Afin de pouvoir agir sur les évènements futurs, comprendre les déterminants de la crise économique mondiale de 1929, de 2008 et celle de 2020/2022

Bulles financières et effondrements économiques

Par rapport à la période contemporaine, faut-il considérer la crise de 1929, de 2008/2009 et récente de 2022 avec la crise ukrainienne, comme étant un événement unique dans l’histoire du capitalisme, ou faut-il l’apparenter aux autres crises récentes qui bouleversent les économies capitalistes ? Encore ne faudrait-il pas tirer des conclusions hâtives.

La question reste posée et le devoir de mémoire est fondamental pour tirer les leçons du passé et donc de comprendre l’essence tant de la crise de 1929 que celles de 2009 et 2022, tenant compte des nouveaux rapports sociaux et des bouleversements mondiaux (transition numérique et énergétique). Cela suppose l’adaptation au fonctionnement de la société qui a été perturbée depuis l’entrée en puissance des nouvelles technologies à travers Facebbok qui contribuent à refaçonner les relations sociales, les relations entre les citoyens et l’Etat, par la manipulation des foules, pouvant être positif ou négatif lorsqu’elle tend à vouloir faire des sociétés un «Tout homogène», alors qu’existent des spécificités sociales des Nations à travers leur histoire. Ces nouvelles dictatures peuvent conduire à effacer tout esprit de citoyenneté à travers le virtuel, l’imaginaire et la diffusion d’images avec pour conséquence une méfiance accrue par la manipulation des foules, lorsque des responsables politiques formatés à l’ancienne culture ne savent pas communiquer.

1- Comprendre l’essence de la crise de 1929 et de 2008
1.1-Le krach de 1929 est consécutif à une bulle spéculative, dont la genèse remonte à 1927. La bulle fut amplifiée par le nouveau système d’achat à crédit d’actions, les investisseurs pouvant acheter des titres avec une couverture de seulement 10%. Le taux d’emprunt dépend du taux d’intérêt à court terme ; la pérennité de ce système dépend donc de la différence entre le taux d’appréciation des actions et ce taux d’emprunt. C’est le 24 octobre 1929 que la fameuse crise se déclencha aux Etats-Unis ; on appela ce jour le « jeudi noir » ou Black Thursday ? Le krach boursier de Wall Street plongeant l’économie américaine et l’économie mondiale dans la tourmente et ce malgré l’apparente santé de l’économie américaine dont les bases de sa croissance étaient pourtant faibles.
A la mi-octobre 1929, l’annonce de la baisse des bénéfices des industries poussa les spéculateurs à vendre leurs actions pendant que le cours de Wall Street était encore élevé. Cette vente entraîne une chute encore plus rapide des actions, plus de 16 millions de titres seront bradés sur le marché, sans trouver toutefois preneur. Les épargnants paniquent et se précipitent auprès de leur banque pour retirer leur argent. Bientôt des centaines de milliers d’actionnaires se trouvèrent ruinés ; les banques ne purent se faire rembourser leurs crédits et les épargnants retirent leur argent de leurs comptes.
Un grand nombre de banques n’ayant pas les moyens de rembourser, leurs clients furent faillites. Pour s’en sortir le seul moyen des banques furent de stopper les prêts à l’étranger et de réclamer le remboursement de ceux déjà effectués. De plus les capitaux américains cessent de circuler autour de la planète, la conséquence inévitable fut l’expansion de la crise à l’ensemble des pays industrialisés. Entre le 22 octobre et le 13 novembre 2009, l’indice Dow Jones passe de 326,51 à 198,69 (39%), ce qui correspond à une perte virtuelle de 30 milliards de dollars, dix fois le budget de l’État fédéral américain de cette époque. Par un effet de dominos, c’est l’ensemble de la Bourse qui s’effondre, et la chute de 1930 à 1932 est supérieure à celle de l’année 1929. Le 8 juillet 1932, le Dow Jones tombe à 41,22, son plus bas niveau depuis sa création en 1896. La baisse des prix fut générale et atteignit environ 30% de 1929 à 1932. Suite à la hausse des taux d’intérêt en avril 1929, lorsque survient la première stagnation des cours, le remboursement des intérêts devient supérieur aux gains boursiers et l’économie réelle montre des signes de faiblesses : ainsi, la production automobile chute de 622.000 véhicules à 416.000 entre mars et septembre et la production industrielle recule de 7% entre mai et octobre. Ce ralentissement est en partie dû à un phénomène d’asphyxie : les capitaux disponibles accourent à la bourse plutôt que vers l’économie « réelle ». La perte de confiance due à la crise boursière affecte la consommation et les investissements lors des mois suivant le krach. Les crédits se tarissant, la consommation, l’investissement et la production continuent de chuter, le chômage explose (de 1,5 millions à 15 millions en 1933), et la crise bancaire devient une crise économique en 1931.
Les mesures protectionnistes telles que la loi Hawley-Smoot de 1930 sur les droits de douane, favorisent la propagation de la crise à toutes les économies occidentales à partir de 1931. Début 1933 les profondes crises sociales et économiques favorisent les interventions publiques et la naissance de différents fascismes européens. Début 1933 la crise était au plus haut aux Etats-Unis, le nouveau président, fraîchement élu, Franklin D. Roosevelt, lança le New Deal (intervention accrue de l’Etat, infrastructure pour lutter contre le chômage, assainissement des finances). La dépression recula un peu, mais c’est surtout l’entrée en guerre des Etats-Unis grâce aux dépenses militaires qui la fit disparaître en 1941. En Allemagne et en France on adopta aussi les théories de Keynes : les dépenses publiques devaient compenser le manque d’investissements privés.
En 1934 le gouvernement de Laval décida le blocage du salaire des fonctionnaires ; les résultats économiques furent infimes mais l’agitation sociale s’en trouva renforcée. L’extrême droite française s’était aussi renforcée, mais le Front populaire face à cette crise remporte les élections en 1936. En Allemagne la crise avait permis à un homme de parvenir au pouvoir : Adolf Hitler.

