Une longue et riche histoire dans l’édification de l’Etat-Nation : des Numides à 1962

Célébration de l’indépendance

Préambule
L’étymologie du nom en arabe, Al-Djaza’ir, rattache le nom aux îles qui faisaient face au port d’Alger à l’époque et qui furent rattachées à sa jetée actuelle. Le terme d’île pourrait selon des géographes musulmans du Moyen Âge désigner la côte fertile de l’actuelle Algérie, coincée entre le vaste Sahara et la Méditerranée, apparaissant alors comme une île de vie. En ce qui concerne Mezghenna, Tassadit Yacine rapporte l’hypothèse d’une forme arabisée d’Imazighen, donnant au pays le nom originel Tiziri At Imezghan, «Ziri des Berbères». Une autre étymologie situe son origine dans le nom de Ziri Ibn Menad Djezaïr alors de Dziri du berbère Tiziri. L’appellation Algérie provient du nom de la ville d’Alger qui dérive du catalan Aldjère lui-même tiré d’Al-Djaza’ir, nom donné par Bologine Ibn Ziri, fils du fondateur de la dynastie Ziride, lorsqu’il bâtit la ville en 960 sur les ruines de l’ancienne ville au nom romain Icosium, Djezaïr Beni Mezghenna. Le nom en français, Algérie, utilisé pour la première fois en 1686 par Fontenelles pour qualifier la Régence d’Alger, est officiellement adopté le 14 octobre 1839 afin de désigner ce territoire faisant partie de la Côte des Barbaresques. Ainsi, l’Algérie dans sa préhistoire est d’essence berbère et selon une version fréquente aurait le sens d’Homme libre, de rebelle, mais dans le cadre d’une rébellion organisée. Les Berbères sont un ensemble d’ethnies autochtones d’Afrique du Nord qui occupaient, à une certaine époque, un large territoire qui allait de l’Ouest de la vallée du Nil jusqu’à l’Atlantique et l’ensemble du Sahara. Ils y fondèrent de puissants royaumes, formés de tribus confédérées. Connus dans l’Antiquité sous les noms de Maures, ou encore Numides, l’Algérie connut la conquête romaine, l’invasion vandale, la conquête arabe, la conversion à l’Islam, la conquête espagnole, ottomane et française. Mais depuis de longs siècles, une conscience nationale algérienne s’est forgée, malgré bon nombre de péripéties tout au long de son histoire. L’histoire étant le fondement de la connaissance, cette présente contribution, dont l’objectif est de démystifier l’histoire millénaire et combien riche de l’Algérie, certainement imparfaite comme toute recherche à approfondir, en espérant qu’elle suscitera un débat contradictoire au profit exclusif de l’Algérie, sera scindée en cinq parties : l’Algérie de la période des Numides à la période romaine ; de la période du kharidjisme à la dynastie des Almohade ; l’occupation espagnole et ottomane ; la colonisation française de 1830 à 1962 et du nationalisme algérien à la révolution du 1er novembre 1954 pour aboutir à l’indépendance de l’Algérie le 05 novembre 1962. Le plus grand ignorant étant celui qui prétend tout savoir, cette contribution étant certainement imparfaite, toute critique productive sera la bienvenue.1. L’Algérie de la période des Numides
à la période romaine
L’Algérie a été peuplée, dès l’aube des temps. Les vestiges de la présence humaine en Algérie remontent à 400 000 ans, âge attribué aux restes de l’Atlanthrope, découverts dans les sédiments du lac préhistorique Ternifine, en Oranie. Atlanthrope était un contemporain du Simanthrope et du Pithécanthrope de Java. Des ossements ont été retrouvés au milieu des outils de pierre taillée qu’il fabriquait. Des outils du même type ont été retrouvés sur d’autres sites attestant la présence de l’homme primitif. En Algérie, on assiste, d’une façon frappante, au voisinage immédiat de l’histoire et de la préhistoire. Hérodote et Saluste portent témoignage sur les formes maghrébines de la civilisation néolithique. Il faut souligner, que c’est au Sahara, que la civilisation néolithique a connu ses plus belles réussites avec une perfection technique inégalée, comme en témoignent les peintures du Tassili-N’Ajjers, du Tassili du Hoggar avec les pierres taillées et polies, comme on peut en voir dans la magnifique collection du musée du Bardo. A l’aube de l’histoire, l’Algérie était peuplée par les Numides qui gardaient, de la civilisation primitive, la famille Agnatique et l’Aguellid. Il est probable que c’est cette organisation sociale que trouvèrent les Carthaginois, à leur arrivée, au IX siècle avant J.-C. Les Phéniciens fondèrent Carthage vers l’année 814 avant J.