Quelle place pour l’Algérie au sein des mutations énergétiques et quelles sont les conditions de l‘opérationnalité du code d’investissement ?

Face aux nouvelles mutations mondiales

«Je tiens au préalable à remercier la direction générale du quotidien national arabophone Ech Chaâb de l’invitation à ce forum, sur la transition économique combien importante pour le développement et la sécurité du pays».

La cinquième condition, est le développement du pétrole/gaz de schiste, selon les études américaines, l’Algérie possédant le troisième réservoir mondial, d’environ 19 500 milliards de m3 gazeux, mais qui nécessite, outre un consensus social interne, de lourds investissements, la maîtrise des nouvelles technologies qui protègent l’environnement et des partenariats avec des firmes de renom. La sixième condition consiste en la redynamisation du projet GALSI, Gazoduc Algérie-Sardaigne-Italie, qui devait être mis en service en 2012 d’une capacité de 8 milliards de m3 gazeux
La septième condition est l’accélération de la réalisation du gazoduc Nigeria-Europe via l’Algérie d’une capacité de plus de 33 milliards de mètres cubes gazeux, mais nécessitant, selon les études européennes de 2019 environ 20 milliards de dollars et nécessitant l’accord de l’Europe principal client. Cependant, l’avenir appartenant à l’hydrogène comme énergie du futur 2030/2040 où la future stratégie énergétique affecte les recompositions politiques à l’intérieur des États comme à l’échelle des espaces régionaux.

4.- Qu’en est-il du projet gazoduc Nigéria-Algérie ?
Selon plusieurs agences internationales en date du 2 mai 2022, le ministre nigérian du Pétrole a déclaré officiellement que le Nigeria et le Maroc sont à la recherche de fonds pour financer le méga projet de gazoduc visant à acheminer le gaz nigérian à l’Afrique du Nord et à l’Europe qui prévoit de se libérer à terme du gaz russe dont la part est à plus de 40%, alors que selon le ministre algérien de l’Energie, propos repris par l’APS, le 17 février 2022, ce projet transite par l’Algérie. Où est la vérité ? Ce projet pourra-t-il concurrencer le South Stream russe de 63 milliards de m3 gazeux, du North Stream1 de 55 et du North Stream2 de 55 milliards de m3 gazeux, ce dernier étant gelé suite aux tensions avec l’Ukraine ? Pour ne pas renouveler les erreurs du passé, la faisabilité du projet du gazoduc Nigeria Europe, doit tenir compte des nouvelles mutations gazières mondiales pour évaluer sa rentabilité car les lettres d’intention ne sont pas des contrats définitifs. Comme le démontre une importante étude de l’IRIS du 19 août 2021, le gazoduc reliant le Nigeria à l’Europe, principal client qui doit se prononcer également sur ce projet, est l’objet d’enjeux géostratégiques importants pour la région. D’où l’importance d’avoir une vision économique froide sans sentiments pour sa rentabilité, surtout en ces moments de graves tensions géostratégiques. Nous sommes en face de deux propositions concernant ce gazoduc.
Premièrement, le gazoduc Maroc-Nigeria, dont le coût est estimé par l’IRIS entre 28 et 30 milliards de dollars, et dont la durée de réalisation varierait entre 8 et 10 ans.
Le deuxième projet concerne le gazoduc Nigeria Algérie de 4128 km, le coût est estimé par la commission européenne à 19/20 milliards de dollars pour une durée de réalisation minimum 5/7 années après le début du lancement, d’une capacité annuelle de trente milliards de mètres cubes. Mais la rentabilité du projet Nigeria Europe, également pour le Maroc via Algérie, suppose cinq.
La mobilisation du financement, alors que les réserves de change sont à un niveau relativement faible pour l’Algérie 44 milliards de dollars fin 2021. 45 millions d’habitants, mais un endettement faible, 35,7 milliards de dollars pour le Maroc avec un endettement élevé pour une population de 37 millions et le Nigeria 40 milliards de dollars pour 210 millions d’habitants avec une instabilité politique. Sans l’implication des groupes financiers internationaux, l’Europe principal client et sans son accord et son apport financier il sera difficile voire impossible de lancer ce projet.
Deuxièmement, l’évolution du prix de cession du gaz, d’où la démarche de lancer une étude du marché pour déterminer la demande sur le gaz avant de trancher sur l’opportunité de s’engager dans ce projet». Cette faisabilité implique la détermination du seuil de rentabilité en fonction de la concurrence d’autres producteurs, du coût et de l’évolution du prix du gaz.
Troisièmement, la sécurité et des accords avec certains pays, le projet traverse plusieurs zones alors instables et qui mettent en péril sa fiabilité avec les groupes de militants armés du Delta du Niger qui arrivent à déstabiliser la fourniture et l’approvisionnement en gaz, les conséquences d’une telle action, si elle se reproduit, pourraient remettre en cause la rentabilité de ce projet. Il faudra impliquer les États traversés où il faudra négocier pour le droit de passage (paiement de royalties) donc évaluer les risques d’ordre économique, politique, juridique et sécuritaire.
Quatrièmement, pour la faisabilité du projet NIGAL la demande future sera déterminante, la dépendance de l’Europe pourrait atteindre, près de 70% de la consommation totale d’énergie, soit 70% pour le gaz naturel, 80% pour le charbon et 90% pour le pétrole, selon les estimations de la Commission européenne.
Cinquièmement, la concurrence internationale d‘autres grands producteurs qui influe sur la rentabilité de ce projet. En bref, les autorités nigériennes et l’Europe principal client, doivent avoir une position claire concernant le gazoduc vers l’Europe : soit l’Algérie, soit le Maroc évitant des discours contradictoires

