Migration clandestine, la côte d’alerte !

Dix réseaux démantelés et mille harragas arrêtés en deux mois

Chaque semaine, des tentatives d’émigration clandestine planifiées par des organisateurs de voyage par mer sont mises en échec par les services de sécurité. Les chiffres révélés par le ministère de la Défense nationale donnent le vertige. Durant le mois d’août seulement, les forces de l’ANP ont arrêté 550 candidats à l’émigration clandestine, tandis que d’autres, en centaines, ont été interceptés par les gendarmes et policiers.

Le mois de septembre est considéré comme étant l’une des périodes les plus propices et favorables à la fois de la saison pour mettre le cap vers l’Europe, où le nombre des candidats à la migration clandestine partant ou passant par les côtes algériennes est le plus considérable pendant toute l’année.
La migration clandestine risque, pour ce mois de septembre en cours, d’être dramatique sur la mer en raison de la situation géopolitique mondiale qui n’a fait qu’aggraver le phénomène de l’immigration clandestine partout dans le monde y compris au pays.
L’Algérie n’est pas épargnée par les vagues humaines qui vont s’abattre sur son espace maritime. Consciente du grand danger que représente le phénomène de l’immigration clandestine, des opérations préventives et prévoyantes à la fois, ont été menées pour empêcher le grand débordement du phénomène. Sur le terrain et durant les deux mois passés (juillet et août 2022), les services de sécurité ont déjà démantelé plus de dix réseaux spécialisés dans l’émigration clandestine et arrêté plus d’une cinquantaine d’organisateurs des voyages clandestins par mer. C’est le cas dans les wilayas de Boumerdès, Tipasa, Alger, Ain Témouchent, Mostaganem, Annaba et Oran, où plusieurs réseaux et de nombreux organisateurs ont été neutralisés.
Il y a moins d’une semaine de cela, les services de la Sûreté de la circonscription administrative de Bab El-Oued (Alger) ont déjoué une tentative d’émigration clandestine et arrêté six individus, dont les principaux organisateurs de la traversée, avaient indiqué les mêmes services.
«Les services de la Sûreté de wilaya d’Alger, représentés par la brigade mobile de la police judiciaire (BMPJ) d’El Hamamat (Sûreté de la circonscription administrative de Bab El-Oued) ont procédé à l’arrestation de six individus suspects qui étaient sur le point de préparer une opération de trafic de migrants, dont les principaux instigateurs de cette tentative», avait précisé la même source. Menée sous la supervision permanente du Parquet territorialement compétent, l’opération s’est soldée par la saisie d’un bateau de plaisance (4.8 mètres), un moteur (40 chevaux), 12 bidons d’essence de 30 litres, sept gilets de sauvetage, un GPS, des jumelles de vision nocturne, un montant de 158 euros et un véhicule.

33.000 harragas interceptés
en quatre ans
Entre 2018 et 2019, le phénomène de l’émigration clandestine vers l’Europe a connu une hausse de 42% et le nombre des candidats à la migration clandestine a dépassé les 15.000 harragas algériens, respectivement 6.499 et 9.219 émigrants clandestins arrêtés. Puis, viendrons les années 2020 et 2021, où 18.000 autres candidats ont été, à leurs tours, interceptés alors qu’ils tentaient de quitter les côtes algériennes vers l’Europe. Au total, plus de 33.000 candidats à l’émigration clandestine ont été interceptés en quatre ans. Des statistiques qui donnent froid dans le dos. L’année 2021 est sans aucun doute la période la plus intense en matière de l’immigration clandestine. Si en 2020, le nombre des jeunes harragas arrêtés avait dépassé les 8.100 cas, l’année suivante, ils étaient près de 10.000 harragas (chiffre révélé par le haut Commissariat aux Réfugiés).
Le 5 août 2021, sept embarcations bourrées de harragas algériens ont été
interceptées par la Guardia civile espagnole aux Îles Baléares, au Sud de l’Espagne. A bord de ces embarcations, les harragas issus de nombreuses wilayas du pays en majorité des hommes se trouvaient au nombre de 121 migrants clandestins parmi lesquels se trouvait une seule femme. Du 1er au 7 septembre 2021, 121 harragas ont été interceptés par les Gardes-côtes relevant des forces de l’Armée nationale populaire (ANP) suite aux multiples opérations sur les côtes algériennes.

Les voyages clandestins par bateaux depuis Boudouaou vers l’Europe
En août dernier, un réseau criminel international spécialisé dans l’organisation des voyages clandestins et le transport des harragas à partir des côtes de Boudouaou a été démantelé grâce au travail d’investigation menée par les éléments de la Brigade de recherche de Boudouaou relevant du Groupement de la Gendarmerie nationale de Boumerdès.
Lors de cette opération de qualité, douze organisateurs, parmi-eux une femme, ont été arrêtés, tandis qu’un bateau équipé d’un puissant moteur a été saisi ainsi que des sommes d’argent en monnaie nationale et étrangère provenant de l’activité criminelle. L’opération à laquelle ont participé des gendarmes relevant de la Section de sécurité et d’intervention (SSI) a permis aussi la neutralisation de l’un des principaux réseaux en activité dans la région de Boumerdès.
Après avoir activé l’élément de renseignement, des gendarmes-enquêteurs relevant de la Brigade de Boudouaou ont été informés sur l’organisation secrète d’un voyage clandestin à travers la mer et depuis l’une des plages de la commune côtière de Boudouaou.
Très vite, une patrouille pédestre composée de gendarmes de la Brigade de recherches et ceux de la Section de sécurité et d’intervention (SSI) a été formée et déployée pour couvrir les zones suspectes, ce qui a entraîné l’arrestation de douze membres appartenant au dit réseau criminel.
Parmi eux, cinq sont originaires des wilayas d’Alger et Boumerdès. Aussi, l’opération des gendarmes de Boudouaou s’est également soldée par la saisie d’un bateau de pêche de plus de 6 mètres de longueur, équipé d’un puissant moteur de marque Yamaha 60 chevaux, tandis qu’une somme d’argent en monnaie nationale estimée à plus de 126 millions de centimes, et une somme d’argent en devises de 1.280 euros, ont été également saisis.
Il a été également saisi, poursuit la même source, sept seaux d’essence contenant 285 litres, deux véhicules et une moto qui servait au transport, à l’organisation et à la gestion des voyages clandestins, ainsi que 15 téléphones portables et enfin trois valises, lors de cette opération de qualité.

