Introduction à l’étude des partis politiques

En combinant les quatre clivages principaux repérés par ce dernier, il a distingué des partis bourgeois et des partis ouvriers, des partis centralistes et des partis régionalistes ou autonomistes, des partis démocrates-chrétiens et des partis anti-cléricaux, des partis agrariens (clivage rural/urbain), le versant urbain n’ayant pas généré de partis spécifiques. D.-L. Seiler a le mérite de rappeler que «les organisations partisanes n’existent que parce qu’elles prennent appui et entretiennent des oppositions sociales et, par-delà, mobilisent des groupes sociaux bien spécifiques».
Rôle et fonctions des partis politiques. Les fonctions remplies par les partis au sein des systèmes politiques, nous dit Frederic Sawicki, étaient censées, selon les auteurs, épuiser leur «réalité». La complexité des partis, à la fois organisation concrète et représentation mentale, et la diversité de leurs usages ont rendu cette mission impossible. «C’est pourquoi, ajoute cet auteur, l’angle et la méthode d’analyse adoptés pour traiter les partis devraient en fait dépendre directement des questions posées. «Ainsi, si nous nous intéressons à présent aux rôles et aux fonctions des partis, que peut-on en tirer ? De ce point de vue, nous pouvons dire que les partis ont une «ambition de mobilisation», ils «cherchent à s’imposer comme représentants d’une population» et portent «un projet de société. Les partis sont généralement en concurrence entre eux mais aussi avec d’autres organisations telles que les «groupes d’intérêts», les «syndicats», les «associations», qu’ils utilisent parfois comme relais de leur action. Pour y arriver, comme le dit Braud, les partis politiques sont à la fois des «machines électorales, des arènes de débat et des agents de socialisation».
Donc, on peut dire avec certains auteurs que les partis sont appelés à remplir des fonctions diverses dont la nature et le contenu dépendent de leur environnement social, culturel et politique. Ainsi, ils n’ont pas les mêmes fonctions selon qu’ils soient en démocratie, en régime totalitaire, etc. Ils dépendent aussi des caractéristiques propres à chaque parti, d’où des différences entre les partis. Même si, et quelles que soient ces différences, ils cherchent tous à augmenter leur représentativité et à exercer le pouvoir. Néanmoins, on peut distinguer, en parlant des partis, entre les fonctions politiques et les fonctions sociales. Ainsi, comme fonctions politiques, il s’agit notamment de la mobilisation des soutiens pour affronter la bataille électorale dans les meilleures conditions en mettant à la disposition des candidats les ressources financières, en leur assurant une assistance dans les activités de propagande, etc. Ils participent également à la «fonction de recrutement politique», à la «formation» des candidats et à la «recherche de nouveaux talents pour sélectionner de nouveaux candidats.» En outre, ils «élaborent des programmes politiques et contribuent donc à la formation des opinions». Ils cherchent également «à prendre en charge les attentes de la société» en essayant «de donner de véritables réponses aux insatisfactions multiformes des catégories de la population», en soutenant et défendant la politique suivie du gouvernement, s’ils sont au pouvoir, ou en bâtissant et mettant en application des stratégies de critique pour faire assurer l’alternance, s’ils sont dans l’opposition.
Dans le volet de leurs fonctions sociales, on peut évoquer notamment leur rôle d’ «agents de socialisation». Ainsi ils «sont des lieux de sociabilité pour leurs membres, tendant à discipliner les élus, à favoriser la prise de conscience de solidarités entre groupes sociaux différents». Ils «peuvent également se comporter en agents de consolidation des identités collectives».
Attitudes envers les partis. Les partis, nous l’avons déjà signalé, ne sont pas toujours acceptés comme instruments de la pratique politique. Ainsi, disent certains politologues, la contestation de ces entités se nourrit-elle de deux grands courants idéologiques. Le premier est dit «du citoyen individuel», selon lequel les partis empêcheraient ce citoyen de ses droits et devoirs. Ce courant «libéral» s’inspirerait de la doctrine de Jean-Jacques Rousseau sur la démocratie, ou du courant qui considère les partis politiques comme des entités «bureaucratiques» ayant tendance à oublier leurs militants et leur idéal pour sauver leur organisation. Le second est celui dit «de l’ensemble national» qui voit dans les partis des «diviseurs par nature».
On rappelle ici la fameuse position de Roberto Michels à l’égard des organisations dont les partis. Certes, il «ne nie pas la nécessité inéluctable de l’organisation qui constitue d’ailleurs, écrit-il, entre les mains des faibles, une arme de lutte contre les forts», tel qu’on la précédemment noté, mais il considère que les parti, en tant que «mécanisme» ou «machine», ne s’identifie pas nécessairement avec l’ensemble des membres inscrits, et encore moins avec la classe.
