Les transferts illicites de capitaux et l’évasion fiscale, une atteinte à la sécurité nationale

Economie

Le dossier des transferts illicites de capitaux et de l’évasion fiscale pose le problème de la gouvernance et de l’urgence d’une coordination sans faille des institutions de contrôle, afin de relancer l’économie nationale et assurer la nécessaire cohésion sociale.

Les importations de biens et services souvent oublié ( appel aux compétences étrangères) le montant a été d’environ 10 milliards de dollars par an entre 2010/2020 avec une baisse selon banque mondiale d’environ 6 milliards de dollars en 2021 ont été environ de 1050 milliards de dollars et les exportations d’environ 1100 milliards de dollars, 98% provenant des hydrocarbures avec les dérivées (pour 2021 selon la Banque mondiale importations de biens et services ont été de 46 milliards de dollars), le solde au 31/12/2020 étant les réserves de change de 44 milliards de dollars. Le taux de croissance a été dérisoire, moyenne annuelle de 2/3% durant cette période alors qu’il faut sur plusieurs année un taux minimum de 8/9% pour absorber le flux annuel qui s‘ajoute au taux de chômage actuel entre 350.000/400.000 emplois par an.
Si on applique 20% de surcoûts
(10% de surfacturation et 10% de mauvaises gestion) nous avons plus de 100 milliards de dollars de transferts illicites et 100 milliards de dollars de pertes faute d’une bonne gestion, car ne devant pas confondre mauvaise gestion et corruption : non maîtrise des contrats et des mécanismes économiques et financiers internationaux comme les fluctuations boursières.
Les biens à l’étranger peuvent provenir de plusieurs sources : celle des travailleurs mais qui s’est tari avec la mort des retraités et la crise économique ; celle des entrepreneurs exerçant légalement hors du pays d’origine et les transferts illicites dus aux surfacturations où on assiste par un vase communicant au rapatriement d’une fraction via le marché parallèle pour acheter localement surtout des biens immobiliers. Mais outre les devises, nous assistons également à des surfacturations en dinars notamment dans le BTPH (ou le coût de la corruption se répercute sur la mauvaise qualité des projets) et des pertes au Trésor, le premier ministre reconnaissant «la faiblesse du recouvrement fiscal.
Et que la fraude et l’évasion fiscale ont atteint des niveaux intolérables»., Si l’on s’en tient au rapport de la Cour des comptes de 2021 relatant des données de 2018/2019, le constat est alarmant.
Les dettes fiscales d’impôts et taxes continuaient de grimper, en 2019, ont atteint un montant global de 4 886,573 milliards de dinars, en hausse de 8,44% (380,259 Mrds de DA) par rapport à 2018, soit au cours de l’époque environ 120 dinars un dollar 40,72 milliards de dollars, contre 4506,314 milliards de dinars en 2018 et de 3 895,78 milliards de dinars en 2017. Le montant recouvré au titre de l’exercice 2019 a été de 101,157 milliards de dinars, soit 2,03% du montant des restes à recouvrer et sur ce montant très faible, le constat est une diminution de 29,83% (-43,009 Mrds de DA) par rapport à l’exercice 2018.
Les restes à recouvrer, liés à la TVA, représentent la part la plus importante (38,32%) avec un montant de 1872,64 milliards de dinars, suivie des impôts indirects avec un taux de 19,76% (965,723 milliards de dinars) et de l’impôt sur le revenu global avec un taux de 19,69% (962,307 milliards de dinars). Sans compter l’évasion fiscale interne, où domine la sphère informelle selon un rapport sur l’état des lieux de la justice fiscale, publié, récemment, par l’Organisation non gouvernementale (ONG), Tax Justice Network, l’Algérie perd chaque année plus de 467 millions de dollars, (pour l’Afrique c’est environ 23,2 milliards de dollars/an), représentant 0,3% du produit intérieur brut (PIB) du fait des pratiques d’évasions fiscales internationales. Environ 413,75 millions de dollars relèvent d’abus transfrontaliers d’impôts sur les sociétés par les multinationales et 53,3 millions de dollars, en évasion fiscale, par des particuliers fortunés qui transfèrent leur argent à l’étranger. Mais cela n’est pas propre à l’Algérie.
La dernière enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dite Pandora Papers met en lumière l’ampleur de l’évasion fiscale dans le monde. Selon les journalistes ayant travaillé sur ce dossier, l’équivalent de 11 300 milliards de dollars a été mis à l’abri dans des paradis fiscaux, légalement ou illégalement.
