«L’Afrique n’est pas respectée !» (I)

Kalidou Koulibaly :

L’entretien mené par le quotidien sportif Onze Mondial, avec l’un des meilleurs arrières centraux du monde Kalidou Koulibaly, offre une occasion exceptionnelle pour mieux le connaître et le situer par rapport à ses valeurs et à ses principes.

Reconnu, et très apprécié par ses pairs et les spécialistes comme un des meilleurs arrières centraux du monde, évoluant au poste de défenseur aujourd’hui au sein de son club napolitain. Koulibaly livre ses impressions sur le monde sportif actuel.
Le premier sujet abordé est celui qui le dégoûte et promet de continuer à livrer bataille au racisme, une bataille qu’il livre depuis le début de sa carrière, et de ne rater aucune occasion pour «mettre en lumière la richesse de l’Afrique et ses combats».

Le racisme, qu’en pense-t-il ?
«C’est une chose que je n’accepte pas, que je veux combattre. Mon éducation, mes parents et mes amis font que je vais réagir autrement. Si tu es raciste, c’est que tu as une motivation, tu ne peux pas haïr une personne pour rien».
Ensuite, dira-t-il «je vais essayer de raisonner (la personne) ndlr. Après, si je vois que c’est une cause perdue, je vais lui dire ‘Fais ta route, je fais ma route’. Mon idée principale, c’est d’essayer de comprendre les personnes dans un premier temps…
J’aime tout le monde, je suis tolérant avec tout le monde. Après, chacun fait ce qu’il veut. Le racisme est un fléau, c’est quelque chose qu’on doit combattre ! Et aujourd’hui, ça devient tabou, c’est ça qui m’énerve le plus».

La saison se termine,
le racisme y est toujours
«C’est très grave. On est en 2022 et il y a encore beaucoup de racisme. Il y a le racisme contre la couleur de la peau, mais il y aussi du racisme contre la terre par exemple. Si certains ne sont pas racistes contre les noirs, ils vont être racistes contre les Napolitains. Les gens doivent comprendre qu’on est tous égaux, on est tous des êtres humains. Il y a juste la personnalité et le caractère des gens qui changent (là où je suis) les gens m’admirent, je suis très apprécié ici. Et je les aime aussi. Ce sont des signes positifs pour le futur».

Pourquoi devient-on raciste ?
«Tout repose sur l’éducation quand tu vois les adultes autour de toi qui sont racistes, les petits pensent que les grands ont raison. Du coup, ils font de même.
Si ces personnes sont racistes, tu tends forcément vers ça. Alors que si tu croises constamment des personnes tolérantes, dans la mixité, dans le partage, tu deviens comme ça…
Moi j’accepte tout le monde, toutes les religions. Je suis de confession musulmane, on s’entend super bien avec toutes les autres religions. Après, chacun sa religion. Moi, je suis musulman, je fais le ramadan, les gens comprennent.
À Napoli, je fais le ramadan tous les jours et il n’y a aucun problème. Les gens acceptent, ils sont même demandeurs, ils posent des questions : ‘Comment tu le fais ?’, ‘Ça se passe comment ?’, ‘Te sens-tu bien ?’ Ça me fait plaisir, ça montre que les gens s’ouvrent. Je suis totalement ouvert donc je vais aussi vers eux.
Ça me donne encore plus envie d’aller vers eux, de marcher vers eux, de partager plein de choses avec eux.
Je pense que c’est le chemin à emprunter pour tendre vers un monde meilleur».

«Ça fait quoi d’être champion
d’Afrique ?»
(Sourire) Pour lui, «c’est une grande fierté ! Une grande fierté parce qu’on est la première génération sénégalaise à être champion d’Afrique.
Et ça, on l’attendait depuis très, très longtemps, surtout avec les générations passées et les grands joueurs qu’on a eus, on n’a pas réussi à la gagner.
Et être le premier à la gagner et surtout le premier à la soulever, c’est quelque chose d’exceptionnel et d’extraordinaire.
Je suis toujours fier, mes parents sont fiers. Je ne réalise même pas». Edouard Mendy a déclaré «gagner la CAN, c’est 10 fois plus fort que la Ligue des champions». Cette phrase a suscité de nombreux débats.
Quel est ton avis sur le sujet ? Ils ne comprennent pas, car ils ne l’ont pas vécu. Il faut le vivre pour comprendre. Gagner un titre avec son pays, sa patrie, pour des millions de personnes qui te suivent, c’est indescriptible.
Pendant tout notre parcours, le pays s’est arrêté pour nous… Sentir la force et la ferveur du pays… Je ferme les yeux et je repense à ces milliers de personnes qui étaient là, à courir derrière, j’en perds mes mots».

«Quels sont les axes d’amélioration
du football africain ?»
Halidou «on voit que plusieurs pays africains sont en train de construire de nouveaux stades. C’est positif. On peut améliorer la professionnalisation des arbitres. C’est de mieux en mieux, mais on peut encore faire mieux.
Autre chose très importante : l’Afrique doit encore plus se faire respecter ! En décembre dernier, on a eu plein de débats autour de la CAN et des clubs qui ne voulaient pas libérer leurs joueurs. Il faut se faire respecter par tout le monde parce que l’Afrique est un continent très important, un des plus grands au monde.
Les gens l’oublient trop fréquemment. Il y a beaucoup de pays, 53 ou 54 en Afrique. Quand tu vois qu’il n’y en a que 5 qualifiés pour la Coupe du monde, je ne trouve pas ça normal. Ça me fait mal, ça prouve que c’est un continent qui n’est pas respecté. Sur 54 pays, il y a, au moins, 10 pays qui méritent et qui ont le niveau de participer au Mondial.
Quand tu vois qu’on est que 5 pays et qu’on doit se battre jusqu’à la fin pour aller à la Coupe du monde, je trouve ça incohérent. Surtout que certains continents sont privilégiés à ce niveau-là. On doit travailler sur ces axes-là en Afrique.
J’espère que des efforts seront faits. J’espère que des demandes seront faites aussi. Il faut aussi se respecter entre nous».

Demain : ce que pense Koulibaly du climat difficile, pelouse médiocre, arbitrage catastrophique, mauvaise organisation, n’est-ce pas vexant ?

Synthèse de H. Hichem

n BeIN Sports 1 : World Cup Blues à 19h
n BeIN Sports 2 : Rétrospective de la saison à 19h