Quelle place pour l’Algérie au sein des mutations énergétiques et quelles sont les conditions de l‘opérationnalité du code d’investissement ?

Face aux nouvelles mutations mondiales

Je tiens au préalable à remercier la direction générale du quotidien national arabophone Ech Chaâb de l’aimable invitation pour participer à ce forum ce samedi 11 juin 20022, sur la transition économique combien importante pour le développement et la sécurité du pays.L’Algérie acteur stratégique au niveau des espaces méditerranéens et africain notamment, dans le domaine énergétique et sécuritaire a besoin d’un bilan serein loin toute sinistrose et autosatisfaction et de profondes réformes pour une économie diversifiée conciliant l’efficacité économique dans le cadre des valeurs internationales et la nécessaire cohésion sociale. Mon intervention s’articulera autour de deux axes fondamentaux, avec au préalable une analyse sommaire de la situation socioéconomique :
premièrement la problématique du dossier énergétique du fait que l’Algérie en 2022 dépend toujours avec les dérivées à 98% de ses recettes en devises et les conditions pour accroître ses parts de marché notamment au niveau européen: deuxièmement les conditions de l’opérationnalité du nouveau code d’investissement qui n‘a pas encore été adopté par le parlement pour son exécution définitive

1.-Situation de l’économie
Il faudra surtout une véritable stratégie de développement et stabilité juridique et monétaire pour attirer les investisseurs. La dévaluation du dinar coté le 20 mai 2022 à 146,73 DA un dollar contre 5 DA pour un dollar en 1970, et selon les prévisions de l’exécutif, le taux de change du dinar sera de 149,3 DA pour un dollar fin 2022, de 156,8 DA/dollar en 2023 et 164,6 DA/dollar en 2024, malgré cette dévaluation, le blocage étant d’ordre systémique, contrairement à l’illusion monétaire, cela n’a pas permis de dynamiser les exportations hors hydrocarbures.
En 2021, 97-98 % des recettes en devises proviennent toujours de Sonatrach et sur les 34,5 milliards de dollars de recettes de Sonatrach en 2021, plus de 2,5 milliards de dollars de recettes comptabilisées dans la rubrique hors hydrocarbures, ce dérapage du dinar permettant d’atténuer artificiellement le montant de ce déficit budgétaire prévu par la loi de Finances 2022 est d’environ 4 175 milliards de dinars (au cours de 137 dinars un dollar au moment de l’élaboration de cette loi soit 30,50 milliards de dollars, 8 milliards de dollars de plus qu’en 2021. Cela permet une épargne forcée accélérant l’inflation qui risque avec l’inflation importée d’avoir un taux à deux chiffres en 2022, où la majorité des prix des produits non subventionnés ont plus que doublé, avec des incidences négatives sur le pouvoir d’achat. Comme je viens de le souligner dans une interview parue récemment dans le quotidien français le monde , pour r 2022, l’Algérie profite d’un répit temporaire alors que les prix des hydrocarbures atteignent de nouveaux sommets et que la pression de la pandémie de COVID-19 se relâche. Se basant sur un cours variant entre 110/120 dollars le baril de pétrole et un prix du gaz naturel , existant une différence d’environ 15 20% entre les exportations du gaz par canalisation et le GNL plus coûteux , qui a dépassé en Europe 20 dollars le MBTU et 30 dollars en Asie, le Fonds monétaire international (FMI) dans une note d’avril 2022,les recettes pour l’Arabie saoudite pourraient être de 327 milliards de dollars comme recettes en 2022. suivie par les Emirats Arabes Unis avec 190 milliards de dollars, l’Irak 149 milliards de dollars, le Koweït, avec 102 milliards de dollars, le Qatar 84 milliards de dollars.
Les recettes prévues pour l’Algérie seraient de 58 milliards de dollars pour 2022, possédant des marges de manœuvre à court terme, l’endettement extérieur étant faible (moins de 1% du PIB). C’est pourquoi, le gouvernement actuel a décidé de ne pas recourir à l’endettement extérieur pour financer le déficit. La Banque centrale étant sollicitée pour le financement monétaire. La cohésion sociale nécessaire est assurée actuellement par des subventions généralisées sans ciblage, où selon les prévisions pour 2022, les subventions implicites, constituées, notamment de subventions aux produits énergétiques et des subventions de nature fiscale, représentent environ 80% du total des subventions, étant prévu 1 942 milliards de dinars, 19,7% du budget de l’État en 2022. C’est là un dossier très complexe, mais sans maîtrise du système d’information et la quantification de la sphère informelle, la réforme risque d’avoir des effets pervers.
Certes, l’économie algérienne a renoué avec la croissance en 2021, tiré par la hausse des prix de l’énergie et l’augmentation des quotas de production de l’OPEP+ mais la croissance entre 2022/2023 sera largement dépendante du marché des hydrocarbures.
Cependant cette situation est éphémère sans réformes structurelles souvent différées qui exacerbent les facteurs de vulnérabilité économique où la dette publique q représente 50.7% du PIB en 2020 et selon les projections du FMI 59.2% du PIB en 2021 et 65.4% en 2022. En prenant les indicateurs de la banque mondiale importation et exportations pour 2021, selon la banque mondiale 46 milliards de dollars d’importations et 37 milliards de dollars d’exportation contre 20 en 2020 du fait de l’inflation mondiale(biens d’équipement, matières premières où plus de 85% des entreprises publiques et privées étant dépendantes de l’extérieur, le taux d’intégration ne dépassant pas 15%), les importations de biens alimentaires ayant été d’environ 9 milliards de dollars en 2021, si on pondère seulement par 50%,pour avoir la même structure d’importation que 2021, ne comptabilisant les nouveaux investissements importés en devises, il faudrait plus de 60 milliards de dollars de recettes en devises et tenant compte des projets d’investissement prévus, pour relancer la machine économique plus de 70 milliards de dollars, nécessitant donc un apport important d’IDE qui ont fortement baissé entre 2018/2021.