Des organisateurs «riches»
tombent à Oran
En novembre 2020, un réseau spécialisé dans l’immigration clandestine, pas comme les autres, avait été démantelé par les gendarmes de la Brigade territoriale de Constal relevant de la Gendarmerie nationale d’Oran. Le réseau criminel est composé de dix organisateurs «riches», ils ont été interceptés en possession d’un grand lot de matériels notamment un bateau, deux véhicules, une moto et d’une somme d’argent considérable estimée à 300 millions de centimes et 215 euros, provenant de leurs activités criminelles, lors d’une opération d’intervention effectuée par les gendarmes de la Brigade de Constal qui remonte au novembre 2020.
L’enquête approfondie des gendarmes avait démontré qu’il s’agit d‘un réseau criminel dirigé par des personnes riches, voire des organisateurs de l’immigration clandestine par mer ayant une grande réputation dans le milieu des réseaux de harragas.
Au cours de cette opération, un bateau pneumatique équipé d’un moteur, d’une capacité de 40 chevaux, avait été saisi ainsi que deux voitures, un véhicule utilitaire et l’autre touriste et une moto, une somme d’argent estimée à plus de 300 millions de centimes en monnaie nationale, également 215 euros en monnaies étrangères, en plus de la récupération de neuf téléphones portables de haute gamme, huit bidons d’essence de 30 litres chacun et un GPS, faut-il le rappeler.

Des criminels localisés
parmi les harragas
Les enquêtes menées par les services de sécurité sur la triste et ignoble exécution du jeune martyr Djamel Bensmail par des criminels et membres de l’organisation terroriste du Mouvement pour l’Autonomie de la Kabylie, ‘’MAK’’, en août 2021, ont démontré le lien qui existe entre cette organisation terroriste et la migration clandestine, d’où plusieurs fuites de ses membres criminels ont été programmées. Toutefois, la vigilance et les investigations des services de sécurité ont permis d’intercepter 24 membres terroristes. Rappelons-le, au lendemain de l’ignoble lynchage du martyr Djamel Bensmail qui remonte en août 2021, des appels ont été lancés par les internautes sur les réseaux sociaux, appelant les organisateurs de la migration clandestine à éviter d’accepter les criminels et auteurs de l’assassinat dans les embarcations en direction de l’Europe. Les auteurs du lynchage tentaient de quitter l’Algérie pour échapper à la justice.
Les forces de sécurité ont organisé les descentes aux plages pour empêcher les participants au lynchage de quitter le pays et ce, à travers des opérations et souricières soigneusement préparées avant. L’opération a porté ses fruits puisque de nombreux membres du ‘’MAK’’ ont été interceptés par les forces de sécurité parmi les harragas, en septembre 2021 deux membres du ‘’MAK’’ ont été arrêtés sur les côtes d’Annaba alors qu’ils projetteraient de quitter le territoire national vers l’Italie. Les membres du ‘’MAK’’ arrêtés sont accusés de participation au lynchage et de la provocation des incendies qui ont ravagé de nombreuses régions du pays, dont Tizi Ouzou.
Nombre des auteurs présumés du lynchage du martyr Djamel Bensmail ont donc été arrêtés tandis qu’ils tentaient d’embarquer en direction de l’Espagne. Ils ont été dénoncés par des citoyens. Près d’une dizaine des auteurs présumés du lynchage ont été arrêtés par la Gendarmerie nationale et la brigade de recherches et d’intervention, BRI, de la Direction Générale de la Sureté Nationale, DGSN. Les enquêtes menées par les services de sécurité avaient permis l’arrestation d’autres auteurs présumés du lynchage membres du ‘’MAK’’ et accusés des incendies.
Certains de ces membres du ‘’MAK’’ qui tentaient de quitter le pays avec les harragas se dirigeaient en direction de l’Italie, la France, la Turquie et du Maroc. Les enquêtes menées par les services de sécurité avaient démontré que les membres du ‘’MAK’’ avaient été instruits par la direction de cette organisation terroriste pour quitter le pays dans les meilleurs délais.
Les dirigeants de l’organisation terroriste craignaient que les témoignages des accusés prouvent l’implication du ‘’MAK’’ dans le lynchage de Djamel Bensmail et la provocation des incendies. En tout, environ 24 membres présumés du ‘’MAK’’ qui tentaient de quitter le pays, dont quelques dirigeants de cette organisation terroriste, avaient été arrêtés parmi les harragas.
En été passé, les organisateurs de la migration clandestine optaient pour les plages non surveillées pour organiser les départs. Il y a quelques années, les autorités ont mobilisé la Garde communale pour la surveillance de ces endroits, mais nombre de plages restent encore non surveillées, et le ‘’MAK’’ opte dorénavant pour organiser la fuite de ses membres parmi les harragas.
Sofiane Abi