Car, «devenant une fin en soi, se donnant des buts et des intérêts propres. Il se sépare peu à peu de la classe qu’il représente». Cela dit, et quoi qu’en dise, même si les partis continuent d’être contestés au nom du libéralisme, par peur de la bureaucratie ou par idéal national, ils ne manquent pas de s’imposer «comme les agents exclusifs de la distribution des rôles politiques dans tous les systèmes politiques modernes».
Et même si, comme le disait déjà Duverger, les adversaires du «régime des partis» pourraient trouver «beaucoup d’arguments» pour avancer que les partis politiques ne sont pas conformes à l’orthodoxie démocratique, car ils sont «essentiellement autocratique et oligarchique». Mais cela ne voudrait pas dire qu’un régime «sans partis serait plus satisfaisant». Car, on peut se demander, disait Duverger, «l’opinion serait-elle mieux représentée si les candidats affrontaient individuellement les électeurs, sans que ceux-ci puissent connaître véritablement les tendances de ceux-là ?» Et, encore, «la liberté serait-elle mieux préservée si le gouvernement ne trouvait en face de lui que des individus épars, non coalisés en formations politiques ?» Nous devons en effet reconnaître, avec certains politologues, qu’au-delà de la belle formule qui nous dit que la démocratie est le «Gouvernement du peuple par le peuple», on n’a vraiment jamais vu un peuple se gouverner lui-même, et on ne le verra sans doute jamais. Tout gouvernement est minoritaire, qui implique forcément la domination d’un petit nombre sur le grand.
Ainsi, pourrait-on dire «la démocratie n’est pas menacée par le régime des partis, mais par l’orientation contemporaine de leurs structures intérieures : le danger n’est pas dans l’existence même des partis, mais dans la nature militaire, religieuse et totalitaire qu’ils revêtent parfois».
Ainsi, le meilleur moyen de défendre la démocratie contre les risques qu’elle engendre elle-même, par son propre fonctionnement, ne consiste pas à lui ôter les moyens d’encadrement des masses et de sélection des cadres politiques.
Les systèmes partisans. Le système partisan est constitué par l’ensemble des relations relativement stables, formé dans chaque pays, par tous les partis politiques, leur dimension, leurs alliances, leur stratégie, etc. Le fonctionnement d’un système de partis dépend des rapports entre le système institutionnel et ledit système de partis. En outre, un système partisan est généralement le reflet des orientations politiques essentielles de la société qui sont déterminées par le «contexte social structurel» de celle-ci ?
Orientations, qui reflètent à leur tour les conflits sociaux qui la traversent. Donc, «les systèmes de partis sont le résultat de facteurs nombreux et complexes, les uns propres à chaque pays, les autres généraux. Parmi les premiers, on peut citer la tradition et l’histoire, les croyances religieuses, la composition ethnique, les rivalités nationales, etc.» Les politologues distinguent généralement entre deux grands systèmes de partis. Les systèmes «compétitifs» et les systèmes «non compétitifs».
Ainsi, les systèmes compétitifs sont la situation où la scène partisane est occupée par plusieurs partis selon la configuration du système partisan concerné. Selon les théoriciens, il existe trois situations possibles : les systèmes multi-partisans, bi-partisans ou à parti dominant. Dans les systèmes multi-partisans, plusieurs partis occupent l’espace politique, les médias, les assemblées représentatives, etc. Le multipartisme est généralement considéré comme l’une des conditions essentielles de la vie démocratique. Toutefois, certains y voient trois inconvénients majeurs. D’abord, il convient mal à l’«agrégation des intérêts», car chaque parti tend à représenter une catégorie particulière. Ensuite, il ne permet qu’une «médiatisation des choix» car, «l’électeur ne décide pas directement de son destin «mais s’en remet à des médiateurs qui décideront ensuite en fonction de coalitions et de compromis quelle sera la politique suivie». Il tend, enfin, à créer «une absence de majorité stable et cohérente capable de soutenir fidèlement et durablement le gouvernement.» Toutefois, ces inconvénients «peuvent être atténués par l’existence d’alliances stables et cohérentes.»
Quant aux systèmes bipartisans, ils se composent de deux partis principaux.
En principe, cela implique une absence de coalition et une alternance au pouvoir. Les effets sont opposés à ceux du multipartisme. Car, «le bipartisme facilite l’agrégation des intérêts et la réduction des exigences.» Il «dé-médiatise les options fondamentales», puisque l’électeur peut ici choisir les programmes et les hommes qui seront chargés de les mettre en œuvre. En fait, Il existe plusieurs types de bipartisme.
On distingue notamment entre un bipartisme «parfait» quand les deux partis principaux totalisent 90% des suffrages ou plus, et un bipartisme «imparfait» lorsque les deux partis ne totalisent que 75 à 80%. Le bipartisme est dit «équilibré» quand il est composé de «deux partis de force et de tailles à peu près égales et s’alternent au pouvoir en fonction des électeurs marginaux».