Colonne vertébrale de la Nation et pivot de la sécurité nationale, face aux tensions géostratégiques régionales

Armée nationale populaire (ANP)

Dans le cadre de la cérémonie qui s’est tenue dans le cadre des festivités commémorant le 60ème anniversaire de l’indépendance nationale et suite à l’institution le 4 août Journée nationale de l’ANP, coïncidant avec la date de la reconversion de l’Armée de libération nationale en Armée nationale populaire, il faut rendre hommage à l’ANP et toutes les forces de sécurité, dont l’objectif essentiel est la protection du territoire, ciment de l’unité nationale, qui contribuent également, à apaiser les tensions régionales, le terrorisme étant une menace planétaire supposant une large coopération régionale et internationale et une mutualisation des dépenses militaires et sécuritaires.

Déjà dans une contribution sous ma direction parue en décembre 2011à l’Institut français des relations internationales IFRI «L’Afrique du Nord face aux enjeux géostratégiques» j’avais soulevé certains questionnements, à savoir la sécurité du Maghreb et de l’Europe. À ce titre, j’avais mis particulièrement en relief le rôle stratégique de l’Algérie comme facteur de stabilisation de la région. Par la suite, le 17 février 2014, à l’invitation de mon ami Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre français de l’Intérieur, de l’Éducation nationale et de la Défense et grand ami puisqu’il a été président de l’Association Algérie-France, en présence d’importantes personnalités (politiques, députés, sénateurs, experts internationaux) des deux rives de la Méditerranée en partenariat avec l’Union européenne, j’ai animé à cette occasion, au siège du Sénat français, une conférence sur le thème «face aux enjeux géostratégiques pour un co-partenariat entre le Maghreb et l’Europe, facteur de stabilité de la région» suivi d’une autre intervention lors d’une rencontre internationale fin 2014 par des dirigeants européens, africains et maghrébins à l’invitation de « L’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (Arga)», constituée d’importants acteurs africains et non africains dont le siège est à Dakar – (Sénégal), qui a organisé une rencontre internationale entre le 26/30 janvier 2014 sur le thème «L’Afrique doit réinventer son économie» Il a été souligné les relations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent l’Europe qui doit être attentive aux stratégies des pays du Maghreb en direction de leur Sud et sur les relations de toutes natures entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne.
Face à l’épidémie du coronavirus, du réchauffement climatique, des nombreuses tensions internes renvoyant à la gouvernance et externes( Ukraine Russie –Occident et USA/Chien via Taiwan), le monde est à l’aube de profondes mutations géostratégiques ( voir notre interview à la télévision internationale ALG24 du 04/08/2022). Nous assistons à un profond bouleversement de l’ordre économique et géopolitique mondial où le commerce de l’énergie se modifie, l’inflation est de retour, la crise alimentaire guette bon nombre de pays, les chaînes d’approvisionnement se reconfigurent, les réseaux de paiement se fragmentent et certains pays émergents comme la Chine qui repense ses importantes réserves de change réserves de devises évaluées au 31/12/2021 à 3200 milliards de dollars.
Concernant la région sahélienne, nous assistons à des mutations de la géopolitique après l’effondrement du régime libyen, car comment ne pas rappeler aussitôt Kadhafi disparu, des centaines de milliers, dont 15 000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de l’armée libyenne, puis ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée dont une partie a été accaparée par différents groupes qui opèrent au Sahel, puis par d’autres groupes terroristes venus d’autres régions suite aux conflits en Irak et en Syrie. Les enjeux géostratégiques au niveau de cet espace renvoient à des logiques géopolitiques divergentes tenant compte de l’histoire et des anthropologies culturelles devant éviter la vision européo-centriste car le monde depuis qu’il est monde a connu différentes formes de civilisations et le dialogue des cultures est source d’enrichissement mutuel. En effet, cet espace est caractérisé par l’ancienneté du système caravanier transsaharien, l’unité culturelle forgée autour de l’islam et l’existence d’un «complexe de sécurité» dans la bande sahélienne et les dangers de la pénétration de l’islamisme radical à ne pas confondre avec l’islam religion de tolérance à l’instar du judaïsme ou du christianisme. Il y a lieu d’éviter des déclarations hâtives de verser dans la xénophobie qui alimente le discours des extrêmes, ce qui se passe actuellement ne saurait en aucune manière refléter les idéaux de l’islam fondés sur la tolérance.
Du point de vue géographique et politique, l’Afrique du Nord, comme mis en relief dans deux ouvrages réalisés sous ma direction et celle du docteur Camille Sari, sur «Le Maghreb face aux enjeux géostratégiques (‘Éditions Harmattan, Paris 2014/2015)» était et reste toujours une sorte de barrière sur la voie des réfugiés illégaux des pays d’Afrique subsaharienne en Europe et d’autres pays. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi, le Sahel est l’un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers. Ce qui ne disculpe pas l’ancien régime fondé non pas sur des institutions, mais sur des relations personnalisées, ce qui explique l’effondrement actuel de l’Etat libyen et dont bon nombre d’États devraient tirer les leçons renvoyant par là,la mise en place d’un Etat de droit et donc au processus démocratique, devant éviter de plaquer des schémas importés. La plupart des rapports internationaux de défense provenant de l’Europe, des Etats-Unis d’Amérique, de la Russie et de la Chine s’accordent, sur la nécessité de coopérer davantage face à la menace de l’insécurité et du crime organisé, insistant sur une coopération étroite des pays du Maghreb et du Sahel, en insistant sur le rôle pivot de l’Algérie dans la stabilité régionale. Déjà courant 2013/2014, l’ex- directeur du FBI, James Comey a affirmé devant le Congrès qu’Al Quaida au Maghreb Islamique (Aqmi) constituait une forte menace aux intérêts américains et occidentaux dans la région de l’Afrique du Nord et du Sahel et pour l’ex- directeur du Centre américain du contre-terrorisme, Matthew Olsen, dont les services dépendent du directeur du renseignement national des Etats-Unis (DNI), devant la commission sénatoriale que les groupes terroristes arrivent à trouver refuge dans les zones les moins peuplées au Sahel, commettant des attaques terroristes qui peuvent déstabiliser non nombre d’Etats fragiles au niveau de la région. Ces dangers ont été abordés lors d’une rencontre internationale des experts le 04 décembre 2013 à Paris, en marge du sommet qui a regroupé bon nombre de dirigeants africains et occidentaux les 06/07 décembre 2013 à laquelle j’ai participé en marge de al réunion des experts où la résolution finale a mis l’accent sur l’obligation de mettre en application une stratégie interrégionale qui associe l’ensemble des pays de la zone et de l’urgence d’une coopération tant africaine que mondiale dans la lutte contre la criminalité transnationale nécessitant une amélioration des bases de données afin de lutter efficacement contre le crime transfrontalier et le terrorisme. C’est dans cet objectif que se sont établis des dialogues stratégiques, notamment entre les USA/Algérie et Europe/Algérie sans compter la coopération sécuritaire Algérie/Russie et Algérie/Chine où ces pays considèrent le Dialogue stratégique comme «le fondement» afin de renforcer leurs relations futures dans les domaines politique, économique, culturel, scientifique et sécuritaire, pour lutter contre le terrorisme international. Il s’agit donc de lever les contraintes du fait que la corruptibilité générale des institutions, pèsent lourdement sur les systèmes chargés de l’application des lois et la justice pénale en général qui ont des difficultés à s’adapter aux nouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé. La collaboration inter-juridictionnelle est ralentie par l’hétérogénéité des systèmes juridiques, notamment en Afrique du Nord et en Afrique noire.
De plus, la porosité des frontières aussi bien que la coordination entre un grand nombre d’agences chargées de la sécurité aux frontières posent de grands problèmes où la stratégie vise à attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau formel et ainsi isoler les éléments criminels pour mieux les cibler tout en diminuant les dommages collatéraux pour les utilisateurs légitimes.

