Nous voulons de la vie au théâtre et du théâtre dans la vie

Le théâtre

Le théâtre apporte des changements dans le comportement des gens et la vie en fait autant au théâtre parce que celui- ci s’inspire quotidiennement du vécu de chacun pour bâtir des comédies et des tragédies, ou des tragicomédies nouvelles intéressantes dans la mesure où ce théâtre donne à chaque individu l’opportunité de se voir vivre parmi les autres, de se découvrir, et de se corriger si besoin pour mieux vivre en société et en parfaite harmonie avec tout le monde. Nous voulons de la vie au théâtre, cela veut que le théâtre doit sans cesse s’actualiser, se vivifier en permanence pour être plus intéressant au public des spectateurs. Nous voulons du théâtre dans la vie, parce qu’on a en a besoin pour mieux se connaitre, découvrir la vie telle qu’elle est, il arrive même que l’on s’identifie à un des personnages dans son rôle, de découvrir ses manquements dans la façon de se conduire, de voir les voies et moyens à mettre en œuvre pour s’amender, de comprendre enfin pourquoi les problèmes relationnels de la vie, nous font souffrir. C’est pourquoi on comprend mieux pourquoi le théâtre est une thérapie et une catharsis. C’est une thérapie car il aide à surmonter les nombreux handicaps maladifs dont souffrent de nombreuses personnes dans leur quotidien en les empêchant de vivre pleinement leur vie. La catharsis désigne ce processus mental et psychique par lequel le spectateur va extérioriser, rejeter et purger ses plus mauvais sentiments, elle réside dans cette faculté paradoxale et mystérieuse qui serait propre au théâtre tragique de transformer des sentiments désagréables, de purifier ou de purger l’état mental en aidant à transformer les sentiments désagréables en plaisir.

Nous voulons de la vie au théâtre
Les premiers dramaturges, ceux qui ont donné naissance au théâtre, bien avant que ce genre littéraire ne connaisse une expansion considérable à travers le monde, ont compris que pour réussir, il fallait porter sur scène tout le vécu social dans tous ses hauts et ses bas. Ainsi, les premiers dramaturges grecs, Euripide, Sophocle, Eschyle qui n’écrivaient pas leur théâtre, ont composé oralement au fil du temps des centaines de pièces théâtrales traitant de tous les aspects de la vie telle qu’elle est vécue, des pièces de grande valeur parce que très bien élaborées avec des rôles bien précis pour chacun des personnages, des rôles qui correspondent exactement à ceux de la vie quotidienne si bien que quand on assiste à une pièce, on a l’impression de voir se dérouler des moments importants de la vie en société, le spectacle est intéressant pour chacun qui peut ainsi se voir projeté sur scène. C’est la vie au quotidien qu’on introduit au théâtre pour le rendre vivant et intéressant. Les grands dramaturges ont su tirer le meilleur de la vie sociale pour réaliser des chefs d’œuvre. Kateb Yacine, par exemple a produit un théâtre authentiquement algérien en s’inspirant largement du patrimoine national tant sur le plan culture que traditions, histoire, mœurs, traits de caractère, croyances. On le découvre bien en lisant « Le Polygone étoilé »,roman admirable pour sa qualité d’écriture, sa structure inspiré du nouveau roman et sa faculté de pouvoir se lire comme roman et de se jouer comme pièce théâtrale. On aimerait bien voir ce roman se transformer en pièce théâtrale. L’auteur lui-même a dit que sa mère, qui occupe une place importance dans le roman, qu’elle est même une pièce de théâtre. Et que dire de Molière, dramaturge de tous les temps et universel, il peut se jouer partout sans jamais choquer personne. Les personnages, Tartufe, l’avare, les femmes savantes. Le Misanthrope, le bourgeois gentilhomme existent partout et sont d’un ridicule exceptionnel susceptible de faire rire aux éclats les plus froids des caractères humains. Aux colères et peurs excessives de l’avare qui craint de voir rentrer chez lui et à tout moment un voleur, il se voit traiter de vicieux, on lui fait entendre le vers : « La pauvreté n’est pas un vice mais l’avarice en est un grand ». Molière a écrit son théâtre au 17ème siècle d’une grande valeur d’actualité, en mettant en scène des personnages qui sont de la vie de tous les temps, on peut les rencontrer aujourd’hui à tous les coins de rue et dans tous les pays. Il s’agit là d’un théâtre vivant et on y joue des scènes du vécu collectif de tous les temps.

