«L’Algérie mise sur la promotion de l’énergie solaire pour combler le retard accumulé dans les énergies renouvelables»

Abdelhamid Mraoui, directeur de recherche au CDER à La Nouvelle République :

Actuellement, la majorité de l’énergie est obtenue à partir des sources d’énergie fossiles (pétrole, charbon, lignite, gaz naturel). Cette énergie deviendra de plus en plus rare, et sera également appelée à devenir de plus en plus chère, d’où l’urgence de chercher une autre source d’énergies plus fiable, permanente et inépuisable. L’alternatif dans ce cas-là est les énergies renouvelables.

LNR : La course vers ce types d’énergie s’accélère de jour en jour, afin de faire du renouvelable la première source d’énergie dans le mondes. Néanmoins, elle est où l’Algérie de cette course ?
A. Mraoui : En réponse à cette question et autres, Abdelhamid Mraoui, directeur de recherche au Centre de Développement des Energies Renouvelable, a indiqué lors d’un entretien accordé à La nouvelle République que la capacité solaire installée dans le monde avoisine les 700.000 MW (250.000 MW en Chine par exemple, 50.000 MW en Allemagne, 5.000 MW en Afrique du Sud), l’Algérie a installé environ 400 MW de centrales solaires.
L’accroissement annuel est aux environs de 20%. Entre 2019 et 2020, 130.000 MW de puissance ont été installés dans le monde. Le marché du solaire est donc en pleine expansion et on s’y intéresse de plus en plus. Avec le programme de 1.000 MW par an d’ici 2030, lancé par le ministère de la Transition énergétique, le pays vise à promouvoir l’électricité solaire et combler le retard qui a été accumulé.
Toutefois, la demande en énergie de l’Algérie est en constante augmentation. Nous estimons qu’en 2030 la demande en électricité sera de 120 TWh. Utiliser le solaire permettra d’économiser le gaz naturel et d’optimiser nos ressources, on aura toujours besoin de gaz naturel à l’avenir et on aura besoin de plus en plus d’énergie pour faire fonctionner l’économie et fournir de l’électricité et la chaleur au citoyen.

Est-ce qu’on a véritablement les potentiels naturels et l’expertise technique qui nous permettent de se positionner comme acteur déterminé dans la production de l’électricité à base du renouvelable ?

Le potentiel solaire de l’Algérie est très important, il est estimé à 5.92 kWh/m2/jour et la superficie de l’Algérie est de 2.3 millions de km2. Il est aisé d’imaginer le potentiel du pays. Il n’est pas possible d’installer sur toute la surface du pays des générateurs solaires, certains sites conviennent d’autres non pour diverses considérations techniques. Mais il est possible d’aménager de nouveaux réseaux énergétiques afin de favoriser l’émergence de la technique. Avec le programme de 1.000 MW par an, nous espérons que toute une industrie du solaire photovoltaïque va se développer de façon progressive impulsée par un souci d’intégration local qui permettra de réduire les coûts à long terme.
Certaines entreprises algériennes ont une expertise technique dans l’installation de petites, moyennes et grandes puissances photovoltaïques.
Il faut savoir qu’un générateur photovoltaïque a une garantie de fonctionnement de 20 années, l’amortissement est calculé en fonction.
Il nous sera nécessaire de mettre en place des organismes de certification de qualité et fiabilité des composants afin de garantir la technologie.
Des organisations de référence travaillant à la validation et certification des produits de tous types pour protéger l’environnement existent, il nous sera nécessaire d’établir un partenariat afin de certifier et valider les produits qui sont utilisé ou fabriqué en Algérie. Le label de qualité qui sera décerné permettra même de se positionner comme fournisseur de qualité dans le domaine.

Selon les spécialistes, l’Algérie dispose de nombreux atouts lui permettant de s’engager dans la production de l’hydrogène vert, notamment en infrastructure de stockage, distribution et transport. Quelle est votre explication à cela ?

Pour bien expliquer les choses, un marché de l’hydrogène vert n’existe pas encore. Le certificat vert n’existe pas encore aussi.
Les mécanismes de certification de l’empreinte carbone n’ont pas encore été mis en place.
Il est prévu que d’ici 2030 tout sera bien étudié et des consensus seront trouvés.
L’hydrogène étant un vecteur énergétique, sa production dépend fortement du développement des énergies renouvelables. Le potentiel de production de l’Algérie se situe aux environs de 40kg/Wcrête/an, donc un électrolyseur de 1MW, nécessitera une centrale photovoltaïque de 1,4 MW et produira 40 tonnes d’hydrogène par an.
Les infrastructures de transport de masse de l’hydrogène n’existent pas encore.
L’hydrogène est utilisé dans différentes industries, comme élément chimique dans le raffinage, la fabrication de margarine. Il est aussi utilisé dans l’industrie du verre et dans refroidissement des alternateurs des centrales électriques. La production d’hydrogène, son transport et les procédures d’utilisation sont très bien maitrisés en Algérie. Sa production à moindre coût est le souci majeur des industriels, les électrolyseurs sont utilisés seulement lorsque l’hydrogène doit avoir une très grande pureté. Pour produire de l’hydrogène vert, il suffit seulement de remplacer la source d’électricité ; au lieu d’utiliser le réseau électrique on utilise les énergies renouvelables. Toutefois, l’utilisation de l’hydrogène vert en Algérie n’est pas encore incitée par la règlementation.
Nous pensons que les technologies de l’hydrogène (voitures, bus, camions…) vont se populariser à partir de 2030. Ce qui nous laisse juste assez de temps pour maîtriser et planifier la mise en place de solutions technologiques afin de fournir les infrastructures nécessaires pour la production, le stockage, le transport et l’utilisation de l’hydrogène.
L’option d’exporter de l’hydrogène vers les pays avec qui nous avons une tradition de commerce énergétique est fortement envisagée. De nouveaux partenariats énergétiques verront le jour et des infrastructures pour favoriser le commerce de l’hydrogène verront le jour.

Quels sont, selon vous, les types d’énergie renouvelable la plus fiable et rentable pour l’Algérie ?

Il y a des régions où l’énergie photovoltaïque est très intéressante, son coût de revient est inférieur au cycle combiné. Il y a des régions où l’énergie éolienne est très intéressante.
Le potentiel renouvelable de l’Algérie fait l’objet d’étude permanente depuis plusieurs années au Centre de développement des énergies renouvelables. Les cartes de potentiel sont mises à jour régulièrement et les nouvelles options d’utilisation des énergies renouvelables sont étudiés.
Actuellement l’énergie photovoltaïque domine le marché électrique renouvelable de l’Algérie. Il y a la ferme éolienne d’Adrar et la centrale à concentrateur cylindro-parabolique (centrale hybride solaire-gaz) de Hassi R’mel.
Toutefois, une industrie locale du renouvelable n’a pas encore bien émergé.
Il y a eu des encouragements pour lancer le chauffe-eau solaire, mais l’évolution reste timide. Il sera nécessaire de former et informer sur les possibilités d’investissement dans les différentes technologies renouvelables. Le potentiel du marché et les options d’investissement. C’est un travail qui est long et nécessitera beaucoup d’efforts, mais il est nécessaire.
Entretien réalisé
par Manel Zemoui