La nécessaire cohésion sociale face au processus inflationniste qui menace la sécurité nationale

Economie mondiale

La rentrée sociale pour bon nombre de ménages algériens sera difficile face au processus inflationniste qui menace la cohésion sociale. Analyser ce processus complexe implique, selon une vision dynamique, à la fois de le relier aux équilibres macroéconomiques et macro sociaux inséparables des mutations internes et mondiales, au niveau de production et à la répartition du revenu entre les différentes couches sociales.C’est un taux faible largement inférieur à la pression démographique — plus de 45 millions d’habitants au 1er janvier 2022– où il faut pour réduire les tensions sociales, devant créer 350.000 à 400.000 emplois productifs par an qui s’ajoutent au taux de chômage actuel d’environ 14/15%. Si par hypothèse, uniquement pour la partie devises, on avait amélioré la gestion pour 10% sans compter la dépense pour la partie dinars où existent des surfacturations, du fait de la non-maîtrise des circuits et des marchés internationaux (fluctuations boursières notamment) et si on avait réduit de 10% les surfacturations, l’Algérie aurait économisé environ 210 milliards de dollars en 2020/2021, plus de quatre fois les réserves de changes actuelles. Cette mauvaise gestion et la corruption contribuent à amplifier le processus inflationniste.

3.-Seule une croissance élevée peut peut améliorer le pouvoir d’achat
Cependant à court terme, contrairement aux supputations de certains qui versent toujours dans l’alarmisme, sans analyses, ni propositions réalistes, il n’y aura pas d’implosion sociale durant cette rentrée sociale 2022. Mais attention, en cas du maintien de l’actuelle politique socio-économique, les tensions sont inévitables à horizon 2022/2025. Il suffit d’aller sur le terrain loin des bureaux climatisés de nos bureaucrates, pour constater qu’il existe un sentiment d’injustice sociale et de révolte latente surtout d’une jeunesse désespérée de son avenir.
Premièrement, l’Algérie n’est pas dans la situation de 1986, où les réserves de change étaient presque inexistantes Deuxièmement, vu la crise du logement, le regroupement de la cellule familiale concerne une grande fraction de la population et les charges sont payées grâce au revenu familial global. Mais il faut faire attention : résoudre la crise du logement sans relancer la machine économique prépare à terme l’explosion sociale. Troisièmement, l’importance de la sphère informelle qui joue le rôle de sous pape social employant plus de 40% de la population active notamment dans le commerce, les services, certains segments de l’industrie, et l’agriculture. D’ailleurs nous assistons au phénomène égyptien ou bon nombre de fonctionnaires en retraite ou après les heures de travail s’adonnent à d’autres emplois notamment chauffeur de taxi dénotant la détérioration de leur pouvoir d’achat. Quatrièmement, l’Etat, a généralisé les subventions où en 2021, le total des subventions directes et indirectes a atteint environ 5.131 milliards de DA, soit l’équivalent de 23% du PIB, les subventions généralisées s’élevant à 62% du total de ces subventions, soit près de 3.181 milliards DA (14% du PIB), processus reconduit dans la loi de finances 2022, les subventions aux produits de base représentant pour 2022 un total de 17 milliards de dollars.. Cela concerne les carburants, l’électricité, l’eau , les aides au logement, à l’emploi et les principaux produits de première nécessité. En revanche, à terme il s’agira de cibler les subventions qui généralisées sont insoutenables pour le budget, ces subventions ayant permis aux ménages algériens de réaliser une épargne. Cependant, il suffit de visiter les endroits officiels de vente de bijoux pour voir qu’il y a « déthésaurisation » et que cette épargne est, malheureusement, en train d’être dépensée, des ménages sur le fil du rasoir pouvant tenir encore au maximum deux ans. A la fin de cette période tout peut arriver. Il existe deux scénarios pour l’Algérie. Le premier scénario serait le statu quo, vivant de l’illusion de la rente éternelle des discours d’autosatisfaction, source de névrose collective, déconnectés des réalités tant locales que mondiales. Ce scénario préparera inévitablement à l’implosion sociale et une déstabilisation de l’Algérie ce qu’aucun patriote ne souhaite.
Le second scénario se base sur les conditions favorables de développement de l’Algérie où l’on aura préparé l’après-hydrocarbures par une nouvelle gouvernance fondée sur un langage de vérité. Dans ce scénario optimiste, réalisable, la politique socio-économique sera fondée sur les segments du savoir en évitant l’instabilité juridique et monétaire, le manque de cohérence et de visibilité. Car, nous pouvons investir autant de milliards de dollars dans les infrastructures ou dans les Mines, sans connaître de développement véritable, voire régresser, car s’annonce la quatrième révolution économique dont le couple investissement dans l’immatériel (renvoyant à l’économie de la connaissance) et la protection de l’environnement, avec la transition énergétique et numérique qui enfantera un nouveau pouvoir mondial horizon 2030. Le scénario favorable permettra de mettre fin au gaspillage de la rente des hydrocarbures, de ces dépenses monétaires sans se préoccuper des impacts pour une paix sociale fictive, aura préparé un nouveau modèle de consommation énergétique reposant sur un Mix dont les énergies renouvelables, réhabilité l’entreprise publique et privée, loin de tout monopole, seule source de création de richesses permanente. Et l’on aurait misé sur l’investissement immatériel qui manque aujourd’hui cruellement à l’Algérie privilégiant la qualité et non la quantité, évitant des universités à fabriquer des chômeurs, non imputable uniquement à l’enseignement supérieur qui hérite du fonctionnement de l’école du primaire en passant par le secondaire et la formation professionnelle. La corruption, source d’une démobilisation générale, serait alors combattue par de véritables contrepoids démocratiques et non pas seulement par des organes techniques. Le développement reposera alors sur les piliers du développement du XXIe siècle, tels que la revalorisation du savoir, de l’Etat de droit et une nouvelle gouvernance par la réhabilitation du management stratégique de l’entreprise et des institutions, et par une libéralisation maîtrisée grâce au rôle central de l’Etat régulateur. Le dialogue productif par une réelle décentralisation impliquant la société, aurait remplacé les décisions autoritaires