Nous voulons du théâtre dans la vie
Le théâtre est une école de divertissement et de formation, indispensable à l’évolution de l’individu, il joue donc un rôle important au sein de la cité, et plus que le cinéma ou la musique, l’atelier de peinture puisque le genre théâtral est capable de réunir tous les domaines artistiques, on a vu des représentations théâtrales qui réunissent tous les arts. Dans un théâtre, on peut voir un groupe chanter en chœur, des tableaux de peinture apprêtés pour la circonstance et ce, en plus des échanges paroliers entre les acteurs, il faut reconnaitre que le théâtre est un genre très complexe, mais passionnant dans la mesure où il apporte beaucoup aux spectateurs en plus du plaisir qu’il offre à écouter parler les acteurs qui mobilisent le corps et l’esprit, qui est supposé avoir appris avec la pratique, à adapter différentes postures de timbre de voix, de respiration, de souplesse corporelle. Sans compter que le théâtre est avant tout un texte à contenu enrichissant qu’il convient de comprendre et d’apprendre ; cela permettrait également de rehausser son niveau intellectuel et à raviver des émotions, des frustrations et des pensées qu’on apprend à comprendre, à nommer puis à en avoir la maîtrise.
Le théâtre permet de s’extérioriser en essayant, malgré soi, d’esquisser quelque jugement comme un enfant qui apprend à parler, un jugement sur la qualité de la pièce pour arriver de ce fait à vaincre toute timidité maladive et handicapante en exprimant des points de vue argumentés. Il ne faut pas oublier le côté divertissement du théâtre sous toutes ses formes, humoristique ou dramatique qui crée une atmosphère de détente bonne pour la santé. Une dynamique de groupe finit par voir le jour où chacun dans un ensemble de camarades apprend à prendre la parole pour dire ce qu’il pense de tel ou tel acteur et à parler de dénouement heureux ou malheureux ; ainsi on participe à un débat d’idées et au fil du temps, on se rend compte du chemin parcouru depuis le temps où on souffrait de timidité. On peut dire qu’on a atteint le stade du plein épanouissement où chacun est devenu un participant actif. On va au théâtre pour découvrir, se défouler, retenir des leçons utiles pour l’avenir. On découvre les types de caractères, qui vont des caractères sanguins aux caractères lymphatiques, c’est-à-dire des types coléreux aux types calmes, exactement comme dans la vie, il y a des gens qui ont les nerfs à fleur de peau et qui s’emportent facilement, et d’autres qui gardent leur flegme c’est-à-dire leur calme. Molière a bien fait comprendre aux spectateurs l’importance de ces deux types de caractère dans sa pièce théâtrale qui est une comédie et qui s’intitule « Le Misanthrope » qui met en scènes deux caractères opposés, le Misanthrope et le philanthrope, le premier déteste les hommes pour leur méchanceté et leurs vices, l’autre, au contraire garde son calme dans tous les cas de figure, non pas qu’il est calme de nature, mais qui sait se maîtriser, parce que il n’y a pas d’autre manière de vivre heureux ; il prend les hommes comme ils sont, s’accommodent de tous les caractères et sans jamais s’emporter, par intérêt.
Pour mieux vivre, il faut supporter intelligemment les autres, non parce qu’on aime les hommes, mais parce qu’il n’y a d’autre manière de faire pour bien vivre et tirer profit de chaque individu.
En somme le philanthrope est hypocrite, car il ne se montre pas sous son vrai visage, s’il est accommodant, ce n’est qu’il est sympathique, il se montre sympathique pour mieux se faire servir. Quant au Misanthrope, il se déclare détester tout le monde, les uns sont trop malins, les autres se montrent méchants et antipathiques, la vie devient insupportable et il jure d’aller seul vivre seul dans un désert. Le Misanthrope a un idéal moral, il veut que tout le monde en société soit correct, sincère, honnête, mais il se trompe, on ne peut éduquer tout le monde à son image.
Le Misanthrope rappelle un autre personnage de Nietzche dans « Ainsi parlait Zarathoustra » où Zarathoustra a fui la société et est allé vivre seul dans un endroit désert et au bout d’un an, il a fini par se rendre compte que l’homme est né pour vivre en société, il est comme le soleil qui, du matin au soir, apporte à tout le monde la chaleur humaine qu’il faut pour le rendre heureux.
Boumediene Abed