Face aux tensions géostratégiques, garante de la sécurité nationale et du développement

Armée nationale populaire (ANP)

Il faut rendre hommage à l’ANP et toutes les forces de sécurité, dont l’objectif essentiel est la protection du territoire, ciment de l’unité nationale, qui contribuent grâce à la sécurité au développement national mais également à apaiser les tensions régionales, le terrorisme étant une menace planétaire supposant une large coopération régionale et internationale afin de mutualiser les dépenses dans la lutte contre le terrorisme. Le poids d’une Nation en ce XXIème siècle se mesurant à son poids économique, espérons donc pour le devenir de l’Algérie que cette même énergie soit déployée pour consolider le front social intérieur impliquant l’approfondissement de l’Etat de droit et de la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle, impliquant des stratégies d’adaptation.

Les derniers évènements notamment l’épidémie du coronavirus, l’accélération du réchauffement climatique et le conflit en Ukraine et dans d’autres contrées du monde, avec le risque d’une crise alimentaire, avec ses répercussions géostratégiques et économiques, où le dernier rapport du FMI de juillet 2022 prévoit une récession de l’économie mondiale 2022/2023, n’ont fait qu’amplifier les déséquilibres mondiaux. Déjà dans une contribution sous ma direction parue en décembre 2011 à l’Institut Français des Relations Internationales IFRI « l’Afrique du Nord face aux enjeux géostratégiques j’avais soulevé certains questionnements à savoir la sécurité du Maghreb et de l’Europe.
A ce titre, j’avais mis particulièrement en relief le rôle stratégique de l’Algérie comme facteur de stabilisation de la région. Par la suite le 17 février 2014, à l’invitation de mon ami Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre français de l’Intérieur, de l’Éducation nationale et de la Défense et grand ami de l’Algérie, puisqu’il a été président de l’Association Algérie-France, en présence d’importantes personnalités (politiques, députés, sénateurs, experts internationaux) des deux rives de la Méditerranée en partenariat avec l’Union européenne, j’ai animé à cette occasion, au siège du Sénat français, une conférence sur le thème « face aux enjeux géostratégiques pour un co-partenariat entre le Maghreb et l’Europe, facteur de stabilité de la région ». Cela a été suivi d’une autre intervention lors d’une rencontre internationale fin 2014 par des dirigeants européens, africains et maghrébins à l’invitation de l’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA) » constituée d’importants acteurs africains et non africains dont le siège est à Dakar – (Sénégal), qui a organisé une rencontre internationale entre le 26/30 janvier 2014 sur le thème « l’Afrique doit réinventer son économie ». Au cours de ces rencontres, il a été souligné les relations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent l’espace méditerranéen et africain, nécessitant des stratégies nouvelles des pays du Maghreb en direction de leur Sud et sur les relations de toutes natures entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne. C’est que nous assistons à des mutations de la géopolitique saharienne après l’effondrement du régime libyen, car comment ne pas rappeler aussitôt Kadhafi disparu, des centaines de milliers, dont 15 000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de l’armée libyenne, puis ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée dont une partie a été accaparée par différents groupes qui opèrent au Sahel, puis par d’autres groupes terroristes venus d’autres régions et les conséquences pour la région des tensions au Mali.
Les enjeux géostratégiques au niveau de cet espace renvoient à des logiques géopolitiques divergentes tenant compte de l’histoire et des anthropologies culturelles devant éviter la vision européo- centriste car le monde depuis qu’il est monde a connu différentes formes de civilisations et le dialogue des cultures est source d’enrichissement mutuel devant tenir compte de l’importance des échanges économiques (formels et informels), des flux migratoires notamment des migrants subsahariens notamment en direction vers l’Europe. Du point de vue géographique et politique, l’Afrique du Nord comme mis en relief deux ouvrages réalisés sous ma direction et celle du docteur Camille Sari, sur le Maghreb face aux enjeux géostratégiques (‘Édition edition Harmattan Paris 2014/2015) était et reste toujours une sorte de barrière sur la voie des réfugiés illégaux des pays d’Afrique subsaharienne en Europe. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi le Sahel est l’un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers. Cet espace est caractérisé par l’ancienneté du système caravanier transsaharien, l’unité culturelle forgée autour de l’Islam et l’existence d’un «complexe de sécurité» dans la bande sahélienne et les dangers de la pénétration de l’islamisme radical à ne pas confondre avec l’Islam religion de tolérance à l’instar du judaïsme ou du christianisme. Il y a lieu d’éviter des déclarations hâtives de verser dans la xénophobie qui alimente le discours des extrêmes, ce qui se passe actuellement ne saurait en aucune manière refléter les idéaux de l’Islam fondés sur la tolérance. Et sans oublier qu’existent des influences religieuses autour de la conception de l’Islam qui influence largement les dirigeants politiques au niveau du Sahel, entre les frères musulmans qui encouragent le maraboutisme (zaouias) dominantes d’ailleurs au Maghreb, et les djihadistes qui y voient une dérive de la religion.
Pour Eric Denécé, ex : directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, est clair sur l’origine de la situation présente : «il faut dire et répéter que le facteur déclenchant de l’instabilité régionale est l’intervention occidentale en Irak et en Libye. Ce qui ne disculpe pas l’ancien régime fondé non pas sur des institutions mais sur des relations personnalisées qui explique l’effondrement actuel de l’Etat libyen et dont bon nombre d’Etat devraient tirer les leçons renvoyant à un Etat de droit et donc au processus démocratique, devant éviter de plaquer des schémas importés. L’ex: directeur du FBI, James Comey a affirmé le 14 novembre 2013 devant le Congrès «qu’Al Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi) constituait une forte menace aux intérêts américains et occidentaux dans la région de l’Afrique du nord et du Sahel» et pour l’ex directeur du Centre américain du contre-terrorisme, Quant à Matthew Olsen, dont les services dépendent du directeur du Renseignement national des Etats-Unis (DNI), il a déclaré devant la commission sénatoriale que les groupes terroristes arrivent, à trouver refuge dans les zones les moins peuplées du nord du Mali et continuent à commettre des attaques de représailles, tout en soulignant que l’Algérie est un acteur stratégique de la stabilisation de la région. C’est dans ce cadre que la plupart des dirigeants du Maghreb de l’Afrique de l’Europe, des Etats Unis d’Amérique, de la Russie et de la Chine s’accordent dorénavant sur la nécessité de coopérer davantage face à la menace de l’insécurité et du crime organisé, insistant sur une coopération étroite des pays du Maghreb et du Sahel. Ce thème a été développé lors d’une rencontre internationale des experts le 04 décembre 2013 à Paris, en marge du sommet des chefs d’Etat 06/07 décembre 2013 à laquelle j’ai eu l’honneur de participer.
La résolution finale a mis l’accent sur l’obligation de mettre en application une stratégie interrégionale qui associe l’ensemble des pays de la zone et de l’urgence d’une coopération tant africaine que mondiale dans la lutte contre la criminalité transnationale nécessitant une amélioration des bases de données afin de lutter efficacement contre le crime transfrontalier et le terrorisme. C’est dans cet objectif que se sont établis des dialogues stratégiques notamment entre les USA/Algérie et Europe/Algérie sans compter la coopération sécuritaire Algérie/Russie et Algérie Chine considérant le dialogue stratégique comme « le fondement » pour lutter contre le terrorisme international. Il s’agit donc de lever les contraintes du fait que la corruptibilité générale des institutions, pèsent lourdement sur les systèmes chargés de l’application des lois et la justice pénale en général qui ont des difficultés à s’adapter aux nouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé.
La collaboration inter-juridictionnelle
est ralentie par l’hétérogénéité des systèmes juridiques notamment en Afrique du Nord et en Afrique noire. De plus, la porosité des frontières aussi bien que la coordination entre un grand nombre d’agences chargées de la sécurité aux frontières posent de grands problèmes. À terme, la stratégie vise à attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau formel et ainsi isoler les éléments criminels pour mieux les cibler tout en diminuant les dommages collatéraux pour les utilisateurs légitimes.

