Trafics, corruption et terrorisme, une même facette qui menace la sécurité mondiale

L’essence de l’extrémisme violent

Lors du 16ème sommet extraordinaire de l’Union africaine, le 28 mai à Malabo en Guinée équatoriale, en matière de prévention et de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a soumis un rapport de l’Algérie sur l’évolution de la menace terroriste sur le continent et les perspectives de renforcement des réponses qui y sont apportées aux niveaux régional et international. Dans le contexte d’un monde de plus en plus globalisé, qui facilite la circulation des personnes et des substances, les groupes de criminalité organisée ont prospéré, posant de nombreux défis, où les groupes criminels utilisent souvent des entreprises commerciales licites pour dissimuler leurs activités illicites, par exemple en plaçant de la drogue dans des cargaisons, ces organisations criminelles menaçant le bien-être économique et social de tous les citoyens .
Le fléau du crime organisé dépasse le cadre national, devant le relier aux réseaux internationaux, où existent des liens dialectiques entre certains agents externes et internes. La lutte contre le crime organisé et la corruption, qui concerne tous les pays sans exception, n’est pas une question de lois ou de commissions, montrant clairement que les pratiques au niveau mondial contredisent le juridisme et les discours.
Il est illusoire de s’attaquer à ce fléau mondial sans un système d’information fiable en temps réel utilisant les nouvelles technologies, dont l’intelligence artificielle qui a un impact à la fois sur la gestion du segment sécuritaire, des entreprises, des intuitions et de nos comportements.
Une importante enquête sur plus de 150 pays réalisées par d’éminents experts internationaux (juristes, économistes, politologues et experts militaires), parrainée par l’ONU en octobre 2021, mettant en relief que le montant du crime organisé varierait entre 2 et 5% du PIB mondial, estimé à 84 680 milliards en 2020 et, selon la Banque mondiale, devrait dépasser les 100 000 milliards de dollars en 2022, ce qui donne, entre 2020 et 2022, 1 700 et 4 230 milliards de dollars contre une estimation pour 2009 d’environ 600 milliards de dollars, les crise économiques amplifiant le trafic, issu du commerce illégal sous toutes ses formes : drogue, armes, traite, déchets toxiques, métaux. Se basant sur douze indicateurs de résilience : leadership politique et gouvernance, transparence et responsabilité du gouvernement : – coopération internationale, – politiques et législations nationales, – système judiciaire et détention, – forces de l’ordre, intégrité territoriale, – lutte contre le blanchiment d’argent, capacité de réglementation économique, soutien aux victimes et aux témoins, prévention et acteurs non étatiques, l’étude arrive à six conclusions. 1re conclusion : plus des trois quarts de la population mondiale vivent dans des pays où le taux de criminalité est élevé, ou dans des pays où le niveau de résilience face au crime organisé est faible.
2e conclusion : de tous les continents, c’est l’Asie qui enregistre les niveaux de criminalité les plus élevés.
3e conclusion : la traite des personnes est le marché criminel le plus répandu au monde.
4e conclusion : les démocraties présentent des niveaux de résilience face à la criminalité plus élevés.
5e conclusion : les acteurs étatiques constituent les principaux facilitateurs de ces pratiques occultes et obstacles à la résidence face au crime organisé (dont octroi opaque de l’octroi de marchés publics).
6e conclusion : de nombreux pays en conflit et États fragiles sont très vulnérables face au crime organisé.
Ainsi, le trafic de marchandises regroupe différentes pratiques : contrefaçon, piraterie, falsification, adultération de produits, contrebande de produits licites et fraude fiscale. Le commerce illicite génère des bénéfices juteux et ne représente que peu de risques pour les groupes criminels organisés, car les peines encourues au titre du commerce illicite sont plus légères que pour d’autres infractions comme le trafic de stupéfiants. Pour combattre efficacement ce fléau, les pays doivent disposer d’enquêteurs spécialisés, de procureurs et de juges dans ce domaine de criminalité, tandis que les groupes criminels organisés disposent de compétences, de réseaux et de ressources logistiques toujours plus perfectionnés, utilisant les nouvelles technologies détournées à des fins criminelles, notamment les sites Internet, les médias sociaux, les appareils mobiles, les places de marché en ligne, le Darknet ou encore les cyber monnaies, et posent un problème permanent pour la communauté des services chargés de l’application de la loi. Dans le cadre du crime organisé, je distingue plusieurs segments, où peuvent exister des relations dialectiques entre les différents acteurs concernant le trafic illicite.
Premièrement, nous avons le trafic d’armes. Le commerce des armes à feu est empreint d’opacité et oppose le secret d’État à de nombreuses tentatives de transparence. Le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP), un centre de recherche indépendant en Belgique, dénonce aussi parfois le comportement des industries qu’il accuse de se cacher derrière le secret-défense pour justifier des pratiques difficilement acceptables, ce qui explique les données contradictoires avec des différences importantes. Ainsi, selon l’ONU, sur la base des données de l’Office des Nations unies contre le crime (ONUDC), le marché international du trafic d’armes est estimé à plus de 1 200 milliards de dollars par an.
Deuxièmement, nous avons le trafic de drogue. Avec un chiffre d’affaires estimé entre 300 et 500 milliards de dollars, le trafic de drogue est devenu le deuxième marché économique au monde, juste derrière le trafic d’armes. Si les trafiquants de drogue étaient un pays, leur PIB les classait au 21e rang mondial, juste derrière la Suède. Malgré la répression, l’ONU estime que seuls 42% de la production mondiale de cocaïne sont saisis (23% de celle d’héroïne).
Troisièmement, nous avons la traite des êtres humains. C’est une activité criminelle internationale dans laquelle des hommes, des femmes et des enfants sont soumis à l’exploitation sexuelle, ainsi que le trafic d’immigrants. En 2019, le Gafi (Groupe d’action financière international) révèle dans une étude que les profits liés à la traite humaine s’élèveraient à 150 milliards de dollars. Un chiffre multiplié par six en l’espace de 5 ans.
Quatrièmement, nous avons le trafic de ressources naturelles qui inclut la contrebande de matières premières telles que diamants et métaux rares (provenant souvent de zones de conflit) et la vente de médicaments frauduleux potentiellement mortels pour les consommateurs. Selon le Forum économique mondial, les médicaments contrefaits génèrent 120 à 160 milliards d’euros chaque année.
Cinquièmement, le plus grand défi à la communauté internationale est la cybercriminalité. Les pertes mondiales imputables aux attaques informatiques ont atteint les 1 000 milliards de dollars en 2020, soit plus de 1% du PIB mondial. Ces pertes proviennent du vol d’actifs monétaires et de propriété intellectuelle, mais également de pertes cachées, souvent omises. Selon une étude d’Interpol, un des dangers au XXIème siècle pouvant déstabiliser les Etats sont les cyberattaques. Compte tenu de cette situation, la direction de la cybercriminalité d’Interpol a élaboré en août 2020 un rapport d’évaluation mondial portant sur la cybercriminalité liée à la Covid-19 en s’appuyant sur l’accès aux données de 194 pays membres et de partenaires privés afin de brosser un tableau complet de la cybercriminalité liée à la pandémie de Covid-19 : escroqueries en ligne et hameçonnage pour 59% ; logiciels malveillants visant à désorganiser (rançongiciels et attaques par déni de service distribué) pour 36% ; logiciels malveillants visant à obtenir des données ; domaines malveillants, pour 21% ; désinformations et fausses informations, de plus en plus nombreuses, se répandent rapidement dans le public.
Sixièmement, en synthèse de tous ces trafics, nous avons le blanchiment d’argent, processus durant lequel l’argent gagné par un crime ou par un acte illégal est lavé. Il s’agit en fait de voiler l’origine de l’argent pour s’en servir après légalement. Les multiples paradis fiscaux, des sociétés de clearing (aussi offshore) permettent de cacher l’origine de l’argent. Des techniques de blanchiment d’argent nouvellement émergentes et de plus en plus complexes apparaissent, impliquant l’utilisation du régime du commerce international, des passeurs de fonds, des systèmes alternatifs de transfert de fonds et des structures d’entreprise complexes. D’où l’importance d’un système d’information en temps réel, fondement impliquant la coordination étroite des institutions de contrôle, dont la réhabilitation de la Cour des comptes, consacrée par la Constitution comme organe suprême de contrôle, en léthargie depuis de longues années, y compris les services de sécurité pour protéger l’économie nationale et le renforcement de la coopération aux niveaux bilatéral, régional et international.