-C et poussèrent leurs bateaux jusqu’en Espagne. Mais la côte africaine de la Méditerranée était très hostile : de nombreux récifs et de hauts-fonds rendaient la navigation très difficile. D’est en ouest, la côte algérienne abritait des comptoirs qui sont devenus : Annaba, Skikda, Collo, Jijel, Bejaïa, Dellys, Alger, Tipaza, Cherchell, Tènes, Bettioua, près d’Arzew, Ghazaouet, comptoirs qui seront plus tard les assises des villes puniques, numides et romaines. Carthage étend son influence sur les populations de l’intérieur, à travers les relations commerciales. Ainsi apparurent des villes, où l’influence punique est incontestable. Alors que Carthage rayonnait de toute sa puissance, les Royaumes numides de Gaia, Massinissa et Syphax, avaient atteint un degré de développement exceptionnel sur les plans économique, social et culturel. Bien que peu, ou encore mal connue, cette période reste l’une des plus passionnantes de l’Histoire de l’Algérie. Au plan politique, la Numidie connut des tribus indépendantes, des républiques villageoises, de vastes royaumes dotés d’un pouvoir fort qui s’est superposé aux structures tribales. Quand la Numidie apparu au IVe siècle avant J.-C, elle formait au couchant, le royaume des Massaeysiles limité par l’Ampsaga (Rhumel) à l’est et par la Moulouya à l’ouest, avec Siga pour capitale et le royaume des Massyles dans la partie orientale du Constantinois, avec Cirta pour capitale. Hérodote rapporte que des relations commerciales se développèrent très tôt entre Phéniciens et Numides, favorisant ainsi la pénétration de la langue et de la culture puniques assez profondément dans le pays. Les Numides apprirent aux Phéniciens les procédés agricoles et industriels avec la fabrication de l’huile d’olive, du vin, l’exploitation et le travail du cuivre. L’influence culturelle, par contre, fut très limitée et s’exerça essentiellement par l’intermédiaire de Carthage. Elle ne se manifesta que dans le domaine de l’art, dont nous retrouvons des exemples dans les grands médracens de l’Aurès et de Tipaza. Au cours des années qui suivirent cette guerre, la puissance carthaginoise s’affaiblit, ce qui permit au roi des Massyles, Gala, grand père de Massinissa, d’entreprendre la conquête des villes côtières, dont Hippo-Régius, qui devint sa capitale, en chassant les Carthaginois. Pendant la deuxième guerre punique (218-202) avant J.-C.) Romains et Carthaginois se disputèrent avec acharnement l’alliance des royaumes numides. Alliée à Hannibal, la cavalerie numide parvint à envahir l’Iberia, la Gaule, traversant les Pyrénéees, puis les Alpes, contribuant à remporter en 216 avant J.-C la bataille de Cannae, la plus célèbre victoire des troupes d’ Hannibal, demeurée, à ce jour, dans les annales militaires, comme un exemple de stratégie et de tactique. Lors de son couronnement, Massinissa avait 36 ans. Né en 238 avant J.-C., il régna pendant 54 ans jusqu’à sa mort en 148 avant J.-C. Pendant son long règne, il entreprend la construction d’un Etat unifié et monarchique. D’abord il s’attacha à sédentariser les populations et transforma les pasteurs nomades en agriculteurs. Il favorisa l’urbanisation de la Numidie, poussant les cultivateurs à former de gros bourgs, auxquels il donna une organisation semblable à celle des villes puniques. Massinisssa qui regardait avec intérêt l’Orient grec, avait accepté la forme de civilisation que six siècles, placés sous l’influence de Carthage, elle-même hellénisée au cours des deux derniers siècles, avaient apportée aux élites Numides. Le projet politique le plus cher à Massinissa fut l’unification de tous les royaumes numides. La récupération des terres ayant appartenu à ses ancêtres lui permit d’introduire de nouvelles méthodes dans des domaines aussi variés que l’agriculture, l’hydraulique et la culture en terrasses. Pour mieux assurer sa puissance, il voulut diviser la monarchie et établir le culte de la divinité royale. Au plan militaire, son pouvoir, aussi, fut considérable : il entretint une puissante armée et une flotte importante.
Sur le plan économique, la Numidie occupe, pendant son règne, une place prépondérante dans l’économie mondiale de l’époque. Sa gestion fit de son pays un Etat très prospère qui commerçait avec la Grèce et Rome. Cirta en fut la capitale où à cette époque l’actuelle Europe vivait encore dans l’indigence. Dans son œuvre d’unification, il empiéta sur le domaine de Carthage, qui lui déclara la guerre. Massinissa en sortit vainqueur.
(A suivre)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul