Evasion fiscale, trafics aux frontières, fuite des capitaux et corruption

Sphère informelle

Intervention du Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul haut magistrat (Premier conseiller) et directeur général des études économiques à la Cour des comptes 1980/1983 à la rencontre organisée par le ministère de la défense nationale –état-major de la Gendarmerie nationale 23/24 février 2022 au cercle des Armées Alger.

Troisièmement, nous avons la traite des êtres humains. C’est une activité criminelle internationale dans laquelle des hommes, des femmes et des enfants sont soumis à l’exploitation sexuelle ainsi que le trafic d’immigrants le Gafi (Groupe d’action financière international) en 2019 révèle dans une étude que les profits liés à la traite humaine s’élèveraient à 150 milliards de dollars, chiffre multiplié par six en l’espace de 5 ans.
Quatrièmement, nous avons le trafic de ressources naturelles qui inclut la contrebande de matières premières telles que diamants et métaux rares (provenant souvent de zones de conflit) et la vente de médicaments frauduleux potentiellement mortelle pour les consommateurs. Selon Interpol, les revenus de la contrebande de matières premières dépassent les 300 milliards de dollars : environ 20 % pour le pétrole et 38 % des revenus. Les mouvements terroristes consistent en un trafic de matières premières avant le trafic de drogue. Selon le Forum économique mondial, les médicaments contrefaits génèrent 120 à 160 milliards d’euros chaque année.
Comme résultante de tous ces trafics, nous avons le blanchiment d’argent, qui est un processus durant lequel l’argent gagné par un crime ou par un acte illégal est lavé. Il s’agit en fait de voiler l’origine de l’argent pour s’en servir après légalement. Les multiples paradis fiscaux, des sociétés de clearing (aussi Offshore) permettent de cacher l’origine de l’argent. Des techniques de blanchiment d’argent nouvellement émergentes et de plus en plus complexes apparaissent, impliquant l’utilisation du régime du commerce international, des passeurs de fonds, des systèmes alternatifs de transfert de fonds et des structures d’entreprise complexes. Les profits de la plupart des activités illégales sont générés en espèces, ce qui est risqué pour les criminels. Il leur est difficile de se cacher, les espèces accroissant le risque d’exposition, de vol par des criminels rivaux et de saisie par la police. Lorsque des espèces entrent dans l’économie légale, elles peuvent facilement être identifiées et déclencher l’intervention des services de police. Aussi les criminels s’emploient-ils à éviter d’attirer les soupçons. Ils peuvent, par exemple, transférer les espèces à l’étranger, les utiliser pour acheter d’autres actifs ou tenter de les introduire dans l’économie légale par le biais d’entreprises qui brassent beaucoup d’espèces.
Dans le cas de la criminalité transnationale organisée, on estime qu’environ 70 % des profits sont blanchis par l’intermédiaire du système financier. Malgré cela, pourtant, il n’est intercepté et confisqué que moins de 1 % de ces produits blanchi qui ont un impact dévastateur sur les sphères économique, sécuritaire et sociale, en raison de l’existence d’une importante sphère informelle et d’économies fondées sur le numéraire et d’une combinaison de cadres juridiques déficients. Des techniques de blanchiment d’argent nouvellement émergentes et de plus en plus complexes apparaissent, impliquant l’utilisation du régime du commerce international, des passeurs de fonds, des systèmes alternatifs de transfert de fonds et des structures d’entreprise complexes. Ainsi, la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée en décembre 2000 où a été mis en relief les liens entre le terrorisme, la criminalité transnationale organisée, où a été demandé aux Etats membres de se conformer aux dispositions de la résolution et de prendre des mesures préventives. et pénales contre le blanchiment d’argent en vue de combattre le financement du terrorisme.

3.-Le développement de l’intelligence artificielle, de la cyber sécurité, des enjeux majeurs pour la communauté internationale
3.1-.Les pertes mondiales imputables aux attaques informatiques , bien que très difficiles à évaluer du fait de l’ampleur de l’économie du piratage, ont atteint les 1000 milliards de dollars en 2020, soit près de 1% du PIB mondial et uniquement pour l’Europe le montant des préjudices causé par des cyber- attaques a atteint en 2020 un coût global de 750 milliards d’euros par an. Ces pertes proviennent du vol d’actifs monétaires et de propriété intellectuelle mais également de pertes cachées, souvent omises.
Les motivations des pirates informatiques ont évolué : du piratage de logiciels de la part d’amateurs dont la motivation essentielle consistait à voler pour leur usage personnel, nous sommes passés à un piratage « professionnel » d’ordre économique (détournements d’argent) et piratage industriel, proche de l’espionnage. Les interceptions de communications ont aussi évolué. Des écoutes téléphoniques nous sommes passés aux interceptions des messages électroniques. Lorsqu’un mail est envoyé de façon habituelle, il n’est pas crypté et peut transiter par une dizaine de proxys qui jalonnent le parcours vers sa destination. Or, ces derniers conservent, pour des raisons techniques mais aussi légales, une copie des messages reçus.
Les informations contenues dans le corps du message et dans les fichiers joints peuvent donc être lues par autant de responsables de proxies que nécessite le trajet. Les vols de documents ne se produisent pas seulement en accédant, à distance ou non, à un ordinateur ou un serveur, mais également de la façon la plus inattendue par les photocopieuses qui stockent les informations avant de les imprimer, les experts en informatique pouvant donc ensuite très facilement récupérer ces informations, d’autant plus que la plupart d’entre elles sont généralement connectées à un réseau, soit via un PC (imprimante partagée), soit grâce à une adresse IP propre. Compte tenu de cette situation, la Direction de la Cybercriminalité d’INTERPOL a élaboré en aout 2020, un rapport d’évaluation mondial portant sur la cybercriminalité liée au COVID-19 en s’appuyant sur l’accès aux données de 194 pays membres et de partenaires privés afin de brossant un tableau complet de la cybercriminalité liée à la pandémie de Covid-19 : escroqueries en ligne et hameçonnage pour 59%; logiciels malveillants visant à désorganiser (rançongiciels et attaques par déni de service distribué) pour 36% ; logiciels malveillants visant à obtenir des donnée ; domaines malveillants, pour 21%; désinformations et fausses informations, de plus en plus nombreuses, se répandent rapidement dans le public pour 14%.