En conclusion, au sein d’un monde turbulent et instable préfigurant d’importants bouleversements géostratégique, où le monde ne sera plus jamais comme avant, la lutte contre le terrorisme, le trafic en tout genre et la corruption sont un danger pour la sécurité mondiale, la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée en décembre 2000 ayant mis en relief les liens entre le terrorisme, la criminalité transnationale organisée et le blanchiment d’argent.
Pour l’Algérie, concernée par ce fléau qui menace la sécurité nationale et hypothèque le développement futur du pays, il s’agit d’anticiper et de réaliser de profondes réformes pour éviter que de telles pratiques ne se reproduisent, l’arsenal pénal étant en dernier ressort. Ayant eu à diriger en tant que directeur général des études économiques et haut magistrat comme premier conseiller à la Cour des comptes pour la présidence de l’époque, le dossier du bilan de l’industrialisation entre 1965 et 1978, du programme de l’habitat entre 1980 et 1983 en relations avec le ministère de l’Intérieur et tous les walis, nous avons constaté d’importants surcoûts par rapport aux normes internationales, ainsi que du dossier des surestaries avec le ministère du Commerce. J’avais conseillé à la présidence de l’époque d’établir un tableau de la valeur en temps réel, avec la numérisation des entreprises, du commerce, des banques, de la fiscalité, des domaines, et de la douane reliant toutes les institutions concernées aux réseaux internationaux (prix, poids, qualité), tableau qui malheureusement n’a jamais vu le jour du fait que la transparence des comptes s’attaquait à de puissants intérêts occultes.
Or, des actions concrètes sont nécessaires pour combattre ce fléau, condition d’un retour à la confiance afin de réaliser un large front national anti crise regroupant toutes les sensibilités de la Nation.
A.M