1.2-Qu’en est-il de la crise d’octobre 2008 ?
Entre le 2 janvier et le 20 novembre 2008, les plus grandes places financières ont perdu presque la moitié de leur capitalisation, soit environ 35.000 milliards de dollars soit plus de deux fois le produit intérieur brut américain de 2007, touchant presque tous les pays puisque Moscou pour la même période a perdu 72% de sa capitalisation et les dirigeants asiatiques japonais, chinois, indiens disent ouvertement maintenant que la crise les atteint. Existent bon nombre de similitudes entre la crise d’octobre 1929 et celle d’octobre 2008, boom économique précédent la crise, endettement croissant et divorce entre la sphère réelle et financière, répercussion sur la sphère réelle avec la chute des valeurs technologiques (idem pour le parc transport notamment le segment automobiles. Ainsi en octobre 2008, les ventes de voitures , ont dégringolé aux USA de 32% par rapport à la même période de 2007. Les volumes sont passés sous la barre des 900.000 véhicules pour la première fois depuis 1993, le constructeur américain Ford ayant annoncé une réduction supplémentaire de 10% de sa masse salariale aux Etats-Unis en même temps qu’une perte de 129 millions de dollars au troisième trimestre. Au quatrième trimestre 2008, le sidérurgiste va diminuer l’ensemble de sa production de 35%.
L’Europe, où la situation est généralement «plus difficile» qu’ailleurs, est particulièrement touchée. Il s’ensuit une baisse du niveau de consommation des ménages et un signe inquiétant du début de licenciement. Mais à la différence de 1929 existe une nette volonté de régulation des Etats, l’économie mondiale étant en déflation (faible inflation, chômage croissance négative) et non en stagflation (inflation et chômage décroissance). Comme en témoigne la socialisation des pertes de certaines banques la rapidité des interventions des banques centrales que ce soit la FED américaine ,la banque centrale européenne, la banque d’Angleterre, japonaise, russe, chinoise et indienne de coordination pour briser le cercle vicieux du manque de confiance, prêts interbancaires bloqués qui constitue l’élément vital de fonctionnement de l’économie mondiale. Car, la FED américaine avait avant la crise récente un taux directeur de (2%) , depuis le 8 octobre 2008 à 1,5% et ramené le 31 octobre 2008 à 1% ; pour le taux européen,( BCE) il était de 4,50%, a baissé de 4,25% , venant d’être ramené à 3,75% depuis le 08 octobre 2008 et qui a été revu à la baisse le 06 novembre 2008 à 3,25%.
La conjoncture européenne se dégrade à une telle vitesse, que la BCE a baissé une nouvelle fois son taux directeur d’un demi ou de trois quarts de point le 4 décembre 2008. Pour les dépôts en livres sterling, il devait être inférieur à 5%, le taux de la banque d’Angleterre était de 5% et a été ramenée depuis le 8 octobre 2008 à 4,50% et a été revu à la baisse à 3% depuis le 06 novembre 2008. Le taux directeur de la banque centrale du Japon (BOJ) est resté inchangé depuis février 2002 avec un taux directeur à 0,50%, et vient d’être ramené depuis le 31 octobre 2008 à 0,30%.
