Face à la révolution technologique et la restructuration mondiale 2022/2030, quelle politique pour l’industrie automobile en Algérie ?

Politique socio-économique

Annonce l’arrivée de grands constructeurs dans le secteur automobile à la faveur de la nouvelle loi sur l’investissement. Or l’expérience montre que l’attrait de l’investissement national et étranger n’est pas seulement une question de lois mais surtout d’une bonne gouvernance permettant une visibilité dans la démarche de la politique socio-économique. Il faut été réaliste et éviter des discours sans lendemain, pour ce dossier sensible et seule une décision politique, pour lutter contre ce terrorisme bureaucratique, de l’intervention du président de la République, peut débloquer cette situation. Attention également ces innombrables demandes pour le transport d‘aviation, certains n’ayant pas les qualifications nécessaires, certains attirés par le gain facile, louant des avions, donc des sorties de devises, avec le risque de surfacturation, renouvelant les erreurs du passé du montage des voitures où certains marchands de légumes sont devenus promoteurs avec la complicité de certains appareils de l’administration. Car combien de ministres ont fait des promesses depuis plus de trois ans sans concrétisation. Comme conséquence, le prix des voitures d’occasion a plus que doubler ainsi que les pièces détachées, avec une pénurie, dont le prix a plus que triplé, laminant le pouvoir d’achat et étant d’ailleurs une des raisons des innombrables

La situation du marché mondial de voitures est évolutive, ce marché étant un marché oligopolistique, fonction du pouvoir d’achat, des infrastructures et de la possibilité de substitution d’autres modes de transport notamment le collectif spécifique à chaque pays selon sa politique de transport, ayant connu depuis la crise d’octobre 2008 d’importants bouleversements, les fusions succédant aux rachats et aux prises de participation diverses. Nous observons deux tendances opposées qui sont en train de se produire en même temps : la localisation de la production sur certaines zones géographiques et sur certains pays et la délocalisation ; et pour ce qui est de la localisation de la production automobile mondiale, elle se concentre régionalement sur trois zones : l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie. De plus, sur chacune d’entre elles, la fabrication est localisée sur certains pays. Ainsi, en Europe, les principaux fabricants sont l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie, appartenant tous à l’Union européenne.
En Amérique du Nord, la production se concentre majoritairement sur les Etats-Unis, et en Asie. Elle se trouve au Japon et en Corée du Sud. Pour les exportations mondiales d’automobiles, la concentration est encore plus élevée, puisqu’elle est limitée principalement à deux zones : l’Europe et l’Asie. Et que dans un futur proche avec la perte de compétitivité de certains pays au profit de certains pays émergents (Russie, Inde, Chine, Brésil), nous devrions assister à la réorganisation de la production mondiale de véhicules et de toute évidence, les usines qui se maintiendront sur chaque pays seront les plus compétitives, les priorités des dirigeants étant donc : technologie, innovation (robotisation) approche collaborative, meilleures stratégies de succès et environnement.

