La paix face à la montée des périls

Géopolitique

La pandémie qui dure depuis quelques années a laissé espérer l’induction d’une heureuse sortie de crise, un apaisement des relations internationales et, pour les plus optimistes, un nouveau socle fondateur porté par un nouveau paradigme : la coexistence pacifique comme nouvelle doctrine internationale et une volonté commune de préserver la planète du réchauffement climatique et de l’épuisement de ses ressources naturelles.

Cette ambition, semble-t-il, ne se concrétisera pas et sous la pandémie n’a finalement pas couvé le nouveau monde puisque le couple pandémie-crise économique n’aura fait qu’exacerber les relations internationales en faisant quasiment exploser les points de tension que les efforts diplomatiques n’arrivent plus à contenir. La guerre russo-ukrainienne constituerait-elle l’inévitable conséquence avec pour soubassement une refondation géopolitique du monde ?
Qui peut aujourd’hui nier que la stratégie d’encerclement de la Russie, conduite depuis de nombreuses années par les Etats-Unis et soutenue par le royaume uni et l’Europe ne serait pas l’un des principaux éléments inducteurs de cette guerre. Et si le principe de l’intangibilité des frontières est internationalement reconnu, qui peut cependant prétendre détenir les vertus nécessaires qui permettent d’adopter la posture morale, aidé en cela par des médias aux ordres et aux abois, et de donner des leçons à la Russie. D’utiliser aussi légèrement un terme comme celui de génocide lorsque l’on connaît ce qu’a constituée l’OTAN, ce bras armé destructeur de nombreux pays souverains et au service exclusif des intérêts occidentaux et du grand capital. En débarquant avec armes et bagages dans de nombreux pays notamment musulmans pour y semer la mort, la famine et la désolation, les Etats-Unis d’Amérique n’ont semble-t-il jamais sollicité l’autorisation de personne et ont toujours eu bonne conscience à le faire.
La crise russo-ukrainienne qui aura inévitablement des conséquences sur l’évolution des relations internationales aura permis en tous les cas de révéler l’ampleur de la fracture qui sépare les puissances qui ont jusqu’à présent régenté l’ordre du monde et décidé du partage des ressources naturelles existantes après les avoir confisquées et usurpées à d’autres pays qui de par leur histoire ont légitimement vocation à demander de changer la donne et de redistribuer les cartes.
Les convulsions actuelles provoqueront certainement une refonte de l’ordre du monde et nul ne pourra retarder cette échéance libératrice que conduisent déjà la Russie, la Chine, l’Inde, l’Iran et d’autres pays encore.
L’Afrique ne sera pas sans impact et l’aire continentale faisant face à la Méditerranée sera l’espace qui sera probablement le plus exposé aux contorsions géopolitiques actuelles puisque agrégeant les principaux points de tension actuels dont le conflit du Proche-Orient n’est pas des moindres.
Le royaume du Maroc a déjà choisi en toute souveraineté son camp et sollicité la protection, le soutien et la complicité d’Israël, qui continue de profaner inlassablement et même en ces journées bénies de Ramadhan le sanctuaire d’El Aqsa. Ce pays voisin a également obtenu le silence de la France et des Etats-Unis et monnayé la nouvelle bénédiction de l’Espagne. L’Algérie quant à elle a depuis longtemps déjà tissé pacifiquement sa toile et consolidé des alliances qui datent de sa guerre de libération nationale. Elle affiche désormais ouvertement non seulement son soutien mais son adhésion à cet axe refondateur de l’ordre du monde dont l’attelage est constitué par le couple sino-russe.
En choisissant de ne pas répondre aux provocations du régime marocain, l’Algérie ne se démarque jamais de la légalité internationale et prend à témoin les Nations-Unis lorsque ces provocations militaires inspirées par des conseillers venus de Tel-Aviv se multiplient à ses frontières. Inspirée par le respect scrupuleux des partenariats bilatéraux et des engagements auxquels elle a souscrit l’Algérie choisit judicieusement de déployer une réponse globale lorsqu’un pays comme le royaume d’Espagne rompt unilatéralement ses engagements et ne compte ainsi plus parmi ses partenaires ou amis. Le redéploiement actuellement conduit conjointement par l’Algérie et l’Italie augure d’une relation bilatérale féconde entre deux pays crédibles. Le chassé-croisé diplomatique que connaît Alger augure d’une seule chose, l’émergence inéluctable d’un pays qui doit impérativement continuer de monter en puissance tant sur le plan économique que militaire. Et nul ne pourra faire barrage à cette ambition de l’Algérie dont le socle a été bâti par de longues décennies de luttes pour sa souveraineté et son indépendance. La relation entre la France et l’Algérie quant à elle et dans ce contexte de bouleversement international pourrait gagner en importance si tous les contentieux qui la minent sont définitivement règles et non pas évacués. Ceux des algériens qui prétendent que l’Algérie a plus besoin de la France que la France n’a besoin d’elle se trompent lourdement et ce même s’ils le disent naïvement et souvent dans la posture de citoyens franco-algériens ou de citoyens fraichement devenus français. Il n’y a que des intérêts mutuels qu’il faut jalousement négocier et préserver et chacun prêche légitimement pour sa paroisse. Les actuelles élections présidentielles françaises ne sont au final qu’une affaire franco-française et l’Algérie se garderait dans le contexte actuel d’avoir une quelconque préférence ni de soutenir une quelconque issue à ce scrutin.
L’avenir est finalement plus menaçant que jamais et les défis auxquels doit faire face l’Algérie sont nombreux. Migratoire avec des flux massifs de personnes en provenance des pays du Sahel qu’il faut absolument maitriser et contenir. Hydrique avec une ressource qui se raréfie et qu’il faut méticuleusement recueillir et préserver. Alimentaire avec une autosuffisance qu’il faut absolument conquérir et assurer à très court terme. Enfin sécuritaire. Cette immense Algérie dotée de richesses naturelles insoupçonnées, immenses et inexploitées suscite les convoitises dans une zone géographique minée de conflits larvés ou de basse intensité surtout lorsque l’on sait que plus que l’énergie fossile, les métaux précieux et les terres rares seront le moteur de la nouvelle économie mondiale. Au final, il ne faut surtout pas être naïf. Et l’Algérie qui est un pays de paix qui veut la paix se doit légitimement de se préparer à la guerre !

Salim Metref