En résumé, reconnaissons qu’avec la rentrée sociale 2022, la marge du gouvernement est étroite, se trouvant face à un dilemme complexe : soit augmenter les salaires via la planche à billets ( financement non conventionnel) la théorie néo keynésienne de relance de la demande globale à travers l’émission monétaire, résolvant un problème à court terme mais amplifiant la crise à moyen terme, étant inappropriée pour l’Algérie qui souffre de rigidités structurelles (léthargie de l’appareil de production) et se trouve en face d’une spirale inflationniste incontrôlable comme au Venezuela Ne pas augmenter les salaires, face à un processus inflationniste élevé et la détérioration du pouvoir d’achat , le risque est l’intensification des revendications sociales. La population face aux nombreux scandales financiers exige un sacrifice partagé, que l’Etat et les hommes chargés de gérer la Cité donnent l’exemple, pour la nécessaire cohésion sociale. Car la structure des sociétés modernes s’est bâtie d’abord sur des valeurs et une morale qui a permis la création de richesses permanentes, comme nous l’ont enseigné les grands penseurs dont le grand sociologue Ibn Khaldoun qui, dans son cycle des civilisations, montre clairement que lorsque l’immoralité atteint les dirigeants qui gouvernent la Cité c’est la décadence de toute société. Ce qui renvoie à l’Etat de droit et à une démocratie dynamique. Il s’agit de revoir l’actuelle politique socio-économique et de rétablir la confiance sans laquelle aucun développement n’est possible.. C’est alors seulement que les algériens vivront leurs différences, accepteront le dialogue productif et auront l’envie de construire ensemble leur pays et d’y vivre dignement.
En bref, du fait des tensions budgétaires, de l’accroissement du taux de chômage et du retour de l’inflation avec la détérioration du pouvoir d’achat, s’impose la nécessaire cohésion sociale , la lutte contre le terrorisme bureaucratique, la corruption qui étouffe les énergies créatrices, mettre fin à l’instabilité juridique et monétaire, la vision purement monétariste afin de préserver les réserves de changes, sans vision stratégique, amplifiant la crise. Face aux tensions géostratégiques dans la région méditerranéenne et sahélienne et budgétaires au niveau interne, l’Algérie, ayant d’importantes potentialités, peut surmonter la crise actuelle.
(Suite et fin)
Professeur des universités Expert
international Abderrahmane Mebtoul