2.- Crise ukrainienne et la carte énergétique mondiale
La crise ukrainienne préfigure d’importantes mutations dans les relations internationales, militaires, sécuritaires, politiques, culturelles et économiques, notamment au niveau de la région méditerranéenne via l’Afrique, où la crise actuelle a des impacts sur le cours du pétrole/gaz, plus de 40% de dépendance de la Russie pour l’Europe, mais également sur la sécurité alimentaire dont la Russie et l’Ukraine représentent en 2021 30% des exportations mondiales. Pour se libérer progressivement de l’importation du gaz russe, pour le pétrole possible mis difficile court terme pour le gaz , certains pays dont la dépendance dépasse les 60%, l’Algérie est sollicitée à la fois contre le terrorisme et pour couvrir le déficit énergétique. L’Algérie dans la crise ukrainienne a adopté une position de neutralité, position réaffirmée par le président de la république et le chef de l’Etat- major de l’ANP ayant des relations avec les USA, l’Europe, la Russie et la Chine, prônant le dialogue et le respect du droit international. Concernant la future stratégie gazière mondiale, rappelons que pour le gaz traditionnel, les réserves avec de bas coûts, sont de 45 000 pour la Russie, 30 000 pour l’Iran et plus de 19000 pour le Qatar sans compter l’entrée du Mozambique en Afrique (4500 de réserves). Ne pouvant contourner toute la corniche de l’Afrique, outre le coût élevé par rapport à ses concurrents, le fameux gazoduc Sibérie-Chine, le Qatar et l’Iran, proches de l’Asie, avec des contrats avantageux pour la Chine et l’Inde, le gazoduc Israël-Europe, les importants gisements de gaz en Méditerranée (20.000 milliards de mètres cubes gazeux) expliquant les tensions entre la Grèce et la Turquie. Et l’Algérie est concurrencée même en Afrique, avec l’entrée en Libye, réserves d’environ 1500 milliards de mètres cubes non exploitées, avec plus de 42 milliards de barils de pétrole de réserve léger comme l’Algérie et proche de l’Europe expliquant les tensions actuelles, et les grands gisements au Mozambique ,plus de 4.500 milliards de mètres cubes gazeux. Outre les USA, premier producteur mondial avec le pétrole/gaz de schiste, avec de grands terminaux, ayant déjà commencé à exporter vers l’Europe, nous avons la concurrence en provenance de la mer Caspienne dont gazoduc Trans Adriatic Pipeline (818 km ) concurrent direct de Transmed, qui achemine le gaz à partir de l’Azerbaïdjan qui traverse le nord de la Grèce, l’Albanie et la mer Adriatique avant de rallier, sur 8 km, la plage de Melendugno au sud-est de l’Italie, opérationnel pouvant transférer l’équivalent de 10 milliards de mètres cubes par an. Ne pouvant contourner toute la corniche de l’Afrique, outre le coût élevé du transport, le fameux gazoduc Sibérie Chine, le Qatar et l’Iran proche de l’Asie avec des contrats avantageux pour la Chine et l’Inde, le marché naturel de l’Algérie, en termes de rentabilité, est l’Europe. Les réserves algériennes sont d’environ 2500 milliards de mètres cubes gazeux et 10 12 milliards de barils de pétrole ( source conseil des ministres 2019).
La première destination du gaz algérien reste le marché européen, essentiellement l’Italie (35%), l’Espagne (31%), la Turquie (8,4%) et la France (7,8%). Sans compter la part du GNL représentant 33% des exportations, pour les canalisations nous avons le Transmed via l’Italie, la plus grande canalisation d’une capacité de 33,5 milliards de mètres cubes gazeux via la Tunisie, avec en 2021 une exportation d’environ de 22 milliards de mètres cubes gazeux, existant une possibilité, au maximum, il ne faut pas être utopique ayant assisté à un désinvestissement dans le secteur, donc sous réserve de l’accroissement de la production interne d’un supplément à court terme, au maximum de ¾ milliards de mètres cubes gazeux, de 10 à 11 à moyen terme. Nous avons le Medgaz directement vers l’Espagne à partir de Beni Saf au départ d’une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux qui après extension depuis février 2022 la capacité ayant été portée à 10 milliards de mètres cubes gazeux et le GME via le Maroc dont l’Algérie a décidé d’abandonner, le contrat s’étant achevé le 31 octobre 2022, d’une capacité de 13,5 de milliards de mètres cubes gazeux. Mais, il faut être réaliste, Sonatrach est confrontée à plusieurs contraintes : des contrats de gaz fixes à moyen et long terme dont la révision des clauses demande du temps; le désinvestissement dans le secteur rendant urgent la promulgation des décrets de la nouvelle loi des hydrocarbures pour attirer les investissements étrangers; la forte consommation intérieure, en 2021 presque l’équivalent des exportations, qui risque horizon 2025/2030 de dépasser les exportations actuelles, dossier lié à la politique des subventions sans ciblage, dossier sensible qui demande un système d’information en temps réel et la maîtrise de la sphère informelle qui contrôle, selon les propos du président de la République entre 6000/10.000 milliards de dinars, soit entre 33 et 47% du PIB.

