Le choix historique des étudiants algériens

19 mai 1956

Le 19 mai 1956 a démontré le choix de l’élite algérienne pour la lutte pour l’indépendance, aux côtés des couches populaires (paysans pauvres, chômeurs, ouvriers), premières victimes de la misère et de l’injustice imposées par le système colonial, et qui, naturellement, ont été les premières à s’engager dans la lutte armée pour y mettre fin, rejoints très rapidement par les étudiants et lycéens, filles et garçons. Ces jeunes Algériens, étudiantes et étudiants, lycéennes et lycéens, ont contribué activement à la lutte de libération nationale en prenant part à l’appel de l’Ugema à la grève des études décidée par le FLN.
L’adhésion à cette grève qui a touché l’année 1956-1957, a été massive et a concerné tous les paliers du système éducatif colonial, y compris les écoles primaires. Nombre d’entre eux sont montés au maquis. Fait remarquable : les parents ne se sont pas opposés au choix de leurs enfants de déserter les bancs des lycées et les amphis des universités pour rejoindre l’Armée de libération nationale (ALN).
Symbole de la participation des étudiants à la lutte armée pour l’indépendance : le chimiste Abderrahmane Taleb qui est le seul étudiant parmi les condamnés à mort exécutés.
D’autres étudiantes et étudiants, moudjahidate et moudjahidine, ont été soumis aux tortures dans les centres secrets tenus par l’armée française. Pour rappel, deux crimes perpétrés par la police française ont déclenché la mobilisation de l’élite intellectuelle algérienne : le 6 novembre 1954, Kacem Zeddour-Brahim, d’Oran et le 17 janvier 1956, le Dr Benzerdjeb, de Tlemcen.
Les étudiants ont alors décidé d’apporter leur soutien à la lutte armée. L’appel de l’Ugema a dénoncé ces deux assassinats et a convaincu les étudiants d’agir par la grève, illimitée, des études et des examens, à partir de la date du 19 mai 1956. L’Ugema avait été créée quelques mois avant, lors d’un Congrès, du 8 au 14 juillet 1955 à Paris, à l’initiative de militants dont Mohamed Seddik Benyahya.
En s’organisant ainsi, les étudiants se préparaient en fait à s’engager dans la lutte pour l’indépendance. La grève des étudiants a été déclenchée un an et demi après le début de la Révolution de novembre 1954, et a donné un nouveau souffle à la Guerre pour l’indépendance à partir de 1956 pour la restructuration et l’organisation de l’action de l’ALN menées par les combattants de la première heure qui avaient ressenti le besoin de pourvoir leurs rangs en éléments jeunes et instruits. C’est ce qui se fit, avec pour résultat immédiat de donner une dimension plus grande à la lutte de libération nationale.
La grève a eu un impact immédiat considérable sur le moral des moudjahidine, grâce à l’engagement de dizaines de jeunes lycéens et étudiants, dont certains ont aidé à renforcer le service de santé de l’ALN. D’autres ont eu des responsabilités importantes dans les directions de l’ALN. Beaucoup, parmi les étudiants et lycéens qui ont répondu à l’appel, ont servi à différentes tâches dans les secrétariats des postes de commandements, intégré les services des transmissions et d’autres ont été envoyés à l’étranger pour être formés dans des domaines stratégiques. Les lycéennes et les étudiantes ont été fidaïyas ou moudjahidates dans le maquis, agents de liaison, elles ont aidé au transport des armes et des médicaments.
La direction des moudjahidine de la wilaya de Blida, citée par l’APS, a rapporté un fait historique remarquable et significatif de l’héroïsme des moudjahidine et de leurs chefs. C’est le Chahid Tayeb Slimane Mohamed, dit Si Zoubir, un des chefs militaires les plus en vue de la wilaya IV historique, à l’époque, qui a été désigné pour l’encadrement des étudiants, qui se réunirent au Douar Sebaghnia, dans le but de rejoindre le maquis.
Malheureusement, les événements prirent une tournure tragique, car cette belle élite algérienne fut la cible de l’armée française, qui l’attaqua à l’aide de 15 hélicoptères Sikorski, chargés de centaines de soldats français.
Lorsque Si Zoubir s’est rendu compte du danger pour ces étudiants non entraînés au combat, il leur ordonna de fuir vers la montagne. Pour couvrir leur évacuation, il entre en accrochage avec l’ennemi, dans l’attente de l’arrivée de ses djounouds, et pour retarder l’avancée des soldats français. Mais dans ce combat inégal, Si Zoubir est tombé au champ d’honneur en compagnie de 27 étudiants, dont une jeune fille, après avoir réussi à sauver la majorité des étudiants des filets des troupes françaises.
Lakhdar A.