«Algérie 1962, une histoire populaire»

Dernier ouvrage de Malika Rahal

Dans son dernier ouvrage
intitulé «Algérie 1962, une
histoire populaire», l’historienne
Malika Rahal
propose à ses lecteurs de
déplier les évènements
complexes et importants
pour l’histoire de l’Algérie
indépendante qui se sont
déroulés durant l’année
1962, marquant la fin de
132 de colonisation et le
début d’une nouvelle ère.Cet ouvrage de 419 pages paru
dernièrement aux éditions Barzakh,
délimite une tranche d’histoire
allant de janvier à décembre
1962, une année marquée
par trois événements
majeurs aux yeux de l’auteur,
la proclamation du cessez-lefeu
du 19 mars, la proclamation
de l’indépendance et la mise en
place en septembre du premier
Gouvernement algérien en
charge de dossiers, tous plus
urgents les uns que les autres.
Cette recherche, basée sur une
riche documentation composée
d’articles de presse de l’époque,
d’extraits de publications d’historiens
et de correspondances
de fonctionnaires internationaux
et diplomates, tente de
restituer cette période telle que
vécue par les citoyens algériens
mais aussi ses différents impacts.
Revenant d’abord sur «le
temps de l’OAS», l’historienne
regroupe des témoignages des
violences perpétrées par l’Organisation
de l’armée secrète
composée d’ultras, partisans
du maintien de la colonisation
et de «folles rumeurs» qui
avaient rythmé le quotidien durant
une partie de cette année.
Malika Rahal évoque également
l’installation progressive de différentes
formes d’autorités algériennes
(comités de quartiers,
représentants du FLN ou de
l’ALN, centres de soins de fortune,…),
l’apparition de nombreuses
manifestations de
jeunes comptant sur l’effervescence
comme mouvement social
en plus d’une forme d’algérianisation
des quartiers où les
Algériens s’étaient repliés pour
mieux s’entraider et faire face à
la violence avant la libération.
Sur la base de témoignages et
d’études, l’auteure aborde le déplacement
forcé de 41% de la
population algérienne vivant
sous le système colonial et la
vie dans les « camps de regroupement
« sur la base de témoignages
de personnes qui y ont
vécu leur enfance, en plus de
s’intéresser à la «complexe expérience
de l’ouverture des
camps». Elle s’intéresse également
au camp de regroupement
comme élément urbain et son
devenir après le recouvrement
de l’indépendance.
Dans le même élan, l’historienne
explore l’organisation du retour
des réfugiés et des détenus, la
démobilisation et la reconversion
des combattants ainsi que
la gestion de certaines urgences
vitales. En 1962, dans cette «Algérie
de tous les futurs», il fallait
aussi mettre en place un système
de santé apte à faire face
à l’urgence et à remettre en
route le système éducatif. Malika
Rahal expose aussi «l’Algérie
de toutes les urgences» qui
devait, en plus de la santé et de
l’éducation, se nourrir, se loger,
déminer les sols, faire fonctionner
les usines, former des instituteurs,
des médecins, des ingénieurs
pour assurer ce changement
vers un Etat national.
Abordant les différents impactes
de l’année 1962, l’universitaire
aborde également un
nouvel espace physique déserté
par les européens et de nouveaux
espaces sociaux inaccessibles
aux Algériens colonisés,
en plus de revenir sur la première
«salve de débaptisation»
opérée dès l’automne 1962 dans
plusieurs villes, à mesure que
les nouvelles municipalités se
mettaient en place.
Elle cite pour exemple la ville
d’Oran qui a changé les noms
de nombreuses rues et places
publiques lors d’une grande cérémonie
le 1 octobre 1962, une
opération reconduite à Alger le
27 du même mois où des rues et
places ont été baptisées du nom
de Larbi Ben M’hidi, Didouche
Mourad, l’Emir Abdelkader, Mohamed
Belouizdad, ou encore
Ahmed Bouzrina. Une réappropriation
de l’espace public qui
se poursuivra durant plus d’une
année.
Selon l’ouvrage, l’année 1962
compte également un récit administratif,
la fin de la guerre
de libération est aussi marquée
par le rattrapage de l’inscription
à l’état civil des événements
passés (mariages, décès
et naissances) et de l’inscription
des disparus. S’appuyant
sur tous ces aspects, Malika
Rahal parle du «Long 1962», une
séquence de l’histoire de l’Algérie
entre décembre 1960 et
mars 1963.
Née en 1974, Malika Rahal est
agrégée d’histoire, spécialiste
de l’histoire contemporaine de
l’Algérie et chargée de recherche
au Cnrs en France. Elle
dirige depuis janvier dernier
l’Institut d’histoire du temps
présent à l’Université Paris 8.
Elle est l’auteure de «Ali Boumendjel,
une affaire française,
une histoire algérienne» (2011)
et de «L’Udma et les udmistes,
contribution à l’histoire du nationalisme
algérien» (2017).R.C.