L’Algérie a surtout besoin d’une stratégie de sortie de crise, évitant le terrorisme bureaucratique

Nouveau code d’investissement

Après avoir été rejeté plusieurs fois par le président de la République, demandant de lever les verrous bureaucratiques, le code des investissements est à nouveau réétudié par le gouvernement. Mais, pour qu’il soit vraiment efficace, c’est tout l’écosystème éco-social du pays qu’il faudrait revoir. Car depuis de longues décennies, combien de codes d’investissements, de réunions, de commissions ont eu lieu pour relancer le tissu économique. Pourtant, jusqu’à présent, 98% des recettes en devises proviennent toujours de Sonatrach, ce qui prouve que ces différentes rencontres n’ont eu aucun impact sur le terrain et que le blocage est d’ordre systémique. C’est l’entreprise libérée des entraves et un Etat régulateur qui peuvent créer une économie productive à forte valeur ajoutée.

L’annonce de 4 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures pour 2021 doit tenir compte non seulement de la valeur – car certaines produits, comme les engrais et autres ont vu leurs prix augmenter au niveau du marché international de 30 % à 50% – mais aussi en volume : pour établir une réelle en comparaison, le ministère du Commerce devra donc déclarer aussi les volumes (en kg ou en tonnes) des produits exportés lors des années précédentes, de 2017 à 2020. C’est la seule référence pour voir s’il y a eu réellement augmentation des exportations et performances des entreprises algériennes, et pour la balance nette pour l’Algérie soustraire les matières premières importées en devises et des exonérations fiscales. Comment ne pas rappeler que l’Algérie a engrangé plus de 1100 milliards de dollars en devises entre 2000 et 2021, avec une importation de biens et services, toujours en devises, de plus de de plus de 1050 ( le solde étant els réserves de change clôturé à 44 milliards de dollars au 31/12/2021) pour un taux de croissance dérisoire de 2-3 % en moyenne, alors qu’il aurait dû se situer entre 9-10 % durant cette période, excepté l’année 2020 exceptionnelle du fait de l’impact du coronavirus qui a vu un taux de croissance négatif pour l’Algérie de 5%.

4.- L’Algérie, pays à fortes potentialités, acteur stratégique de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine , n’a pas besoin de louanges mais d’un langage de la vérité afin de ne pas renouveler les erreurs du passé et redresser l’économie nationale. C’est dans ce cadre que j’ai adressé une correspondance aux responsables de la région MENA du FMI et de la Banque mondiale, à Washington , en tant qu’expert international sur le rapport du FMI d’avril 2022 sur l’Algérie demandant des éclaircissements sur la méthodologie et les hypothèses de calcul notamment du calcul du taux de chômage : a-t-on inclus les emplois rente improductifs, les emplois temporaires non productifs et la sphère informelle spéculative, en précisant qu’ un taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente : un taux élevé en T2 par rapport à un taux faible en T1 donne un taux relativement faible. Car, la synthèse du rapport telle que reprise par l’APS début mai 2022, recèle des contradictions entre les données macroéconomiques dont le taux de croissance relativement faible par rapport à la pression démographique et les données macro sociales, dont le taux de chômage en forte baisse, contraire à la réalité. Comment peut –on annoncer une baisse du taux de chômage avec une croissance si faible en 2022 de 2,4% approchant le taux de croissance démographique, selon l’ONS entre 1,8 et 2% ? Car, uniquement dans le BTPH en 2021, il y a eu destruction selon les organisations patronales de plus de 500.000 sans compter la léthargie de bon nombre de PMI/PME fonctionnant en sous capacités, qu’il faille un taux de croissance sur plusieurs années de 8/9% pour absorber le flux additionnel annuel de 350.000/400.000 emplois qui s‘ajoute au taux de chômage actuel .La réponse que je viens de recevoir des experts internationaux est que tous les rapports du FMI reprennent dans leurs lignes directrices, les rapports transmis par les gouvernements respectifs. Donc ce présent rapport sur l’Algérie reprend donc les données transmises par le ministère des Finances algérien au FMI, ce qui montre comme l’a maintes fois dénoncé le président de la république l’effritement du système d’information en Algérie. Mais cela ne dédouane pas le FMI qui aurait dû procéder à des tests de cohérence au vu des indicateurs macroéconomiques et macro- sociaux transmis. D’ailleurs avec la crise actuelle géopolitique, alimentaire et énergétique, on aura remarqué que les projections du FMI sur les perspectives de l’économie mondiale, changent tous les deux à trois mois du fait des incertitudes à la fois géopolitiques et économiques. D’où l’urgence pour l’Algérie, où le monde devrait connaître un profond bouleversement d’une nouvelle politique socio-économique afin d’ éviter des remous sociaux. Tous les gouvernements depuis des décennies ont généralisé les emplois rentes improductifs, les subventions, source de gaspillage croissant des ressources financières du pays, où selon les prévisions pour 2022, les subventions implicites, constituées notamment de subventions aux produits énergétiques et des subventions de nature fiscale, représentent environ 80 % du total des subventions , étant prévu
1 942 milliards de dinars, 19,7 % du budget de l’État en 2022. C’est là un dossier très complexe que le gouvernement a décidé de revoir. Mais sans maîtrise du système d’information et la quantification de la sphère informelle, la réforme risque d’avoir des effets pervers.

En résumé, si l’on veut que le nouveau code d’investissement ait un impact réel, il y a urgence d’une réorientation de toute la politique socio-économique, de profondes réformes structurelles devant synchroniser la sphère réelle et la sphère financière, la dynamique économique et la dynamique sociale. Le retour à la confiance, sans laquelle aucun développement n’est possible, passe par une vision stratégique clairement définie. L’Algérie a besoin surtout d’une stratégie de sortie de crise, évitant les actions conjoncturelles, le replâtrage et le juridisme devant s’attaquer à l’essentiel, le fonctionnement de la société. Bien que la situation sera de plus en plus difficile sur le plan économique entre 2022 et 2025, l’Algérie a les moyens de la surmonter avec du réalisme, par un propos de vérité évitant les discours démagogiques populistes se fondant sur une vision idéologique dépassée.
Un nouveau code d’investissement en Algérie, sans vision stratégique, une nouvelle gouvernance, de profondes réformes structurelles conciliant efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale – supposant une profonde moralité de ceux qui dirigent la Cité – aura un impact mitigé. Le dépassement de l’entropie actuelle, les tensions géostratégiques à nos frontières, où de nouvelles reconfigurations se dessinent, pose la problématique de la sécurité nationale.
Professeur des universités, expert
international Abderrahmane Mebtoul
(Suite et fin)