«Un grand révolutionnaire parmi les grands !»

Mascara (Sig) : 66ème commémoration de la mort d’Ahmed Zabana

Alger, il est quatre du matin, en ce 19 juin 1956. Dans la prison civile de Barberousse (Serkadji), Hmida Zabana qui s’avançait vers la guillotine, livra cette missive, selon ses dernières volontés, à son défenseur de justice où il était transcrit en ces termes : «Très chers parents, chère mère. Je vous écris cette lettre, je ne sais pas si c’est la dernière. Dieu seul le sait. Toutefois, s’il m’arrive quoi que ce soit, il ne faut pas croire que c’est la fin parce que mourir pour la cause de Dieu, c’est croire à la vie éternelle. Et mourir pour sa patrie ce n’est qu’un devoir. Et votre devoir, à vous c’est celui d’avoir sacrifié l’être qui vous est le plus cher.
Il ne faut pas pleurer, au contraire, il faut être fier de moi. Enfin, recevez peut-être le dernier bonjour du fils et frère qui vous a toujours chéri. Le bonjour a toi, chère mère, à papa, à mon frère Lahouari, à toi cher frère Abdelkader ainsi qu’à tous ceux qui partageront cette peine. Dieu est grand et juste. Votre fils et frère qui vous embrasse bien fort. H’mida.»