3.-En conclusion, il existe un lien dialectique entre sécurité et développement. Le non développement accroît l’insécurité et l’insécurité freine le développement. C’est que la résolution de ce mal implique de s’attaquer à l’essence (un co-développement) et non aux apparences comme le montre une étude du Forum économique mondial – WEF- qui révèle que fortement secoués par des crises politiques à répétition, les pays d’Afrique du Nord, sont à l’aube d’une crise majeure, une source d’inquiétude, ces pays traversant une crise morale du fait du manque de valeurs au niveau du leadership , d’où l’importance de repenser leur gouvernance à travers la lutte contre la corruption, et les pays développés devant éviter des actions de domination afin de réaliser une prospérité partagée, condition de la sécurité collective. C’est que le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus grand et tandis que l’écart de revenus renforce les inégalités en matière de richesse, l’éducation, la santé et la mobilité sociale sont toutes menacées.
L’étude met en garde contre les conséquences pernicieuses du chômage : «une génération qui commence sa carrière dans un désespoir complet sera plus enclin aux politiques populistes alors que l’ampleur de la récession sociale laisse des cicatrices profondes, spécialement parmi la jeunesse ». Le rapport considère qu’il y a maintenant un consensus croissant selon lequel la région (Mena, Proche-Orient et Afrique du Nord) est à l’orée d’une période d’incertitude croissance, aux racines ancrées dans la polarisation de la société.
Pour l’Algérie indissociable des mutations et tensions géostratégiques, reconnue par la communauté internationale comme un acteur de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, pour éviter les impacts négatifs a besoin de plus de morale afin de favoriser un large front national mobilisant tous les acteurs sans exclusive, la priorité étant le combat contre la corruption et le terrorisme bureaucratique condition du redressement national.
Pour cela, s’imposent de nouvelles intermédiations politiques, sociales, culturelles et économiques, loin des aléas de la rente. Aussi, un regard critique et juste doit être posé sur sa situation, ni sinistrose, ni autosatisfaction, sur ce qui a déjà été accompli de 1962 à 2021 et de ce qu’il s’agit d’accomplir entre 2022/2025/2030 au profit exclusif d’une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d’une même ambition et d’une même espérance, la sécurité nationale et le développement économique et social du pays.
Professeur des universités, expert international en management stratégique
Dr Abderrahmane Mebtoul