Yadi Morsli Mohamed (1921 – 2006) Il y a 16 ans, une grande figure de Béni-Saf, le tout premier directeur de la Sonarem tirait sa révérence

Issu d’une famille de chouhada, des personnes avec un esprit de révolutionnaires en pleine guerre d’indépendance, connu et reconnu, il est né en 1921 à Maghnia, décédé, il y a 16 ans, après une vie bien remplie tant en honorable qualité de Moudjahed que d’un élu de haute volée que beaucoup pourraient lui envier. Il a échappé à la mort et à la répression du colonialisme français, détenu dans les sombres geôles de la prison d’El-Asnam, et enfin libéré dès notre indépendance.
Béni-Saf, centre minier par excellence à l’époque a vu la création de la Sonarem (société nationale de la recherche et d’exploitation minière) en 1967, à la suite de la nationalisation des mines en 1966. Il faut noter que les mines étaient un secteur stratégique qui a décuplé son importance, surtout après la nationalisation des mines le 6 mai 1965 par le président Houari Boumediène. La Sonarem n’existe plus et à cédé sa renommée à Ferphos.
Yadi Morsli Mohamed, au lendemain de la création de la Sonarem, fut nommé à la gestion de cette société nationale. Il en est devenu le tout premier directeur de cette mine de fer, dont il assura la gestion pendant 27 ans, plus d’un quart de siècle, toute une génération, pour ne la quitter qu’en 1994, à sa retraite.
Il devait recevoir le défunt président Houari Boumediène lors de sa visite dans la région, quant à un éventuel développement socio-économique des potentialités locales.
Yadi faisait partie de cette race de « seigneurs » dans le verbe, le geste et les actes, mais qui, hélas n’existe plus, tant de nos jours, l’amour du pays ou de la ville, se confond avec l’intérêt financier, l’intérêt personnel, l’égoïsme, le chacun pour soi et il faut le reconnaître un grand laisser-aller, et une absence de l’autorité.
Il était connu pour être simple dans sa vie, en homme sage, d’un calme olympien et personne ne peut dire l’avoir jamais entendu crier ou simplement hausser le ton, tant il avait une grande opinion de la responsabilité, de la charge publique, avec toujours une prise de conscience, et une remise en question, sans doute ayant acquit ces valeurs, durant ses années en prison. En tous cas, il avait une haute idée de la fonction exercée, publique officielle ou privée.
C’est ce sens-là qui est perdu aujourd’hui, galvaudé par des « nonchalants », certains « arrivistes », qui de par leur comportement décrédibilisent la fonction et la banalisent outrageusement.
Il est regrettable que, comme beaucoup d’autres personnes qui ont énormément donné à cette ville, son nom ne figure nulle part, dans le périmètre urbain ou patrimoine local, ni sur une plaque de rue, ni sur le mur d’un édifice, d’un stade ou sur l’espace des locaux de la mine qu’il avait dirigé pendant 27 ans.
Un citoyen écrivait que, de son temps, la ville respirait la propreté, que pendant la saison estivale, des soirées musicales animées par des orchestres venues du Maroc, d’Oran, et d’ailleurs, tel Blaoui Houari, Ahmed Wahbi mais aussi d’Alger avec Noura et tant d’autres.
En effet, Béni-saf respirait la quiétude et la paix dans tous les sens du terme et celles et ceux qui ont connu cet homme se souviendront toujours de lui, comme étant un personnage d’une grande moralité, d’un sens des valeurs, digne et intègre, pourvu également d’une courtoisie, appréciable par les temps qui courent.

Son humilité est à ce jour connue et respectée
Une autre personne dira que les mineurs, sous la direction de Si Yadi-Morsli formaient une famille, beaucoup plus que des équipes de travailleurs courageux, des mineurs de fond. Il ajoutera « je me rappelle, on avait le transport pour continuer nos études au CEG, au CET et aussi de Sidi-Safi à Béni-Saf. Que de bons souvenirs. ».
Un parallèle me revient à l’esprit, en ce sens que le colonialisme avait construit des maisonnettes, rue Emir Abdelkader( ex-Bugeaud) et rue du 1er novembre ( ex-Chanzy) pour ses ouvriers, pour qu’ils soient prêts au labeur, disponibles et sans souci d’habitat, pour plus s’investir dans l’extraction du minerai des entrailles du sous-sol, par des galeries, dans des conditions rudes et dures, infernales, mais selon le colonialisme, c’était du « social », alors que c’était surtout pour les avoir à proximité de la mine. La réalité est toute autre : beaucoup d’ouvriers mineurs ne remontaient pas à la surface, et restaient ensevelis dans les nombreuses galeries. Il y avait plusieurs accidents et souvent impossible d’aller les secourir ou ramener les corps. Pour mémoire, il semblerait que la société minière coloniale, qui avait entrepris des recherches de gisement, au niveau de la forêt dite « ghabète Chlouh », et un matin, suite à un éboulement souterrain, quarante ouvriers seraient restés coincés à jamais, prisonniers des entrailles de la terre. Leurs corps n’auraient jamais été récupérés.