5.-Qu’en est-il du nouveau code d’investissement ?
Le nouveau code d’investissement devra mettre fin au terrorisme bureaucratique en libérant les énergies créatrices et s’insérer dans le cadre d’une vision stratégique. Après plus de deux années de retard, rejeté plusieurs fois par le président de la République, demandant de lever les verrous bureaucratiques, le code des investissements a été adopté le 9 mai 2022 en Conseil des ministres pourra t-il dynamiser l’économie nationale ? Le nouveau code d’investissement que j’ai étudié avec attention propose sept axes directeurs.
Premièrement, sur la révision du rôle du CNI, en réhabilitant les missions et attributions organiques prévues lors de sa création, notamment pour les aspects portant approbation de stratégies et de politiques de promotion de l’investissement et sur la reconfiguration de l’ANDI, afin qu’elle soit plus visible à l’international, tout en lui accordant le rôle d’un vrai promoteur et accompagnateur des investisseurs et qui sera placé sous l’autorité du Premier ministre.
Deuxièmement, la mise en place d’une plateforme numérique de l’investisseur au niveau de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement, à l’effet d’assurer une interconnexion avec les organismes et administrations concernés par l’acte d’investir.
Troisièmement, la création auprès de l’agence d’un guichet unique dédié aux grands projets d’investissement et des investissements étrangers, permettant une meilleure prise en charge pour la concrétisation de ces projets d’investissement avec des centres créés au niveau des guichets uniques décentralisés, abritant l’ensemble des services habilités à fournir les prestations nécessaires à la création des entreprises, à leur soutien, à leur développement ainsi qu’à la réalisation des projets, par leur adaptation à la situation de chaque wilaya.
Quatrièmement, l’orientation des avantages et incitations exclusivement vers les investissements dans les secteurs prioritaires, notamment les projets d’investissement stratégiques et/ou structurants pour le pays, et ceux implantés dans des zones nécessitant un accompagnement particulier de l’État et la mise en place, par voie réglementaire, de grilles d’évaluation des avantages à octroyer au profit des projets d’investissement enregistrés, en fonction des critères liés, d’une part, à l’importance et la priorité des projets, et, d’autre part, à leur lieu d’implantation.
Cinquièmement, la fixation des délais de réalisation des projets d’investissement, à l’effet d’inciter les promoteurs à accélérer la concrétisation de ces projets, avec possibilité de prolongation de délai à une année renouvelable une seule fois à condition d’être entérinée, étant proposé «l’établissement des procès-verbaux d’entrée en phase d’exploitation par l’agence et la mise en place des services fiscaux, pour permettre aux porteurs de projets d’investissement de s’orienter dans leurs démarches vers un seul interlocuteur, l’application d’un taux modulable de la TVA pour les investissements réalisés dans le régime des secteurs prioritaires.
Sixièmement, l’intégration d’une disposition se rapportant à l’information sur l’offre foncière en matière d’octroi et de disponibilité des terrains relevant du domaine privé de l’État destinés à la réalisation des projets d’investissement en accordant les pleins pouvoirs de décision aux représentants des organismes et des administrations au sein des guichets uniques, de façon à leur permettre de délivrer et d’octroyer l’ensemble des décisions, documents et autorisations en lien avec la concrétisation et l’exploitation du projet d’investissement.
Septièmement, l’exemption des formalités du commerce extérieur et de domiciliation bancaire pour les biens neufs constituant un apport extérieur en nature» et la garantie de transfert de l’investisseur étranger ainsi que le montant transférable étant déterminés en fonction de sa part de financement dans le coût total de l’investissement.