La lettre a été rédigée à la prison civile de Barberousse le 19 juin 1956.
Avant d’être guillotiné, Ahmed Zabana accomplit la prière du Fadjr en compagnie de l’Imam et en sortant de sa cellule, il lance de toutes ses forces : « Tahia El Djazair !», « Vive l’Algérie !».
Il y a cinquante sept années, plus précisément le 19 juin 1956 fut exécuté dans la prison de Barberousse (Serkadji), Ahmed Zabana, officier de l’ALN. Blessé au cours d’un combat l’opposant aux forces colonialistes françaises, Ahmed Zabana, plus connu sous le nom de ‘Zahana’, sera arrêté à côté de la ‘mare d’eau’, près de St Denis de Sig, actuellement la daïra ‘ Sig ’. Ahmed Zabana fut d’abord interné dans la prison civile d’Oran, puis à Alger, dans une cellule de Serkadji où il n’avait pas le droit de se joindre aux autres détenus, où il sera placé en quarantaine, c’est-à-dire en totale isolation des autres détenus. Ce valeureux combattant n’avait que trente printemps, quand il a été arrêté par les forces d’occupation françaises.
Selon les diverses affirmations des moudjahidine rescapés durant l’accrochage du 8 novembre 1954 et qui fut donc tragique pour Ahmed Zabana, il ne concevait ses mérites fidèles a la fonction de chef que lorsque les tests étaient difficiles.
Ahmed Zabana, plus connu sous le nom de H’mida Zabana est né en 1926 a Djeniéne Meskine situé a 40 kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Mascara, et proche de la cimenterie de l’ex-CADO,
actuellement Zahana, sur la route nationale de Sidi Bel-Abbès. Il était le quatrième enfant d’une famille qui en comptait huit.
Alors qu’il était âgé à peine d’une année, son père qui était portefaix casuel, statua pour s’installer a Oran, plus précisément au quartier le plus populaire d’El-Hamri, avant de se stabiliser définitivement au cœur de l’ancestral quartier de la Medina Djedida. La deuxième Guerre mondiale faisait rage et H’mida Zabana qui n’avait que quatorze ans adhéra au mouvement des Scouts musulmans algériens (SMA), incontestable fondation de nationalisme où les disciples qui allaient former le premier front de la Révolution de Novembre de 1954, se professent à la vie dans la résistance, à la tactique de la guérilla urbaine et aux méthodes de la propagande pour revivre et hausser le degré de patriotisme des masses populaires.
Dans le cadre de cette épopée d’Ahmed Zahana, les autres moyens pour les jeunes scouts (kechefs) de divulguer les affres du colonialisme et dénoncer les conditions sociales atroces des Algériens appelés à s’unir d’abord pour pouvoir libérer le pays. C’était en 1940 !
Très agissant, le jeune H’mida resta en contact avec les militants du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), qui trouvait en lui une référence pour inciter les jeunes autochtones à embrasser le fondement national.
Il débutera ses activités politiques par la propagation des documents dans la clandestinité tout en talonnant ses démarches de sensibilisation dans plusieurs quartiers populaires de la ville d’Oran. Incontestablement, son attitude suscita les suspicions des services de police politique qui le mirent sous surveillance. Pour briser son impulsion, il fut à plusieurs rounds menacé par les agents de répression. Sa volonté et sa détermination à aller plus loin dans le passage a l’action, attirerons l’attention des responsables de l’Organisation secrète (OS), dont il sera membre de la branche armée.
Il endurera les pratiques les plus brusques et son intuition élevée du dévouement et de discipline allait l’indiquer dans cette organisation révolutionnaire.
1950, Si H’mida fut arrêté et condamné a trois ans de prison suivi de trois autres années d’interdictions de séjour. Il n’en continua pas moins dans la prison civile d’Oran, à mener ses activités politiques et à rallier de nombreux prisonniers de droit communs à la cause nationale.
A sa sortie de prison en août 1953, Zabana ira à Mostaganem où il rencontrera Abdelmalek Ramdane. Il se déplacera a Mascara et a Kristel (Oran) pour finalement s’installer a Djeniéne Meskine sous une fausse identité. Il fut recruté en qualité d’ouvrier professionnel dans l’atelier de soudure de la cimenterie ‘Cado’ (Zahana).
Des réunions, contacts et autres rencontres secrètes furent tenues soit à Djeniéne Meskine soit à Oran, dans le domicile de Fizizi Salah, à Medioni, dans la gargotte de Bouhouhou ouverte sur la rue Philippe dans le quartier de Sidi El Houari. Ces réunions se déroulaient parfois au baraquement ‘Montoro’, chez Seghier Abdelkader.
Larbi Ben M’hidi auquel se joignait parfois Boussouf Abdelhafid, venait transmettre les dernières instructions et faire la situation avec Hadj Benalla, Ahmed Zabana et Abdelmalek Ramdane.
Ainsi, il est important de souligner que la première cellule de Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action (CRUA), a été créée a Djeniéne Meskine (Mascara), et dont malheureusement les historiens n’ont pas jugés utiles de reproduire les cours de l’histoire. En septembre 1954, du matériel de soudure, de la poudre, du cordon Bikford, un pistolet et 200 cartouches sont récupérés.
Zabana s’absentera plusieurs jours pour fabriquer une douzaine de bombes à la ferme ’Belkheir’ aidé par Zeggaou.
Les opérations lancées pour le 1er Novembre furent accomplies cinq jours plus tard, par l’attaque de la maison forestière de ‘la mare d’eau’ près de Sig, où un important lot d’armes fut récupéré par le groupe de Zabana.
A l’aube du 8 novembre les moudjahidine constituant ce groupe sont surpris dans une grotte, communément appelé ’Ghar Boudjelida’ par un important contingent des forces d’occupation françaises, et après un solide accrochage, Brahim Abdelkader, tomba au champ d’honneur, alors que Fettah Abdallah et Ahmed Zabana grièvement blessés sont arrêtés à Ain El Ferd.
Quatre jours auparavant, Abdemalek Ramdane tombait, les armes à la main, dans le maquis du Dahra (Mostaganem), et Larbi Ben M’hidi appréhendé et torturé, en février 1957, par les paras de Bigeard, fut lâchement assassiné par ses geôliers.
Le Chahid Cheriet Ali Cherif natif de la région de Sig, compagnon d’armes de Zabana fut à son tour guillotiné le 28 février 1958.
Manseur Si Mohamed