Macron livre sa stratégie pour Alger

Gaz, Mémoire, relations géo-économiques, digitales et immigration clandestine

Arrivée jeudi dernier à Alger à la tête d’une forte délégation pour une visite d’Etat de trois jours, le Président français Emmanuel Macron a poursuivi hier vendredi son périple en se rendant au cimetière européen de Saint Eugène qui s’étend au pied de la Basilique Notre-Dame d’Afrique au sommet du quartier populaire de Bab El Oued à Alger.

Ici, le Président français s’est rendu au chevet des soldats français et étrangers morts durant les différentes guerres et enterrés dans ce cimetière de Saint-Eugène, où il a observé une minute de silence à leur mémoire et entendu l’hymne national français. Après une longue tournée dans les couloirs du cimetière, le Président français s’est longuement exprimé aux médias, où le Chef d’Etat français a parlé de la Mémoire de la Guerre d’Algérie et de l’époque coloniale, tout comme il s’est exprimé au sujet du gaz algérien en ces temps de crise mondiale, des moyens de renforcer et consolider la coopération dans divers domaines, principalement concernant le secteur des hydrocarbures, les terres rares, les matériaux, les technologies modernes.
Le Président français, Emmanuel Macron veut bâtir une stratégie géo-économique avec l’Algérie. D’emblée, le Président français s’est exprimé au sujet de la Mémoire de la Guerre d’Algérie et de l’époque coloniale de 132 ans de la France en Algérie, où il a considéré que le temps est venu pour se réconcilier. Tout en évitant de livrer des réponses claires au sensible sujet de la reconnaissance de la France de son époque colonialiste en Algérie et de ses horribles et inhumains crimes de guerre qu’elle a commis contre le peuple algérien durant 132 ans d’occupation, le Président français a choisi la voie de la délicatesse pour parvenir à convaincre les Algériens.
« C’est une histoire d’amour qui, à part de tragique, il faut pouvoir se fâcher pour se réconcilier. Et moi j’essaie depuis que je suis Président de la République et même avant, de regarder notre passé en face. Je le fais sans complaisance, et donc j’entends souvent sur la question mémorielle, la question franco-algérienne, nous sommes comme sommet de permanence de choisir et il faut dire choisissez la fierté et la repentance. Moi, je veux la vérité et la reconnaissance sinon on n’avancera jamais », a-t-il répondu avant d’ajouter « Moi, je ne suis pas un enfant de la guerre d’Algérie, ma famille non plus, mais je sais une chose, la France ne peut pas avancer sans vous, avancer sur ce sujet et l’Algérie non plus, parce que nos histoires sont liées, parce que la place que représente l’Algérie avec le nombre de binationaux, de français d’origine algérienne, d’Algériens vivant en France.
Des millions de Françaises et Français de binationaux sont concernés par cette histoire, si j’ajoute à ça, des harkis et leurs descendants, des rapatriés et leurs descendants sont encore plus de deux millions de Français et c’est pareil pour l’Algérie, nous avons été ici pendant plus d’un siècle. Et donc, cette histoire on doit la regarder en face avec courage, avec lucidité et avec vérité et c’est ce que j’ai fait depuis cinq ans et je le fais d’abord avant tout pour la France, parce que c’est la matrice du problème mémoriel que nous avons avec tant et tant de pays », dira le Président français, Emmanuel Macron.
Le Chef d’Etat français a révélé la création d’une Commission mixte algéro-française chargée de faire un travail minutieux sur la mémoire de la Guerre d’Algérie. « Ce que nous avons acté ensemble hier avec le Président Tebboune, c’est une avancée à mes yeux qui est historique aussi parce que pour la première fois ensemble, on a dit que nous allons mandater une commission mixte d’historiens, cinq à six historiens de chaque côté. On va leur ouvrir la totalité des archives qui étaient jusqu’à présent fermés, le Président Tebboune m’a dit j’ouvre les miennes. Et de la période 1830 jusqu’à la fin de la guerre de pouvoir donner à cette commission la possibilité de pouvoir travailler surtout. Les premiers temps de la colonisation avec leur dureté et leur brutalité avec ces évènements si importants pour la nation algérienne sur lesquels il faut revenir. Et donc, on va laisser les historiens travailler et on va leur demander de nous donner les travaux d’ici un an et ensuite nous jalonnerons ce travail avec des gestes communs. Ça je crois que c’est une avancée considérable pour ce travail de vérité et de reconnaissance qui est un des seuls qu’on peut construire à l’avenir sinon on pagaille en permanence », c’est ce qu’a révélé hier le Président français dans sa déclaration aux médias à Alger.