Dans ce cadre pour ne pas renouveler les erreurs du passé qu’en est-il du dossier des voitures suite au discours récent de l’actuel nouveau le ministre de l’Industrie qui annonce l’arrivée de grands constructeurs dans le secteur automobile à la faveur de la nouvelle loi sur l’investissement ? Or, l’expérience montre que l’attrait de l’investissement national et étranger n’est pas seulement une question de lois mais de bonne gouvernance, laquelle offre une visibilité dans la démarche de la politique socio-économique. Il faut être réaliste et éviter des discours sans lendemain pour ce dossier sensible. Seule une décision politique pour lutter contre ce terrorisme bureaucratique peut débloquer cette situation. Combien de ministres ont fait des promesses depuis plus de trois ans sans concrétisation ? Comme conséquence, le prix des voitures d’occasion a plus que doublé, ainsi que les pièces détachées, qui plus est introuvables et inaccessibles, laminant le pouvoir d’achat et constituant une des raisons des innombrables accidents. Pour bon nombre d’observateurs nationaux et étrangers, nous assistons à un véritable carnaval. Que l’on tienne une fois pour toutes un langage de vérité à la population algérienne sur ce dossier sensible qui l’intéresse à plus d’un titre, du fait de la faiblesse des moyens de transport en commun et du vieillissement du parc automobile. Invoquer les économies de devises est vision purement monétariste sans vision stratégique qui n’est pas fiable. L’industrie automobile, en pleine évolution, est devenue capitalistique. Les tours à programmation numérique éliminent les emplois intermédiaires, le nombre d’emplois directs et indirects créés devient marginal. Dans cette conjoncture de restructuration importante de cette filière avec une concurrence vive et des ententes entre grands groupes pour contrôler des espaces régionaux, il est difficile de trouver de véritables partenaires capables de produire selon les normes internationales, pour atteindre le seuil de rentabilité, entre 200 000 et 300 000 unités par an.
Par ailleurs, pour exporter, il faut s’adapter aux nouvelles mutations technologiques mondiales qui favorisent les voitures hybrides ou solaires, sinon ce sera la faillite à terme. Il faut donc changer de discours pour ne pas reproduire les fautes qui ont conduit le pays à l’impasse que nous connaissons actuellement. On se souvient qu’en août 2009, nous avions droit à la promesse d’une voiture algérienne à 100%. Nous avons eu droit à des discours changeants : une fois des contrats avec l’italien Fiat, une autre avec les Iraniens, puis avec les Chinois, ensuite avec l’Allemagne, la France, la Corée du Sud et même avec l’américain Ford

6.-Les conditions de l’opérationnalité
du nouveau code d’investissement
Mon expérience et mes contacts internationaux aux plus hauts niveaux montrent que le temps est terminé, des relations personnalisées entre chefs d’État ou de ministres à ministres dans les relations internationales où dominent désormais les réseaux décentralisés ; que dans la pratique des affaires n’existent pas de sentiments, mais uniquement des intérêts.
C’est que depuis plus de 60 ans nous avons assisté à bon nombre de codes d’investissement et des changements de l’écosystème des entreprises publiques avec un impact mitigé, montrant clairement la dominance de la démarche administrative et bureaucratique au détriment de la démarche opérationnelle économique, ces changements périodiques d’organisation démobilisent les cadres du secteur économique public, et même les investisseurs locaux et étrangers avec le renforcement de la dynamique rentière.
A.M.
(A suivre)