Kalidou Koulibaly dit tout sur sa vie sportive (suite et fin)

Poursuivons dans cette seconde partie de l’entretien accordé par Kalidou Koulibaly au journal Onze Mondial qui va nous mener vers d’autres sujets qui continuent de susciter des débats à l’échelle africaine notamment.

Quand on parle d’Afrique, on entend souvent la même chose : climat difficile, pelouse médiocre, arbitrage catastrophique, mauvaise organisation, n’est-ce pas vexant ?
Koulibaly : «C’est vexant ! Et même nous, entre nous, on doit être plus tolérants. Quand on entend : mauvaise organisation. Qui parle de l’organisation selon toi ? Ce ne sont pas les Européens qui le font, c’est nous, entre Africains…» et de poursuivre un peu plus loin : «On ne peut pas se permettre de faire parler de l’Afrique en mal. C’est en organisant bien les choses, en faisant bien les choses et en montrant qu’on fait de gros efforts que ça ira mieux, qu’on aura une meilleure image et qu’on ira de l’avant». Citant l’exemple du Cameroun, il dira : «Au Cameroun, un gros effort a été fait au niveau des pelouses. On a quand même vu des pelouses de qualité. Entre la première CAN que j’ai faite et aujourd’hui, il n’y a pas photo».

L’Africain doit respecter l’arbitre
Sur cette question il estime qu’«il faut vraiment aider les arbitres. Je pense qu’ils ne sont pas aidés. On est toujours là à les critiquer. Je pense qu’ils ont un complexe d’infériorité. Ils se disent : ils viennent d’Europe et nous jugent différemment». «Moi, que ce soit un arbitre européen ou africain, je le vois de la même manière, je ne le prends pas de haut. C’est ça que tout le monde doit comprendre, on est dans le même bateau finalement. Si on parle mal d’eux, ils vont aussi mal parler de nous. …Il faut qu’on s’entraide et qu’on aille de l’avant car c’est pour le bien de l’Afrique».

Voir un pays africain soulever la Coupe du Monde, est-ce possible ?
(Son visage s’illumine) «C’est mon rêve, c’est mon rêve ! Voir un pays africain soulever la Coupe du monde, ça serait tellement magnifique. J’espère que ce sera le Sénégal, j’espère que ce sera nous (sourire). Ce serait quelque chose de grand. Et je pense que ce serait mérité, il y a tellement de talents en Afrique, tellement de bons joueurs, tellement de bonnes nations. Ce serait la suite logique qu’un pays d’Afrique gagne la Coupe du monde».

Quelle image ont les joueurs africains qui évoluent sous d’autres cieux ?
«Quand tu joues dans une sélection européenne, les gens pensent directement que tu es meilleur… donc supérieure à une nation africaine. Quand tu fais partie d’une équipe africaine, tu es déjà un ou «deux crans en-dessous selon les gens». Et de faire remarquer que «des grands joueurs jouent dans les équipes nationales africaines, ils n’ont à rougir devant personne. Ce sont des joueurs qui font partie des meilleurs mondiaux. Les gens doivent se mettre dans la tête que l’Africain est vraiment un joueur de talent, un joueur qui mérite vraiment son respect. Tout le monde doit respecter le football africain, et nous les Africains, les premiers».

Tu as perdu du temps, tu t’en mords les doigts…
«Je suis venu tard, j’ai rejoint l’équipe nationale du Sénégal à 24 ans alors que j’avais déjà été sollicité une ou deux années auparavant. C’est vrai que c’est une réflexion à avoir, tout le monde veut jouer pour les sélections nationales françaises. Mais après, quand tu réalises que tu as perdu du temps, tu t’en mords les doigts. Personnellement, je m’en suis vraiment mordu les doigts. Je savais que le Sénégal pouvait m’offrir la chance d’évoluer au niveau international, et malgré ça, j’ai attendu deux ans.
Et deux ans, ça fait une trentaine de matches. Je n’ai pas pu jouer pendant 30 matches avec mon équipe nationale et je m’en mords les doigts encore aujourd’hui. Dans ma tête, je ne me disais pas».

Que lui recommandaient ses parents ?
Il l’explique «va jouer pour le Sénégal». Ils m’ont toujours dit de faire mes choix et qu’ils me soutiendront quoi qu’il arrive. Quand j’ai choisi le Sénégal, j’ai vu les yeux de mes parents briller. Et j’ai directement su que j’avais fait le bon choix. Quand je vais en sélection, je rejoins une famille, je vois uniquement des frères Après, quand tu vois les repas avec les plats sénégalais, que tu manges des trucs dont tu as l’habitude, que tu manges des plats de ton quotidien à la maison avec les parents, tu sens tout de suite que tu es chez toi. Mais moi, si je peux leur donner un conseil, c’est : «Fonce, fais ton choix le plus rapidement possible et ne regrette rien. C’est tellement important de jouer pour une équipe nationale. Jouer pour une équipe où tu peux donner 100% de toi-même, il n’y a rien de plus beau…»

Si tu avais attendu encore un peu, tu serais aujourd’hui titulaire en équipe de France…
«Je suis bien comme titulaire avec l’équipe du Sénégal (sourire). C’est un débat qui a énormément fait parler. Beaucoup de médias ont parlé de ça, notamment suite à une intervention de Didier Deschamps qui avait parlé de moi et dit qu’il me suivait alors que j’avais déjà joué pour le Sénégal. Ça m’a fait plaisir, ça prouve qu’un joueur qui choisit une sélection africaine a aussi le niveau pour jouer pour la France. La France a ensuite gagné la Coupe du monde… Moi, j’ai ensuite gagné la CAN. Je suis le premier Sénégalais à soulever la CAN donc il n’y a rien à regretter aujourd’hui».

Le Ramadan…
Dans cette interview fleuve, nous retiendrons que ce qui fait la force de Koulibaly, c’est bien le Ramadan : «Tout le monde se pose la question. Pour commencer, je veux remercier mon club et mon staff». Pour le coach, sa réaction est la suivante : «Ok, vous faites le ramadan, voyez avec le nutritionniste, il va vous aider sur les compléments alimentaires, par rapport à la nuit». Le chef se levait à 4h du matin pour nous faire à manger les jours de match. C’est vraiment quelque chose d’agréable. En Italie, ils sont tellement croyants, qu’ils respectent tout. Que tu sois musulman, juif ou chrétien, ils respectent vraiment ta religion. Par rapport à ça, il n’y a aucun problème. Après, dire que ça ne te diminue pas, ce serait mentir. C’est vrai que tu es un peu diminué. Tu as moins de force puisque tu ne manges pas de la journée. Mais ça ne t’empêche pas d’être performant. On le voit avec de grands joueurs qui font le ramadan et qui sont super performants, je pense à Benzema ou Sadio Mané et d’autres. Certains sont même encore plus performants lorsqu’ils font le ramadan.
Quand je le fais, je me sens mieux, mon corps est dans un meilleur état, j’ai moins de douleurs. J’ai cette petite faim par moments, mais je cours plus sur le terrain. Je m’en rends compte lorsque je regarde les détails de mes entraînements, car on s’entraîne tous les jours avec les GPS.
Je demande juste aux gens d’être tolérants sur ce sujet parce que la religion, c’est quelque chose de personnel. Quand tu as des personnes tolérantes autour de toi comme à Naples, ça fait plaisir.
Synthèse de H. Hichem