Par ailleurs, à la différence de 1929, nous avons une interconnexion de plus en plus poussée des différents pays à l’économie mondiale supposant paradoxalement une propagation plus rapide de la crise mais également sa résolution progressive. Avec les banqueroutes répétées, le crédit interbancaire source de l’expansion de l’économie mondiale a eu tendance à s’assécher surtout au niveau des banques d’affaires qui ont connu une expansion inégalée durant la période contemporaine. Or, à la différence d’une banque universelle, une banque d’affaires n’a pas la possibilité, en cas de conditions de marché difficiles, de s’appuyer sur les dépôts des particuliers pour lever des fonds pour le court terme, bien qu’elles continuent à émettre des dettes à court terme pour financer leur activité. Or, de plus en plus les établissements financiers auprès desquels les banques d’affaires se refinancent, refusent en période de crise de prêter par manque de confiance dans la capacité de remboursement de ces banques. C’est cette situation qui a poussé le FMI a adoucir sa position monétariste et la FED à injecter plusieurs centaines de milliards de dollars de liquidités sur les marchés et à étendre les accords de «Swaps» avec ses homologues européenne, japonaise, britannique et suisse. C’est que l’accord Swap permet aux banques centrales de se prêter réciproquement des liquidités à court terme pour stabiliser le système financier de son pays. Comme cette crise explique également la politique de la Réserve fédérale américaine et des autres banques de baisser leur taux d’intérêt directeur. Mais comme pour 1929, l’essence de la crise réside dans la financiarisation de l’économie mondiale déconnectée de la sphère réelle où nous avons deux types de détention d’actions.
La détention directe (ceux qui les détiennent en propres) et la détention indirecte (ceux qui les détiennent par le biais d’un intermédiaire : organismes de gestion, sociétés d’assurances-vie, caisses de retraite (SICAV). Le fait nouveau réside dans la modification rapide et importante du type d’actions détenues par les ménages.
La détention directe d’actions devient minoritaire, pendant que la détention indirecte s’est fortement développée. Ce sont aujourd’hui les fonds de pension qui contrôlent Wall Street gérant plus de 30% de la capitalisation boursière des USA. Ces dysfonctionnements ont été concrétisées à travers la crise des prêts hypothécaires (subprimes) en août 2007, crise qui s’est propagée à l’ensemble des bourses mondiales avec des pertes estimées à plusieurs centaines de milliards de dollars (plus de 1.500 milliards de dollars estimation provisoire en mai 2008 phénomène qui n’explique pas toute l’ampleur de la crise (évitons de confondre l’essence et les apparences) que je résume en cinq étapes : les banques ont fait des prêts immobiliers à des ménages insolvables ou présentant peu de garanties, à des taux d’intérêts élevés ; diffusion des mauvaises créances dans le marché : pour évacuer les risques, les banques «titrisent» leurs créances, c’est-à-dire qu’elles découpent leur dette en produits financiers pour la revendre sur le marché.
La mondialisation a fait le reste, en diffusant ces titres à risque dans les portefeuilles d’investisseurs de toute la planète. Les Fonds spéculatifs (Hedge Funds) ont été de gros acheteurs de subprimes, souvent à crédit pour doper leurs rendements (jusqu’à 30% par an), et faire jouer l’effet de levier, les Hedge Funds empruntant jusqu’à 90% des sommes nécessaires, retournement du marché immobilier américain. Vers fin 2005, les taux d’intérêts américains ont commencé à remonter alors que le marché financier s’essoufflait.
Pr des universités, expert international, Dr Abderrahmane Mebtoul
(A suivre…)