Quelles perspectives pour la coopération entre l’Algérie et la France ?

Après l’élection présidentielle en France le 24 avril 2022 du Président Emmanuel Macron

Monsieur Emmanuel Macron vient d’être élu président de la République française lors du scrutin du 24 avril 2022 mais le déterminant sera les élections législatives devant avoir une majorité pour appliquer effectivement son programme, dans la mesure où le Premier ministre futur sera issu de la majorité parlementaire J’espère que les relations algéro-françaises trouveront une nouvelle dynamique par la reconnaissance, du devoir de mémoire et du fait colonial, afin d’entretenir une relation apaisée, le renforcement de la coopération économique sur la base d’un partenariat gagnant/gagnant, et sur le plan politique et sécuritaire garantir ensemble la stabilité de la région méditerranéenne et africaine.

C’est dans ce cadre que le président Abdelmadjid Tebboune a adressé le 25 avril 2022 le message suivant au Président Emmanuel Macron, je le cite : « Au moment où vous inaugurez un second quinquennat que je souhaite fort pour une relation algéro-française à refonder, je mesure l’importance de l’opportunité historique qui s’offre à nous deux d’envisager et de prendre en charge l’avenir avec ambition, courage et responsabilité», ajoute le président de la République. Qu’il s’agisse de mémoire, de relations humaines, de consultations politiques ou de projections stratégiques, de coopération économique et d’interactions dans toutes les sphères de travail en commun, la vision rénovée, pleinement respectueuse des souverainetés et de l’équilibre des intérêts, que nous partageons, a le potentiel d’ouvrir à nos deux pays de vastes horizons d’amitié, de convivialité harmonieuse et de complémentarité mutuellement avantageuses

1.-Quel est le poids des relations économiques entre l’Algérie et la France ?
1.1.Selon la Banque mondiale, en 2019, le volume mondial total d’exportations de biens et de services était de 24 795 milliards de dollars et le volume mondial total d’importations de biens et de services était de 24 312 milliards de dollars, soit au total 49.107 milliards de dollars. Au sein de cette structure mondiale en perpétuelle évolution, quel est le poids des échanges entre l’Algérie et la France. Afin de comparer les balances commerciales de l’Algérie et de la France, nous prendrons en référence l’année 2019, puisque pour 2020 du fait de l’impact de l’épidémie du coronavirus n’est pas significative et ayant peu évolué pour l’année 2021.
Pour la balance commerciale, de l’Algérie, avec une population au 01 janvier 2021 de 44 millions d’habitants, qui n’inclut pas les services, (sorties de devises entre 10/11 milliards de dollars par an entre 2010/2019), le document le plus pertinent étant la balance de paiement, le commerce extérieur des marchandises a enregistré au cours de l’année 2019 , des importations de 42 milliards USD et une valeur des exportations d’environ 36 milliards de dollars, les hydrocarbures ayant représenté l’essentiel des exportations durant cette période avec une part de 92,80 % de la valeur globale, marqués par une baisse de l’ordre de 14,48 % par rapport à l’année 2018, pendant que les exportations hors hydrocarbures restent toujours marginales, avec seulement 7,20 % de la valeur globale des exportations, soit l’équivalent de 2,58 milliards USD, en enregistrant ainsi une baisse de 11,80 % mais dont les dérivées d’hydrocarbures et les produits semi bruts représentent plus de 75%. Pour les principaux fournisseurs, en ce qui concerne la répartition des importations par partenaire commercial, les cinq premiers fournisseurs de l’Algérie représentent 50,33 % des importations globales. La Chine, étant le principal fournisseur durant l’année 2019, a contribué à hauteur de 18,25 % des importations de l’Algérie, suivie par la France, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne avec des parts respectives de 10,20 %, 8,13 %, 6,99 % et de 6,76 %.
Les cinq premiers clients de l’Algérie représentent près de 50,85 % des exportations algériennes, A ce titre, la France est le principal client de Algérie avec une part de 14,11 %, suivie par l’Italie, l’Espagne, la Grande Bretagne et la Turquie avec des parts respectives de 12,90 %, 11,15 %, 6,42 % et de 6,27 %. La répartition des échanges commerciaux (import et export) de l’Algérie par zone géographique au cours de l’année 2019, montre clairement que l’essentiel de ces échanges reste toujours polarisé sur les partenaires traditionnels. En effet, les pays de l’Europe enregistrent une part de 58,14 % de la valeur globale des échanges commerciaux, les pays de l’Asie viennent en seconde position des flux commerciaux avec une part de 23,92 %.

