Face aux nouvelles tensions géostratégiques mondiales, un monde incertain, revisiter l’Histoire et préparer entre l’Algérie et la France ensemble, l’avenir

Visite du Président Emmanuel Macron en Algérie

Le Président Emmanuel Macron est en visite en Algérie. Espérons que cette visite permettra de promouvoir l’esprit de paix, d’amitié, d’excellence, d’ouverture d’esprit et d’unité entre nos deux pays, tous deux acteurs stratégiques du pourtour méditerranéen, une mer qui, depuis 3.000 ans, a vu la naissance de grandes civilisations, religions, cultures et traditions.C’est que l’ère des confrontations n’a eu cours que parce que les extrémismes ont prévalu dans un environnement fait de suspicion et d’exclusion. Connaître l’Autre, c’est aller vers lui, c’est le comprendre, mieux le connaître et non lui imposer un schéma social contraire à ses valeurs. Dans plusieurs rapports entre 2018/2022, les autorités tant américaines qu’européennes, russes et chinoises, ont tenu à souligner qu’avec les tensions au niveau de la région, les autorités algériennes contribuent à la stabilisation de son voisinage immédiat, notamment au Sahel, et que l’Algérie demeure un acteur-clé au niveau régional. L’effort continu, de modernisation des équipements, ainsi que les nombreux effectifs de sécurité dont l’Algérie dispose, ont permis au pays de contrer de façon efficace les menaces terroristes, notamment avec les crises libyenne et malienne.
Dans le domaine économique, tous les pays, tout en respectant les accords internationaux, protègent une partie de leur production nationale grâce à l’État stratège et régulateur en économie de marché, pouvant détenir des minorités de blocage dans des segments stratégiques, à ne pas confondre avec le retour à l’État gestionnaire, comme le montrent avec l’actuelle crise mondiale, les décisions récentes de bon nombre de pays développés et émergents.
Dans ce cadre, l’Algérie entend lever les obstacles qui bloquent l’attrait de l’investissement étranger par la lutte contre la bureaucratie et la corruption qui freinent l’attrait de l’investissement, tant local qu’étranger. Sur le plan énergétique, au travers du GNL et des canalisations Medgaz et Transmed, l’Algérie est un acteur stratégique pour l’approvisionnement en énergie tant de la France que de l’Europe (voir sur ce sujet notre interview au quotidien français Le Monde.fr 04 mars 2022). L’essentiel pour l’Algérie est de favoriser une accumulation de savoir-faire managérial et technologique, grâce à un partenariat gagnant-gagnant, l’État pouvant détenir des minorités de blocage pour des segments stratégiques, l’objectif étant une valeur ajoutée interne positive, afin de mettre fin à la faiblesse du tissu productif, l’économie algérienne étant une économie foncièrement rentière: 98% d’exportations sont issues d’hydrocarbures bruts et semi-bruts, et plus de 80% des besoins des entreprises et des ménages sont couverts par les importations.
Pour éviter les erreurs du passé, la leçon à retenir, c’est que les nouvelles relations internationales ne se fondent plus essentiellement sur des relations personnalisées entre chefs d’État ou ministres, mais sur des réseaux décentralisés, par l’implication des entreprises et de la société civile qui peuvent favoriser la coopération. Il ne faut pas être utopique et être réaliste.
Dans la pratique des affaires, il n’y a pas de fraternité, de sentiments et l’Algérie doit privilégier uniquement ses intérêts, comme c’est le cas de la France, car les opérateurs – qu’ils soient arabes, algériens chinois, russes, français ou américains – étant mus par la logique du gain, ils iront là où les contraintes sociopolitiques et socio- économiques sont mineures, leur objectif étant de réaliser le profit maximum. Sous réserve d’une meilleure gouvernance, de la valorisation du savoir – richesse bien plus importante que toutes les réserves d’hydrocarbures – et de la levée des contraintes d’environnement, ainsi qu’avec une plus grande visibilité et cohérence de sa politique socio-économique, et en évitant l’instabilité juridique et monétaire, l’Algérie a les potentialités pour passer d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures et devenir un pays pivot au sein de l’espace euro-méditerranéen et africain. L’attractivité du marché algérien découle des avantages comparatifs suivants: la proximité géographique des marchés potentiels d’Europe, d’Afrique et du Moyen-Orient; la taille du marché intérieur estimée à plus de 45 millions de consommateurs; des richesses naturelles importantes; des ressources humaines; un endettement extérieur inférieur à 6 milliards de dollars; des réserves de change – bien qu’en baisse – de 44 milliards de dollars à la fin de 2021, des recettes en devises qui devraient dépasser en 2022 50 milliards de dollars.
N’oublions pas le nombre de résidents d’origine algérienne dans le monde, et notamment en France. Quel que soit le nombre, la diaspora est un élément essentiel du rapprochement entre l’Algérie et la France, du fait qu’elle recèle d’importantes potentialités intellectuelles, économiques et financières. La promotion des relations entre l’Algérie et sa communauté émigrée doit mobiliser à divers stades d’intervention l’initiative de l’ensemble des parties concernées, à savoir le gouvernement, les missions diplomatiques, les universités, les entrepreneurs et la société civile.
Des stratégies d’adaptation sécuritaire, politique, culturel, social et économique deviennent nécessaires face à un monde qui subit une profonde reconfiguration géostratégique avec le poids croissant des pays du Brics, 25% du PIB mondial e tplus de 40% de la population mondiale couplé au réchauffement climatique, qui ne sera plus jamais comme avant (voir Pr Abderrahmane Mebtoul contribution au site parisien AfricaPresse et Financial Afrik du 04/5 août 2022 et interview le 20 août 2022 à la télévision internationale Alg24 New’s). En ce moment de tensions géostratégiques en Ukraine, les tensions USA/chine concernant Taiwan, bon nombre de conflits régionaux, le rapprochement entre de nos deux pays est nécessaire pour une intensification de la coopération entre la France et l’Algérie via l’Europe, à la mesure du poids de l’histoire qui nous lie. Au niveau mondial, nous assistons à l’évolution d’une vision purement matérielle, caractérisée par des organisations hiérarchiques rigides, à un nouveau mode d’accumulation fondé sur la maîtrise des connaissances, des nouvelles technologiques et des organisations souples en réseaux comme une toile d’araignée à travers le monde, avec des chaînes mondiales segmentées de production où l’investissement, en avantages comparatifs, se réalise au sein de sous-segments de ces chaînes. Comme le note justement mon ami Jean-Louis Guigou, président de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen, à Paris), il faut faire comprendre que, dans l’intérêt tant des Français que des Algériens – et plus globalement des Maghrébins et des Européens ainsi que de toutes les populations sud-méditerranéennes -, les frontières du marché commun de demain, les frontières de Schengen de demain, les frontières de la protection sociale de demain, les frontières des exigences environnementales de demain… doivent être au sud du Maroc, au sud de la Tunisie et de l’Algérie, et à l’est du Liban, de la Syrie, de la Jordanie et de la Turquie, passant par une paix durable au Moyen-Orient. Plus précisément, l’Algérie et la France présentent l’une et l’autre des atouts et des potentialités pour la promotion d’activités diverses et cette expérience peut être un exemple de ce partenariat global devenant l’axe privilégié du rééquilibrage du sud de l’Europe, par l’amplification et le resserrement des liens et des échanges sous différentes formes. Comme je l’ai fortement souligné lors du sommet de la société civile qui est au centre de la coopération euro-méditerranéenne et euro africaine tenue à Marseille le 24 juin 2019, où j’ai présidé la délégation algérienne et ayant donné une conférence sur les enjeux géostratégiques en Méditerranée en présence de Mr le président Emmanuel MACRON, représentant l’Algérie en tant que président de la commission transition énergétique des 5+5 + Allemagne qui a réuni les ministres des affaires étrangères dont l’Algérie, le FMI, la Banque mondiale et les représentants de la commission européenne, il s’agit, en ce monde impitoyable où toute nation qui n’avance pas recule, de préparer ensemble l’avenir par le respect mutuel. Chacun défendant ses intérêts propres, tout en sauvegardant la stabilité de la région, nos deux pays doivent avoir une vision commune de leur devenir, nous imposant d’entreprendre ensemble et ce afin de contribuer ensemble à la stabilité régionale et au co-développement grâce au dialogue des cultures et la tolérance sources d’enrichissement mutuel, les peuples musulmans et juif ayant eu une longue histoire de cohabitation pacifique. Tout en évitant d’instrumentaliser l’histoire, n’ayant de leçons de patriotisme à recevoir de personne, étant issu d’une grande famille de révolutionnaires, feu mon père ayant été emprisonné entre 1958/1962 à El Harrach et Lambèse, et ayant contribué entre 1970 à 2022 modestement à travers les différentes fonctions que j’ai eu à exercer au redressement national, il s’agit aujourd’hui – comme je l’ai souligné il y a quelques années (2014) lors d’une conférence, au Sénat français, à l’invitation de mon ami Jean-Pierre Chevènement, ancien président de l’association Algérie-France et grand ami de l’Algérie – de dépassionner les relations afin de favoriser la stabilité des deux rives de la Méditerranée, et l’Afrique continent à enjeux multiples en ce XXIème siècle, l’Algérie étant un pays pivot au sein de cet espace, (Mebtoul American Herald Tribune USA 11 aout 2018) et de préparer ensemble notre avenir à l’horizon 2025/2030.