3.-L’Algérie est très sollicitée en ce moment par les Européens pour compenser les approvisionnements russes en hydrocarbures. Dans cette perspective, a -t -elle les capacités pour approvisionner notamment l’Europe ?
Sous réserve de sept conditions, l’Algérie horizon 2025/2027, pourrait pouvant doubler les capacités d’exportations de gaz environ 80 milliards de mètres cubes gazeux avec une part dépassant entre 20/25% de l’approvisionnement de l’Europe : La première condition concerne l’amélioration de l’efficacité énergétique et une nouvelle politique des prix renvoyant au dossier de subventions:
La deuxième condition est relative à l’investissement à l’amont pour de nouvelles découvertes d’hydrocarbures traditionnels, tant en Algérie que dans d’autres contrées du monde, mais pouvant découvrir des gisements non rentables financièrement un des conseils réent des ministres a annoncé 40 milliards de dollars d’investissement sur les 5 prochaines années dont 8 pour 2022; et le partenariat avec l’étranger étant liée aux décrets d’application de la nouvelle loi des hydrocarbures notamment son volet fiscal.
La troisième condition, est liée au développement des énergies renouvelables (actuellement dérisoire moins de 1% de la consommation globale) devant combiner le thermique et le photovoltaïque le coût de production mondial a diminué de plus de 50% et il le sera plus à l’avenir où, avec plus de 3000 heures d’ensoleillement par an, l’Algérie a tout ce qu’il faut pour développer l’utilisation de l’énergie solaire.
La quatrième condition, selon la déclaration de plusieurs ministres de l’Énergie entre 2013/2020, l’Algérie compte construire sa première centrale nucléaire en 2025 à des fins pacifiques, pour faire face à une demande d’électricité galopante.
A.M.
(A suivre)