1.2- Concernant la balance commerciale de la France, pour une population au 01 janvier 2021 estimée à 66 732 538 habitants (métropole et outre-mer) en 2019, les exportations ont été de 508 milliards d’euros de biens soit au cours moyen de l’époque 1,15 dollar un euro 584 milliards de dollars et 251 milliards d’euros de services ; soit 288 milliards de dollars, et les importations ont été de 567 milliards de biens soit 652 milliards de dollars et 229 milliards d’euros de services, 263 milliards de dollars avec un déficit commercial en biens de 59 milliards d’euros, soit 68 milliards de dollars. Nous avons un excédent des services de 21,8 milliards d’euros, 25 milliards de dollars mais avec une importante facture énergétique autour de 45 milliards d’euros en 2019, soit 52 milliards de dollars.
Les principaux clients de la France sont, UEBL, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Pays-Bas, Etats-Unis, Algérie, Chine, Suisse et les fournisseurs: Espagne, Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Italie, Royaume-Uni, Suisse, Pologne, Brésil, Etats-Unis, les 10 premiers partenaires économiques, concentrent les deux-tiers des échanges, 8 sont des pays européens, auxquels s’ajoutent la Chine et les Etats-Unis. Au cours des dernières années, ce classement a assez peu évolué, avec toutefois le retrait de la Russie du groupe des 10 premiers partenaires commerciaux de la France et l’entrée de la Pologne L’Allemagne distance largement les autres partenaires, avec plus de 14% des échanges, contre un poids compris entre 7 et 8 % pour la Chine, l’Italie, les Etats-Unis, l’Espagne, et la Belgique, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suisse et la Pologne représentant entre 4,8 et 2.2%.
Selon la Banque de France, les réserves et autres avoirs en devises s’élèvent à la fin du mois d’août 2021 à 254 milliards de dollars. Pour l’Algérie, les réserves de change selon la banque d’Algérie 48 milliards de dollars, selon le plan d’action du gouvernement, au 31/12/2021 et à fin 2021 à 44 milliards de dollars. Ainsi, sur le plan strictement commercial, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques ? En 2019, pour la France, les exportations en biens et services totalisent 759 milliards de dollars et les importations 793 milliards de dollars soit au total 1555 milliards de dollars, soit divisé par 49.107 milliards de dollars 3,16% au sein du flux des échanges mondiaux. L’Algérie a importé 42 milliards de dollars et exporté 36 milliards de dollars soit au total 78 milliards de dollars.
Les exportations vers la France de l’Algérie ont représenté en 2019 5,07 milliards de dollars et les importations 4,6 milliards de dollars soit environ 10,5 milliards de dollars. L’Algérie représente dans les échanges français globalement 11 milliards de dollars divisé par 1555, soit 0,70% , ce taux étant encore plus bas entre 2020/2021 et au sein du flux des échanges mondiaux avec les hydrocarbures 78 milliards de dollars divisé par 49.107 milliards de dollars, le taux est de 0,016%.

2.-Pour de nouvelles relations entre l’Algérie et la France
2.1.-Nos deux pays doivent avoir une vision commune de leur devenir, et ce afin de contribuer ensemble à la stabilité régionale, conditionnée par un véritable co-développement. S’il ne s’agit nullement d’occulter la mémoire, indispensable pour consolider des relations durables entre l’Algérie et la France, il s’agit bien, en ce monde impitoyable où toute nation qui n’avance pas recule, de préparer l’avenir, ensemble et dans le respect mutuel. Pour ma part, au cours de différentes rencontres avec d’importantes personnalités politiques et économiques, j’ai souligné que l’Algérie entend ne pas être considérée comme un simple marché. Et c’est dans ce cadre que doit se déployer un co-partenariat entre l’Algérie et la France, loin de tout préjugé et esprit de domination. C’est dans le contexte de la quatrième révolution économique mondiale que doit être appréhendée une approche réaliste du co-partenariat entre l’Algérie et la France tenant compte.
Au niveau mondial, nous assistons à l’évolution d’une vision purement matérielle, caractérisée par des organisations hiérarchiques rigides, à un nouveau mode d’accumulation fondé sur la maîtrise des connaissances, des nouvelles technologiques et des organisations souples en réseaux comme une toile d’araignée à travers le monde, avec des chaînes mondiales segmentées de production où l’investissement, en avantages comparatifs, se réalise au sein de sous-segments de ces chaînes.
Comme le note justement mon ami Jean-Louis Guigou, président de l’Ipemed (Institut de prospective économique du monde méditerranéen, à Paris), il faut faire comprendre que, dans l’intérêt tant des Français que des Algériens – et plus globalement des Maghrébins et des Européens ainsi que de toutes les populations sud-méditerranéennes , les frontières du marché commun de demain, les frontières de Schengen de demain, les frontières de la protection sociale de demain, les frontières des exigences environnementales de demain… doivent être au sud du Maroc, au sud de la Tunisie et de l’Algérie, et à l’est du Liban, de la Syrie, de la Jordanie et de la Turquie, passant par une paix durable au Moyen-Orient, les populations juives et arabes ayant une histoire millénaire de cohabitation pacifique. Plus précisément, l’Algérie et la France présentent l’une et l’autre des atouts et des potentialités pour la promotion d’activités diverses et cette expérience peut être un exemple de ce partenariat global, l’axe privilégié du rééquilibrage du sud de l’Europe, par l’amplification et le resserrement des liens et des échanges sous différentes formes.

Professeur des universités, expert
international Abderrahmane Mebtoul
(A suivre)