En conclusion, depuis des années, l’épanouissement de la relation «stratégique approfondie» entre l’Algérie et la France est systématiquement entravée, pour des «raisons» obscures, de puissants lobbies ne voulant pas d’une relation apaisée entre l’Algérie et la France. Les tensions géostratégiques au niveau de la région impose une coordination existant un lien dialectique entre développement et sécurité( voir nos deux interviews à la télévision internationale ALG24 New ‘s 04 et 20 aout 2022) et la revue Poilitis El Moudjahid du 24 aout 2022 qui a consacré ce numéro aux relations internationales, deux contributions du professeur Abderrahmane Mebtoul sur la nouvelle carte géostratégique mondiale 2022/2030). Comme je l’ai souligné avec force dans mon interview donnée le 28 décembre 2016 aux États-Unis, à l’American Herald Tribune toute déstabilisation de l’Algérie aurait des répercussions géostratégiques négatives sur l’ensemble de la région méditerranéenne et africaine. Espérons un climat apaisé entre l’Algérie et la France, où reconnaissance du fait colonial est nécessaire sans oublier la décontamination nécessaire à la suite des essais nucléaires français, où la responsabilité française est entière, comme cela a été souligné récemment par le chef d’état-major de l’ANP, devant entreprendre ensemble dans le cadre du respect mutuel. Pour ma part, j’ai toujours souligné que l’Algérie entend ne pas être considérée sous la vision d’un simple marché et qu’il faille favoriser un partenariat gagnant-gagnant, devant revisiter l’histoire et préparer ensemble l’avenir face aux nombreux défis géostratégiques, l’élément culturel étant important pour dépassionner les relations Et c’est dans ce cadre que doit rentrer la coopération entre l’Algérie et la France, loin de tout préjugé et esprit de domination.
Professeur des universités Expert
international Abderrahmane Mebtoul