Pour avoir un ordre d’idée de ce que cela représente, voici cette somme comparée à d’autres A titre de comparaison 11 300 milliards de dollars c’est 98 fois plus cher que le coût total de l’ISS, la Station spatiale internationale, 113 000 avions de ligne et 131 fois le budget de l’éducation en France. Ces transferts illicites cumulés pour les pays en développement entre 2000 et 2020 dépasserait les 15’000 milliards de dollars contre 11.000 entre 2000/2017 ( données officielles de l’ONU) renvoyant à la moralité de ceux qui dirigent la cité. La fuite illicite de capitaux dépasse 75 milliards d’euros par an en Afrique en 2020 dues à la corruption, la contrebande, l’évasion fiscale, l’équivalent à la somme de l’aide publique au développement et des investissements directs étrangers, selon les l’évaluation retenue dans le rapport 2020 sur le développement économique de l’Afrique, publié lundi 28 septembre 2020 par la Conférence des Nations unies sur le développement (Cnuced). Ces flux, qui privent les Trésors publics de ressources nécessaires au financement du développement, sont considérables et ne cessent de croître», déplorent les auteurs du rapport, en précisant qu’ils représentent aussi la moitié des 200 milliards de dollars par an jugés nécessaires pour que l’Afrique soit en mesure d’atteindre les Objectifs du développement durable (ODD) d’ici à 2030.
Phénomène qui s’est accentué puisque la précédente estimation, publiée en 2015 par la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, avançait le chiffre de 50 milliards de dollars en moyenne par an sur la période 2000-2008. Pour l’Algérie, je réitère la proposition que j’ai faite en 1983 lorsque je dirigeais les départements des études économiques et des contrats, en tant que haut magistrat, premier conseiller à la Cour des comptes, chargé du contrôle du programme de l’habitat en coordination avec le ministère de l’intérieur, le ministère de l’habitat et les 31 walis de l’époque entre 1982/1983 et le dossier des surestaries en relation avec le ministère du commerce concernant le contrôle du programme anti pénurie, j’avais proposé à la Présidence de l’époque la mise en place en urgence d’un tableau de la valeur avec la numérisation pour permettre l’interconnexion des différents secteurs concernés, la banque d’Algérie la douane, la fiscalité, entreprises publiques/privés, et les différents ministères avec leurs annexes locales afin de lutter contre les surfacturations, tableau qui n‘a jamais vu le jour car s’attaquant à de puissants intérêts que certains politiques, experts et fonctionnaires redécouvrent en 2021/2022.
Pour les capitaux transférés d’une manière illicite à travers les surfacturations, pour la majorité des experts juristes consultés c’est presque une impossibilité à plus de 80% pour les capitaux placés dans des paradis fiscaux, en actions ou obligations anonymes et dans la majorité des cas mis au nom de tierces personnes souvent de nationalités étrangères. Rappelons-nous les fonds du FLN dans certains comptes spéciaux, durant la guerre de libération nationale dont une partie n’a jamais pu être récupérée.
Dans plusieurs rapports, la banque d’Algérie faisait état de dizaines de milliards de DA d’infractions de change (pénalités) constatées par les services des douanes et les officiers de la police judiciaire. Précisons que la gestion des transferts et du contrôle des changes dépend de la Banque d’Algérie, et que le gouverneur de la Banque d’Algérie est directement sous l’autorité du président de la République et non du ministre des Finances. Donc, ces problèmes ne sont pas nouveaux, et ont été déjà soulevés par le passé, puisque les conditions de transfert de capitaux en Algérie pour financer des activités économiques et rapatriement de ces capitaux et de leurs revenus ont été prévues dans le Règlement de la Banque d’Algérie n°90-03 du 8 septembre 1990 (loi sur la monnaie et le crédit) puis par le Règlement n° 95-07 du 23 décembre 1995 modifiant et remplaçant le règlement n° 92-04 du 22 mars 1992 relatif au contrôle des changes et l’article 10 de l’Ordonnance 96-22 du 09 juillet 1996 relative à la répression des infractions à la législation des changes et des mouvements de capitaux vers l’étranger.
Rappelons également que le 11 août 2012, le ministère des Finances, par un tapage médiatique, annonçait un décret exécutif numéro 12/279 portant institution d’un fichier national des fraudeurs ou contrevenants à la réglementation de change et mouvement de capitaux a été publié au Journal officiel. Ce décret exécutif fixait pourtant les modalités d’organisation et de fonctionnement du fichier national des contrevenants en matière d’infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux et vers l’étranger. Devait être instituée auprès du ministère des Finances et de la Banque d’Algérie une banque de données dans laquelle serait enregistrée toute personne, physique ou morale, résidente ou non-résidente, ayant fait l’objet d’un procès-verbal de constat d’infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux vers l’étranger.
Le Comité national et local des transactions, l’Inspection générale des finances, les directions générales des changes de la Banque d’Algérie, des douanes, des impôts, de la comptabilité, l’agence judiciaire du Trésor, la cellule de traitement du renseignement financier et le ministère du Commerce étaient les structures et institutions qui peuvent accéder au fichier. Qu’en est-il de l’application de toutes ces ordonnances et décrets ? Y a-il une réelle volonté politique d’éradiquer cette grave maladie du corps social qui menace la sécurité nationale ?
A.M
(A suivre)