Et l’autre accident mortel subit par feu Serghini, près du chargeur portuaire installé à l’époque sur la jetée Ouest, où accostaient les minéraliers étrangers. Il a été percuté par une rangée de wagonnets en pleine vitesse à qui il tournait le dos. Il décéda sur place. Il habitait la rue ex-Clauzel (rue de la révolution aujourd’hui). Et à cette époque, quand la sirène se déclenchait hors les heures normales, c’est toute la population qui retenait son souffle, qui priait le salut des mineurs, et comme une trainée de poudre, la rumeur donnait l’information des accidents. De bien tristes et malheureuses histoires de la dure existence des ouvriers de la cité minière.
Pour sa part, Yadi Morsli, avait mit en place un circuit de transport des ouvriers mais aussi des élèves et écoliers, fils de mineurs, comme le disait ce citoyen.
Yadi Morsli, outre la direction de la mine de fer, fonction de renom et de respect à cette époque, a aussi présidé aux destinées du club de boules de la Plage du Puits, aujourd’hui inexistant, de la prestigieuse JPBS, la non moins célèbre et talentueuse équipe de basket-ball et du club de foot local. En 1970, il fut même désigné à la tête de cette célèbre équipe de Basket-Ball, au sein de laquelle brillait un certain Soudani Abdelkader, tâche honorable qu’il assuma jusqu’en 1978.
En homme honnête, brave, compétent, plein d’empathie et de sagesse, d’une grande politesse, instruit et cultivé, mais aussi de rigueur dans sa gestion et de son esprit prospectif, voyant loin, à un moment où Béni-Saf, compterait beaucoup plus d’habitants, il devait être facilement élu président de l’APC, pendant plusieurs années, et apprécié en cette qualité.
Au risque de se répéter, il faut le souligner, Yadi avait sa façon sage et raisonnée d’appréhender les soucis, les problèmes de la mine, de la ville ou de l’équipe de basket. Il avait adopté une gestion de la ville à l’image d’une Entreprise, en ce sens qu’il fallait se battre sur tous les fronts, se rendre dans les sphères hiérarchiques et, rechercher des solutions, présenter ses doléances et autres projets. A noter qu’il avait été président de l’APC, à une période difficile de mise en place de la révolution agraire et des villages socialistes, une lourde charge, une période non comprise par certains et dont l’application exigeait beaucoup d’écoute, de compréhension et de vulgarisation.
Yadi, et c’est de notoriété publique, n’avait de souci que pour les besoins de la population, qu’il ne pouvait en être indifférent, tellement il y avait ce besoin de soif de vie au sein de la société, qui n’aspirait que de bénéficier de la redistribution des bienfaits de l’indépendance, mais aussi aux différents aspects de la vie économique culturelle et sociale de la ville, et de ses milliers d’habitants. Le monde de Béni-Saf sur ses épaules. Il prenait tout à lui. Il voulait tout régler à en être malade.
Il aurait voulu tout régler, trouver solution à tout problème. Il aurait fallu avoir une baguette magique.
Yadi Morsli Mohamed repose aujourd’hui en paix, enterré au cimetière Sidi Sohbi de Béni-Saf, lui qui était né à Maghnia. C’est dire la fusion d’amour et de sentiments honorables qu’il avait pour sa ville d’adoption, qu’il a toujours aimé et défendu, dès sa prise de fonction à la mine.
Yadi s’est donc retiré sur la pointe des pieds, sans déranger personne.
Fatigué, il s’était retiré de la vie municipale, dans sa maison auprès de l’amour et de l’attention de son attentionnée épouse, de ses proches, de ses enfants pour qui, Béni-Saf reste un phare de lumière et d’évocation, de visites au cimetière de Sidi Sohbi, la haut sur les hauteurs de la ville, sur la route allant vers Aïn-Témouchent.
Yadi ? Un homme bien. Vous savez Yadi, il était bien aimé par la population de Beni-Saf, et ça c’est un fait, un constat, une valeur rare.
Mohamed Seghiouer