En conclusion, il ne faut jamais oublier, face aux nouvelles tensions géostratégiques, le lien dialectique entre sécurité et le développement , de la responsabilité du gouvernement, supposant une bonne gouvernance et un large front national mobilisant toutes les forces vives de la Nation.
Le poids d’une nation en ce XXIème siècle se mesurant à son poids économique, (l’expérience récente de la Chine). Des stratégies d’adaptation qui interpellent tant l’Algérie acteur stratégique du sous-continent de l’Afrique du Nord et plus globalement l’Afrique. C’est que la résolution de ce mal implique de s’attaquer à l’essence (un co-développement) et non aux apparences comme le montre une étude du Forum économique mondial – WEF- qui révèle que fortement secoués depuis deux ans par des crises politiques à répétition, les pays d’Afrique du Nord, sont à l’aube d’une crise majeure et sont une source d’inquiétude, ces pays traversant une crise morale du fait du manque de valeurs au niveau du leadership. Le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus grand et tandis que l’écart de revenus renforce les inégalités en matière de richesse, l’éducation, la santé et la mobilité sociale sont toutes menacées. L’étude met en garde contre les conséquences pernicieuses du chômage: «une génération qui commence sa carrière dans un désespoir complet sera plus enclin aux politiques populistes qui à terme accélère la crise . Le rapport considère qu’il y a risque dans les années à venir où la région (Mena, Proche-Orient et Afrique du Nord) est à l’orée d’une période d’incertitude croissance, aux racines ancrées dans la polarisation de la société.
Professeur des universités Expert
international Abderrahmane Mebtoul