«La préservation et la valorisation de l’agro-biodiversité, enjeux majeurs pour diversifier et sécuriser les agricultures»

Dr Mourad Belkhelfa, expert en biotechnologie et santé :

L’expert en biotechnologie et santé, Dr Mourad Belkhelfa a mis en avant, avant-hier lundi, la nécessité de recenser tout le patrimoine génétique agricole végétal et animal de toutes les régions du pays. En associant, a-t-il dit, l’ensemble des agriculteurs et les éleveurs à cette opération d’envergure.
«Une meilleure connaissance de l’agro-biodiversité, sa préservation et sa valorisation constituent des enjeux majeurs pour diversifier et sécuriser les agricultures du pays», a indiqué, à l’APS, Dr Mourad Belkhelfa, professeur à l’Université des sciences et de la technologie Houari-Boumediène (USTHB) de Bab-Ezzouar (Alger).
Evoquant la Banque nationale des semences, inaugurée récemment par le Premier ministre, Dr Belkhelfa, également expert à l’INESG et membre du Conseil scientifique au ministère de l’économie de la connaissance et des start-ups, a souligné la nécessité de consolider cette banque à travers l’installation de centres de recherches dans les quatre régions du pays sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique et le ministère de l’Agriculture et du développement rural.
«Cette Banque nationale de semences devrait renforcer la préservation et la valorisation du patrimoine génétique agricole national, constituant un gage de la sécurité et de la souveraineté alimentaires du pays», a-t-il fait remarquer. Cette Banque de semences, indispensable pour assurer la durabilité de notre système agricole et notre sécurité alimentaire, a poursuivi Dr Belkhelfa, aura pour principale mission la conservation et la valorisation du patrimoine génétique agricole et sa protection contre le bio-piratage et l’uniformisation des productions agricoles imposées par la mondialisation. «Ces centres devraient être dotés d’une plate-forme de biologie moléculaire pour le séquençage génétique des espèces, leur codification et leur enregistrement auprès de l’Unesco pour leur protection contre la bio-piraterie. Et devraient se charger de la valorisation de ces espèces en améliorant davantage leur rendement et leur résilience aux maladies et aux conditions climatiques extrêmes», a recommandé cet expert en biotechnologie et santé.
Pour ce qui est du partenariat international dans le domaine de la préservation des espèces, cet enseignant chercheur, a estimé que c’est plus qu’une nécessité car l’interconnexion de la Banque nationale des semences agricoles avec d’autres banques de semences internationales, notamment la banque de Svalbard en Norvège (la plus grande réserve de semences au monde avec plus de 980.000 variétés), constitue une double protection pour nos ressources. Citant l’exemple, édifiant, de la Banque de semences syrienne établie dans la ville d’Alep.
«Classée 9ème banque au monde avec plus de 155.000 espèces et variétés, cette banque a été détruite mais reconstruite grâce aux semences déposées par le gouvernement syriens à la banque Svalbard», a observé Dr Belkhelfa.
Enfin, revenant sur le protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques, ratifié par l’Algérie, cet enseignant-
chercheur a regretté le fait que l’Algérie ait signé cet accord sans se doter des moyens de surveillance et de protection de son patrimoine génétique agricole, qui fait l’objet de grandes convoitises.
Assurant qu’avec l’installation de la Banque nationale des semences et l’établissement d’un cadre juridique pour la protection de ce patrimoine sur les marchés mondiaux changera la donne. Cet accord onusien, adopté en 2010 au Japon et entré en vigueur en 2014, a poursuivi cet enseignant-chercheur, complète les dispositions de la Convention sur la diversité biologique (CDB) relative à l’accès et au partage des avantages des bio-ressources. «Son objectif vise la création d’un cadre mondial pour l’élaboration d’instruments facilitant l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation», a-t-il dit.
Relevant que ce partage devrait concerner les semences des produits de large consommation notamment la pomme de terre, la tomate et certaines variétés de blé et de riz. Non sans faire remarquer que chaque pays a le droit d’établir une liste des produits qui sont propres à sa région notamment les produits de terroir qui devraient être enregistré à l’international pour leur appropriation et leur protection contre le bio-piratage.
Rabah Mokhtari