L’immigration clandestine, les grandes attentes françaises d’Alger
Abordant le sujet de l’immigration clandestine et les visas, le Président français parait très inquiet face à la croissance dramatique de ce phénomène qui cible particulièrement le vieux continent, et qui par conséquent à engendrer une diminution sur les livraisons des visas pour les ressortissants maghrébins y compris algériens. A Alger, Emmanuel Macron espère trouver une coopération efficace et cruciale de la part de l’Algérie compte tenue de sa dimension et de ses capacités avérées qui peuvent grandement abaisser le phénomène de l’immigration clandestine vers l’Europe, tout comme il est à Alger pour expliquer la politique française de l’immigration choisie.
« C’est un sujet sensible et j’en ai déjà parlé longuement avec le Président algérien, et on a demandé à nos ministres de travailler davantage. Si on ne veille pas avec beaucoup, à la fois de précaution, d’exigence et de délicatesse commune, on peut conduire à des malentendus », a expliqué le Président français dans ses propos livrés hier aux médias à Alger.
« Je crois que nous partageons la même volonté, d’abord celle véritablement d’avoir une politique commune pour lutter contre l’immigration clandestine. Je le dis parce que de l’autre rive, il faut comprendre les contraintes, c’est trop compliqué d’expliquer aux Françaises et Français pourquoi on a diminué les livraisons des visas, et en même temps il y a plus de l’immigration clandestine. Et dans le même temps, il y a des tas de famille qui vivent des destins partagés et qui sont les victimes en quelque sorte de politique qu’on doit prendre à ce moment-là. Donc, ce que nous avons décidé de travailler ensemble et avec aussi une certaine confiance collective. On va être très rigoureux pour ensemble lutter contre l’immigration clandestine et les réseaux. Pour prévenir et accompagner plus efficacement et nous souhaitons avoir une approche beaucoup plus souple sur l’immigration choisie, c’est-à-dire les familles de binationaux, si des artistes, entrepreneurs, sportifs, politiques qui nourrissent les relations bilatérales. Dans ce cadre-là, nous souhaitons améliorer les délais et en effet, si nous simplifions un peu nos procédures, nous aurons une visibilité plus rapide et d’éviter d’engager trop de frais qu’on doit enduite rembourser. C’est un sujet sur lequel nous avons longtemps longuement parlé hier jusqu’au milieu de la nuit avec le Président et sur lequel nous avons mandaté nos ministres et donc qui va avancer pour les prochaines semaines et mois », a souligné le Président français avant d’ajouter : « On souhaite le faire dans un esprit très partenarial avec beaucoup de délicatesse, nous souhaitons améliorer la coopération pour lutter contre l’immigration clandestine, pour mieux lutter contre celles et ceux qui troublent l’ordre public et qui sont perçus comme dangereux et je crois que c’est notre volonté commune. Mais surtout on va clarifier notre approche commune de l’immigration clandestine pour être beaucoup plus coopératif et efficace dans la lutte contre les trafics et les personnes dangereuses et pour être beaucoup proactif pour les binationaux », c’est ce qu’a déclaré le Président français.

