…Ou la philosophie des enfants

Les contes…

Les contes sont destinés pour la plupart, aux enfants qui ont besoin de se dégourdir, de comprendre le monde qui les entoure, de se préparer à la vie d’adulte. Dans les pays culturellement et matériellement avancés, les enfants ont toujours bénéficié d’une prise en charge par les parents, les adultes chargés de leur éducation pour mieux les préparer aux défis d’un avenir incertain.
Les auteurs de contes pour enfants font partie de ces adultes responsables conscients des enjeux d’une lecture de récits merveilleux qui, au lieu d’endormir ou de bercer les petits dans un monde irréel, inculquent des principes de conduite pour assurer un meilleur passage de l’enfance à l’âge adulte.

De l’imagination au stade du raisonnement
Il y a un long apprentissage à faire sous l’oeil vigilant des adultes responsables, parents, maîtres éducateurs. La lecture du conte est l’une des stratégies qui y contribue par les multiples profits que les enfants peuvent en tirer : développement de compréhension et de sensibilisation, moralisation, évaluation et autoévaluation et vivacité de l’esprit qui laissent supposer d’autres qualités comme la patience, la concentration. Les enfants apprennent ainsi à se forger une personnalité et sont mis sur la voie de l’entendement.
Il y a des milliers de contes pour enfants, anonymes, d’auteurs populaires, parmi lesquels il faut faire un choix judicieux. On proposerait par exemple : «Le petit prince et le renard», de Saint Exupéry, parce qu’il est du vingtième siècle et qu’il se situe dans la perspective de la conquête spatiale. Il s’agit d’un petit prince venu d’une autre planète et qui rencontre fortuitement un renard du désert appelé fennec. Les deux personnages fictifs dialoguent. Le petit prince demande au renard de devenir son ami. Hélas ! lui dit l’autre, tu es le petit de l’homme qui me chasse et tous les hommes me chassent, tout se passe dans le désert où règne le vide. Après avoir longtemps erré, le petit prince extra-terrestre rencontre enfin un habitant des lieux et c’est un beau petit renard aux longues oreilles qui refuse de devenir son ami. C’est un long conte à forme dialoguée en grande partie mais qui donne à imaginer la suite, probablement une suite heureuse pour l’enfant princier qui cherche à rompre la solitude.
Au- delà de l’imaginaire qui l’a nourri jusque-là et qui se concrétise par la découverte merveilleuse entre terre et sol fait de sable doré à perte de vue, avec ça et là une plante esseulée et poussant miraculeusement. Tout à coup, en cheminant sur des espaces sablonneux, il est décontenancé par sa rencontre nez à nez avec un jeune renard qui prend peur parce que le petit prince appartient au monde des hommes, ennemis des animaux de la jungle. Cet enfant découvre une situation singulière ! Un espace désertique au milieu duquel il découvre un être errant dont il veut faire un ami. Mais l’amitié n’est pas possible et il comprend pourquoi. Il comprend aussi que les relations sont fondées sur des sentiments : l’amitié, l’amour, la tolérance et que rien n’est possible dans la haine, la peur, la méchanceté. Si nous avons choisi ce conte, c’est parce qu’il est idéologiquement neutre et qu’il est à caractère universel comme le théâtre de Molière et les Fables de La Fontaine dont le but est l’éducation ou l’éveil des consciences.

Faire découvrir le monde et faire des voyages initiatiques
Tels sont les objectifs de la philosophie des contes destinés aux enfants. La particularité du conte est d’être un genre narratif à la portée des petits enfants amoureux de fantastique qui au-delà des situations merveilleuses qui les tiennent en haleine, donnent l’occasion de découvrir les conditions qui déterminent les relations comme la sincérité, la bonté, la volonté, l’esprit de camaraderie. «Le petit chaperon rouge» est un autre conte, mais populaire que nous avons choisi parce qu’il existe chez nous, dans la littérature orale ou dans la mémoire des grands-mères des variantes du même sujet surtout dans les régions à longues traditions populaires comme l’Ouest algérien, la région de Tiaret, la Kabylie, le Constantinois. «Vava inouva» chanté est devenu une oeuvre artistique même si le contenu s’adresse aux petits enfants. Nous sommes dans le domaine populaire donc dans un genre narratif avec des moments distinctifs et 7 personnages, pas comme l’agresseur, l’objet magique et des actions spécifiques se suivant dans un ordre logique dans tous les pays du monde. Il y a d’abord l’interdiction : une mère envoie sa fillette chez sa grand-mère, elle cueille des fleurs en chemin, c’est donc la transgression. En flânant, elle rencontre un loup, troisième action ou fonction : c’est l’agression puisque le loup court chez la grand-mère de la petite, l’adresse et le mot de passe lui avaient été communiqués par la fillette qui finit aussi par se faire dévorer. Et après un long cheminement, le conte se termine merveilleusement par l’ultime fonction : la réparation.
Que dire de plus à propos de la philosophie du conte ?
C’est une stratégie d’apprentissage saine et efficace qui fait faire un apprentissage de la vie et beaucoup mieux que ne le font les dessins animés présentés chaque jour à la télévision et qui sont d’origine douteuse avec des objectifs que l’on peut facilement deviner lorsqu’on voit le comportement de nos enfants d’aujourd’hui.
Abed Boumediene