt Si on se limite pour l’Algérie à l’exportation du fer brut ou le cours dollar/euro étant 1,0861 le 12 avril 2021, donnant 112 dollars la tonne, pour une exportation brute de 30 millions de tonnes 3,36 milliard de dollars. En cas de 30 millions de tonnes environ 1,71 milliards de dollars. Ce montant c’est le chiffre d’affaire et non le profit net auquel on doit soustraire les coûts très élevés représentant environ 50% du chiffre d’affaire, le reste est à se partager selon la règle des 49/51%, avec le partenaire étranger restant à l’Algérie pour le profit net 850 millions de dollars.
Pour avoir environ 8 milliards de dollars /an, il faudra exporter 300 millions de tonnes Il faut donc descendre à l’aval de la filière où , le prix des matières premières en mars 2022 sur le marché mondial est, l’acier à 1.300 euros , l’aluminium à 2.730, le cuivre à 8.890, le zinc 3270, l’inox à 3.570 et le fer à 120 euros la tonne , mais nécessitant des investissements lourds et à rentabilité à moyen terme. C’est que l’exploitation du fer de Gara Djebilet dont les études datent depuis 1970/1974 au moment où j’étais jeune conseiller du Ministre de l’industrie et de l’énergie de 1973/1979, nécessitera de grands investissements dans les centrales électriques, des réseaux de transport, une utilisation rationnelle de l’eau, des réseaux de distribution qui fait défaut du fait l’éloignement des sources d’approvisionnement, tout en évitant la détérioration de l’environnement, les unités comme pour le phosphate étant très polluantes. Et là on revient à la ressource humaine et à un bon management stratégique, pilier de tout processus de développement. Donc comme pour le phosphate, seule la transformation en produits nobles peut procurer une valeur ajoutée plus importante à l’exportation.

3.- L’ex ministre de l’industrie fin décembre 2020 avait annoncé que pour ces deux projets le montant de l’investissement devrait dépasser les 15 milliards de dollars, sans préciser l’apport du partenaire étranger ( source APS). Pour les unités sidérurgiques et de phosphate, il faudra résoudre le problème du prix de cession du gaz qui est cédé au niveau local à environ 10% du prix international, constituant une subvention et donc une perte pour le trésor, constituant une rente, devant être aligné sur celui du marché pour éviter les nombreux litiges concernant la dualité des prix contraires aux règles du commerce international avec les nouvelles technologies, tours à programmation numériques, ces deux projets, son on veut être concurrentiels, créent peu d’emplois.
Du fait des tensions budgétaires (baisse drastique des réserves de change ayant clôturé à 44 milliards de dollars fin 2021 contre 194 en janvier 2014 et de la structure oligopolistique des filières fer et phosphate au niveau mondial, la seule solution est un partenariat gagnant/ gagnant avec les firmes de renom qui contrôlent les segments du marché international qui n’accepteront pas, la règle restrictive des 49/51% avec les lourdeurs bureaucratiques, la souplesse et les décisions au temps réel régissant le commerce international. Il y a lieu d’éviter les erreurs du passé qui se sont chiffrées en dizaines de milliards de dollars de perte, faute de bien connaître l’évolution des filières industrielles mondialisées qui connaissent ces dernières années de profondes mutations. Aucun pays ne s’est développé grâce aux matières premières y compris l’or mais grâce au savoir, une diplomatie n’étant forte que si l’économie est forte, ce qui explique le succès au XXIème siècle de la Chine. Après avoir épuisé ses stocks d’or, avec la découverte de Christophe Colomb, l’Espagne a périclité pendant plusieurs siècles où en 1962, l’Algérie était plus développée. Et c’est ce qui attend les pays producteurs d’hydrocarbures qui ne vivent que grâce à cette rente, où actuellement, les recettes additionnelles surtout pour les pays à fortes populations suffiront à peine pour importer les biens alimentaires dont les prix doublent voire triple, freinant la diversification de leur économie.

En conclusion, à moyen et long terme, selon le rapport de 2022 du FMI, les tensions actuelles pourraient modifier fondamentalement l’ordre économique et géopolitique mondial. Et si le commerce de l’énergie se modifie, si les chaînes d’approvisionnement se reconfigurent, si les réseaux de paiement se fragmentent et si les pays repensent leurs réserves de devises ce qui pèsent sur la reprise de l’économie mondiale et alimentent l’inflation, s’ajoutant à une crise alimentaire et énergétique. En ces moments de grands bouleversements géostratégiques, c’est par une nouvelle gouvernance et un discours de vérité collant avec la réalité sociale, loin des bureaux climatisés de nos bureaucrates, que l’on trouvera les solutions à la crise actuelle qui touche pas seulement l’Algérie mais tous les pays. Avec la crise ukrainienne, crise énergétique et alimentaire, l’impact de l’épidémie du coronavirus et du réchauffement climatique rendent irréversible, la transition numérique et énergétique qui devraient modifier considérablement tant les politiques sécuritaires, économiques, sociales que les relations internationales. Aussi, le grand défi, posant la problématique de la sécurité nationale est le suivant : l’Algérie s’adaptera-elle à ces profonds bouleversements devant rompre avec la mentalité bureaucratique rentière.

A.M