3.2- Récemment, les révélations d’espionnage du programme NS–PEGASUS posent la problématique de la sécurité nationale et de la maîtrise des nouvelles technologies reposant sur le savoir. Mais si les experts militaires s’accordent sur le fait que l’espionnage a existé depuis que le monde est monde, aujourd’hui avec des méthodes de plus en plus sophistiquées, avec l’avènement des cyber-attaques, il appartient à chaque nation d’utiliser des moyens plus sophistiqués pour se protéger. Le programme phare de NSO nommé Pegasus, un logiciel d’origine israélienne surnommé « cheval de Troie », a permis de fouiller dans les données (calendriers, photos, contacts, messageries, appels enregistrés, coordonnées GPS…) des Smartphones, iPhone comme Android, infectés, mais aussi de contrôler à distance la caméra et les micros intégrés à l’appareil. Cela donne la possibilité d’écouter des conversations dans une pièce alors que le téléphone apparaît inactif, ce logiciel en étant à sa troisième version. Cependant les nouvelles technologies ne concernent pas seulement les écoutes. Les drones sans pilotes commencent à remplacer l’aviation militaire classique pouvant cibler avec précision tout adversaire à partir de centres informatiques sophistiquées à des milliers de kilomètres.
Les satellites remplissant l’atmosphère, permettent d’espionner tout pays, de détecter le mouvement des troupes et la diffusion d’images de toute la planète. Le contrôle de l’information grâce à l’informatisation permet le développement des sites d’information, impliquant une adaptation des journaux papier, une nouvelle organisation des entreprises et administrations en réseaux, loin de l’organisation hiérarchique dépassée, l’interconnexion bancaire et éclectique, pouvant bloquer tout pays dans ses transactions financières et la panne des réseaux peut plonger tout pays dans les ténèbres. L’utilisation de Facebook et Twitter par la diffusion d’informations parfois non fondées où faute de transparence, la rumeur dévastatrice supplante l’information officielle déficiente. C’est dans ce cadre que s’impose la maitrise de l’Intelligence économique dont sa gestion stratégique est devenue pour une Nation et l’entreprise l’un des moteurs essentiels de sa performance globale et de sa sécurité. L’intelligence économique intègre deux dimensions supplémentaires par rapport à la veille : la prise de décision et la connaissance de l’information. Pour faire de l’intelligence économique un véritable avantage concurrentiel, il est indispensable de l’intégrer aux fonctions de l’administration et de l’entreprise. L’approche processus permet une meilleure coordination des étapes pour profiter au maximum du gisement informationnel en vue d’actions efficaces sur l’administration ou l’entreprise ou son environnement du fait d’interactions complexes. Une Nation ou une entreprise sera meilleure que ses concurrents si elle possède, avant les autres, les bonnes informations au bon moment, qu’il s’agisse de connaissance des marchés, d’informations juridiques, technologiques, normatives ou autres, créant une asymétrie d’information à son avantage. D’où l’appui aux entreprises pour l’accès aux volumes importants d’informations sur le commerce international détenu par les départements et agences ministériels, les Services de renseignement et de contre-espionnage, mettant en place un service d’information économique au profit des entreprises engagées dans le commerce extérieur. Depuis l’apparition des intranets et des extranets, l’information se diffuse plus rapidement et plus largement hors des frontières, acquérant ainsi une telle valeur stratégique que l’enjeu est désormais de se l’approprier.

Conclusion : l’Algérie acteur stratégique de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine
C’est que l’ère des confrontations n’a eu cours que parce que les extrémismes ont prévalu dans un environnement fait de suspicion et d’exclusion. Connaître l’autre, c’est aller vers lui, c’est le comprendre, mieux le connaître. L’Algérie a toujours été au carrefour des échanges en Méditerranée. De Saint-Augustin à l’Émir Abdelkader, les apports de l’Algérie à la spiritualité, à la tolérance et à la culture universelle ne peuvent que la prédisposer à être attentifs aux fractures contemporaines. Pour l’Algérie en symbiose avec les préoccupations de la communauté internationale, vis-à-vis des menaces et défis auxquels le monde et notre région sont confrontés, il y a nécessité de développer une stratégie de riposte collective et efficace concernant la lutte contre le terrorisme international et la criminalité organisée. Mais, cette lutte serait inefficace sans mettre fin à cette inégalité tant planétaire qu’au sein des Etats où une minorité s’accapare une fraction croissante du revenu national enfantant la misère et donc le terrorisme, renvoyant à la moralité de ceux qui dirigent la Cité. Face à un monde en perpétuel mouvement, tant en matière de politique étrangère, économique que de défense, actions liées, avec les derniers événements au Sahel, aux frontières de l’Algérie, se posent l’urgence des stratégies d’adaptation et d’une coordination, internationale et régionale afin d’agir efficacement sur les événements majeurs. Ces nouveaux défis pour l’Algérie, sous segment du continent Afrique, dépassent en importance et en ampleur les défis que l’Algérie a eu à relever jusqu’à présent
Professeur des universités Expert
international Abderrahmane Mebtoul
(Suite et fin)