.- Aussi, tenant compte du constat que la majorité de la société algérienne est irriguée par la rente des hydrocarbures dont l’évolution des cours détermine fondamentalement le pouvoir d’achat des Algériens, l’on devra répondre à sept questions reposant sur des études de marché sérieuses, afin d’éviter le gaspillage des ressources financières.
Premièrement, avec le retour de l’inflation qui sera de longue durée par rapport au pouvoir d’achat réel, (alimentaires, habillement notamment plus les frais de loyer et téléphone) et avec le nivellement par le bas des couches moyennes, principaux clients que restera-t-il pour acheter une voiture ?
Deuxièmement, comment ne pas renouveler les erreurs du passé les risques de surfacturation (corruption) et le risque d’aller vers l’épuisement des réserves de change, d’autant plus qu’il y aura forcément l’importation des collections CKD destinées à l’industrie de montage des véhicules de tourisme qui avait a atteint près de 3 milliards de dollars en 2018, sans compter les importations des parties et accessoires (pièces détachées) et les importations des pneumatiques. Il faut dresser pour tout projet y compris pour la santé et autres, la balance devises, aux économies d’importations devant soustraire les matières premières et les services importés en devises.
Troisièmement, le marché local a- t-il les capacités d’absorption et ces opérateurs, seront-ils capables d’exporter pour couvrir la partie sortie de devises et donc quelle sera la balance devises des unités projetées ? D’autant plus que la majorité des inputs (coûtant plus cher avec le dérapage du dinar officiel tant par rapport à l’euro que du dollar entre 2000/2021, plus de 100% selon l’indice d l’ONS) avec une accélération entre 2022/2024 selon le projet de la loi de finances 2022, seront presque importés devant inclure le coût de transport, également la formation adaptée aux nouvelles technologies et les coûts salariaux.
Quatrièmement, la comptabilité analytique distingue les coûts fixes des coûts variables quel est donc le seuil de rentabilité pour avoir un coût compétitif par rapport aux normes internationales et aux nouvelles mutations de cette filière ? La carcasse représentant moins de 20/30% du coût total c’est comme un ordinateur, le coût ce n’est pas la carcasse (vision mécanique du passé), les logiciels représentant 70/80%, ces mini-projets seront-ils concurrentiels dans le cadre de la logique des valeurs internationales. On construit actuellement une usine de voitures non pour un marché local, l’objectif du management stratégique de toute entreprise est régional et mondial afin de garantir la rentabilité financière cette filière étant internationalisée avec des sous segments s’imbriquent au niveau mondial où le taux d’intégration local varie entre 30/50%? Cinquièmement, quelle est la situation de la sous-traitance en Algérie pour réaliser un taux d’intégration acceptable qui puisse réduire les coûts où la part du secteur industriel représente moins de 6% du PIB en 2021 dont plus de 95% des micro unités familiales ou Sarl peu innovantes et comment dès lors ces micro-unités souvent orientés vers le marché intérieur, réaliseront le taux d’intégration prévue de 40/50% au bout d’environ trois à cinq années ?
Sixièmement, selon une vision cohérente de la politique industrielle, ne faut il pas par commencer de sélectionner deux ou trois constructeurs avec un partenariat étranger gagnant/gagnant maîtrisant les circuits internationaux avec un cahier des charges précis leur donnant des avantages fiscaux et financiers en fonctions de leur capacité, devant leur fixer un seuil de production afin d’éviter que durant cette période certains opérateurs soient tentés dans une logique de rente, d’accroître là, la facture d’importation en devises des composants.
Septièmement, selon une étude de Transport et Environnement (T&E) publiée en 2020 le marché du véhicule électrique en Europe devrait progresser jusqu’à atteindre la moitié de la production automobile totale à l’horizon 2030. Aussi, ces voitures fonctionnent-elles à l’essence, au diesel, au GPLC, au Bupro, hybride ou au solaire, renvoyant d’ailleurs à la politique des subventions généralisées dans les carburants qui faussent l’allocation optimale des ressources ? Au niveau mondial, l’on s’oriente vers l’optimalisation du fonctionnement des moteurs à essence et diesel, avec une réduction de 20/30% et les voitures électriques. Les nanotechnologies (la recherche dans l’infiniment petit) pouvant révolutionner le stockage de l’énergie, l’avenir appartenant au moteur alimenté par de l’hydrogène gazeux. Or contrairement aux discours la part des énergies renouvelables en 2021 représente environ 1% de la consommation globale, tous secteurs confondus.
En conclusion, l’industrie automobile doit s’inscrire dans le cadre d’une véritable politique économique qui fait cruellement défaut devant connaître une profonde restructuration au niveau mondial, où les exportations dominantes à horizon 2030 seront les voitures hybrides et électriques. Il semble bien que certains responsables algériens oublient que le monde a subi un profond changement avec des incidences politiques, économiques sociales, culturels avec les nouvelles technologies modelant de nouveaux comportements et géostratégiques, devant éviter de perpétuer un modèle des années 1970/1990, largement déconnectées des réalités internes et mondiales. Je ne rappellerai jamais assez que le moteur de tout processus de développement réside en la recherche développement, que le capital argent n’est qu’un moyen et que sans bonne gouvernance centrale et locale, l’intégration de l’économie de la connaissance, aucune politique économique n’a d’avenir.
C’est l’entreprise sans aucune distinction, entreprises publiques, privées nationales et internationales dans le cadre des valeurs internationales, épaulée par le savoir permettant l’innovation permanente, qui crée la richesse.
L’année 2022 sera déterminante pour l’avenir de l’Algérie : ou une véritable relance économique, loin des discours démagogiques d’autosatisfaction, auxquels plus personne ne croit, avec une nouvelle gouvernance ou la régression sociale avec des incidences négatives à la fois sociales, sécuritaires et diplomatiques, ce qu’aucun patriote ne souhaite car l’Algérie recèle d’importantes potentialités de sortie de crise.
A.M.

accidents.