Les séquelles toujours présentes

? En 1985, la télévision algérienne avait diffusé un film documentaire (en 35 mm), «Algérie, combien je vous aime», réalisé par Azzedine Meddour (décédé le 16 mai 2000) qui, en 105 minutes, dresse un tableau du colonialisme à partir d’images d’archives, notamment des journaux télévisés français, avec beaucoup d’humour et d’ironie, admirablement servi par le commentaire d’Abdelkader Alloula (assassiné le 10 mars 1994). Sur la base de témoignages directs, Azzedine Meddour révélait pour la première fois au grand public que des prisonniers de guerre algériens avaient été utilisés comme cobayes durant des expériences nucléaires françaises au Sahara sous domination coloniale. Les effets des essais nucléaires français sur la population et sur l’environnement sont toujours visibles.

Les Algériens ont à plusieurs reprises demandé à la France la réparation de ces séquelles qui restent encore enveloppées du voile du secret défense que les autorités françaises refusent de lever sur les archives se rapportant aux populations locales concernées et aux personnes, des combattants de la lutte de libération qui étaient prisonniers et qui ont été utilisés comme cobayes dans ces expérimentations. Durant la Guerre de libération nationale, le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) avait protesté contre l’utilisation du Sahara comme «périmètre atomique français» à cause des risques de radioactivité dans l’air. Pour la même raison, les premières expériences faites à Reggane avaient été condamnées par les pays amis de l’Algérie qui était en guerre pour son indépendance. Mais, même après l’indépendance, le lundi 18 mars 1963, le gouvernement français faisait exploser une bombe atomique expérimentale au Sahara, à In Ekker, à 150 km au Nord de Tamanrasset.

C’était la sixième expérience du genre : 13 septembre 1960, sous le nom de Gerboise bleue ; 1er avril 1960, Gerboise blanche ; 27 décembre 1960, Gerboise rouge ; 25 avril 1961, Gerboise verte, et le 7 novembre 1961 (toutes au Sud de Reggane). L’expérience souterraine à In Ekker, était la première dans l’Algérie devenue indépendante. De Gaulle voulait passer de la «bombinette» – comme était qualifiée sa bombe A par dérision – à la bombe H. A la suite de cette explosion, le Gouvernement algérien avait pris trois décisions : demander la révision des clauses militaires des Accords d’Evian, faire convoquer l’ambassadeur de France par le ministère des Affaires étrangères et rappeler l’ambassadeur d’Algérie en France. S’ensuivirent les fameux Décrets de mars. Dès avril 1963, la France a annoncé son intention de construire une base d’essais nucléaires sur l’Atoll polynésien de Mururoa.
L. A.