Les remerciements de Macron au gaz algérien
Parlant du gaz, le Président français a indiqué que son pays, la France, est moins impacté par l’opération militaire russe en Ukraine et par l’alimentation du gaz par rapport à beaucoup d’autres pays européens qui sont les moins chanceux et qui dépendent, presqu’entièrement, du gaz russe. Toutefois, Emmanuel Macron a déclaré la grande importance que joue le gaz algérien pour alimenter l’Europe. L’Algérie est considérée par le Président français tout comme toute l’Europe comme un pays clé pour de nombreux problèmes, notamment l’alimentation en gaz naturel, liquéfié, la lutte contre l’immigration clandestine, le terrorisme aussi, et surtout un partenaire de haute gamme dans d’autres domaines stratégiques. « La France dépend peu du gaz dans son mixte énergétique à hauteur de près 20% et dans cet ensemble l’Algérie représente 8 à 9%, nous ne sommes pas dans la situation de beaucoup d’autres pays où le gaz algérien à quelque chose qui peut changer la donne. La coopération franco-algérienne n’est pas de nature à changer la donne et à nous permettre de diversifier davantage compte tenue de la structure même de notre relation sur ce sujet. Par contre, je pense que c’est une très bonne chose qui est une coopération accrue et plus de volume à travers le Gazoduc italien. Parce que j’essaie de clarifier les choses, nous on ne va pas avoir de problème parce que nous dépend un peu de gaz, nous avons un seul grand Gazoduc avec le Norvège, on a accru les volumes qui passent par ce Gazoduc, on a diversifié les choses et on est en train d’avoir un nouveau terminal, on a sécurisé nos volumes et on est à plus de 80% de nos stocks. Donc, pour les Franco-Français les choses vont bien se passer pour cet hiver, le sujet est européen et la solidarité européenne. Et donc, à ce moment-là cette solidarité européenne elle est nécessaire, il y a des pays qui sont beaucoup plus dépendant du gaz et en particulier du russe et c’est là qu’il faut faire un effort collectif, et c’est dans ce cas-là qu’il y a un projet de sobriété. Dans ce cadre, nous ne sommes pas en compétition avec l’Italie et j’en remercie l’Algérie. L’Algérie dit j’augmente les volumes qui passent par le Gazoduc entre l’Algérie et l’Italie parce qu’il n’est pas à plein, il y a une marge d’augmentation qu’on peut l’augmenter à 50% comparant aux capacités d’aujourd’hui.
Ça c’est une très bonne chose, c’est bon pour l’Italie, donc c’est bon pour l’Europe, donc c’est bon pour nous, parce que ça va permettre d’améliorer la diversification de l’Europe, et donc, se faisant, de nous protéger de tout les alliages politiques », dira Emmanuel Macron au sujet du gaz algérien. En revanche, le Président français veut élargir le partenariat entre les deux géants du domaine des hydrocarbures, Total Energie côté français et Sonatrach côté algérien, peut-être que la France veut détrôner l’Italie dans ce domaine, où la présence de l’ENI italien est de plus en plus élargie en Algérie.
« Nous ce qu’on veut engager avec l’Algérie, c’est d’avoir consolidé un partenariat qui existe entre nos grands industriels. Total Energie et Sonatrach ont un partenariat, je souhaite qu’on continue de le développer que ce soit un partenariat industriel et de recherche. Des partenariats économiques sur les matériaux et terres rares, qui, vraiment est un immense levier géopolitique entre l’Algérie et la France. Puis sur le plan économique, on va aussi diversifier sur les sujets d’innovation, pour moi le grand pacte que je veux ouvrir pour la jeunesse, des sujets d’innovations et de digitales sont clés, c’est pour ça que j’ai lancé ce fonds lors du Sommet des deux Rives qui va permettre à nos entrepreneurs et diasporas à porter des projets en Algérie, former la jeunesse et faire un grand incubateur du numérique pour permettre de développer des projets », dira le Président français lors de sa visite hier au cimetière européen de Saint-Eugène à Alger. Sofiane Abi