Une pratique «multimillénaire»

Arts plastiques en Algérie

Avec une dynamique de création des plus prolifiques, une évolution perpétuelle marquée par l’émergence de mouvements artistiques novateurs accrochant la création mondiale et cherchant la touche typiquement algérienne, le paysage des arts plastiques en Algérie aura connu en soixante ans d’innombrables talents qui ont introduit des éléments de l’identité et de la culture algérienne dans l’art universel.

Les Beaux-arts en Algérie sont une pratique «multimillénaire» qui remonte à l’art rupestre du Tassili N’Ajjer et aux figurines en terre cuite paléolithique supérieur découvertes à Mechta Afalou, près de Béjaïa, et qui a longtemps évolué avec l’apport de différentes civilisations pour donner un art algérien «correspondant à la culture du pays», estime le critique d’art Ali El Hadj Tahar.
Dans un entretien à l’APS, Ali El Hadj Tahar, également écrivain, journaliste et peintre, renvoie la genèse des arts plastiques en Algérie à l’art rupestre du Tassili N’Ajjer, et ses milliers de parois peintes ou gravées réparties sur une superficie de plus de sept millions hectares classés au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 1982.
Ce plus grand musée à ciel ouvert du monde, renseigne sur les premières «perceptions géométriques de la forme», essentiel à la compréhension de l’évolution de la peinture et des beaux-arts d’une manière générale en Algérie, qui sera appuyé par des figurines en terre cuite, découvertes à Mechta Afalou, près de Béjaïa, et qui remontent au même horizon chronologique que l’art européen et la figurine en calcaire du paléolithique supérieur de la Vénus de Willendorf (Autriche).
L’art algérien s’est également beaucoup enrichi de l’apport berbère durant la période romaine, notamment à travers la poterie et les mosaïques plus colorées et plus chatoyantes que celles d’Italie avant d’introduire de toutes nouvelles formes d’expression artistique et de nouveaux supports avec les arts islamiques.
La pratique artistique locale a vu, à cette époque, l’introduction de l’art du livre, la miniature et l’enluminure mais aussi tous les arts liés à l’architecture et à la décoration, que l’artisanat populaire s’était approprié en y intégrant les signes et les motifs qu’on retrouve dans le tapis ou dans le tatouage jusqu’à ce jour.
Durant la colonisation, une quarantaine de peintres orientalistes ont travaillé en Algérie dont les trois géants, Eugène Fromentin, Théodore Chassériau et Eugène Delacroix, indique Ali El Hadj Tahar, estimant que cette période a vu l’introduction de l’usage de la perspective et la peinture de chevalet, qu’il juge récente en Algérie.
Considérant que la création artistique algérienne est «l’une des plus vivantes d’Afrique et du Monde arabe», l’auteur de nombreux livres sur la peinture algérienne relève que les tendances et les styles se sont développés à l’infini depuis le début du 20e siècle, portés par les fondateurs comme Azwaw Mammeri, Bachir Yelles, Choukri Mesli, Ali Ali-Khodja, Mhammed Issiakhem, Baya Mahieddine, Mohammed Khadda ou encore Omar Racim.

Un paysage créatif foisonnant
Aujourd’hui le paysage des arts visuels en Algérie compte de nombreux styles explorant autant de thématiques, Ali El Hadj Tahar évoque un expressionnisme particulier de jeunes artistes comme Yasser Ameur et Yacine Aïdoud, les abstraits depuis Salah Malek à Djamel Larouk, des peintures du signe, expression même de l’identité chez Karim Sergoua, Smail Metmati, Ali Silem, ou encore Hamza Bounoua.
De son côté, le plasticien et enseignant à l’Ecole des Beaux-arts, Karim Sergoua, estime qu’en 60 ans, l’Algérie a vu l’émergence d’une élite artistique sur plusieurs générations qui se sont inspirés de l’héritage des fondateurs tout en s’inscrivant dans les différents courants plastiques modernes et contemporains. L’artiste est également revenu sur le manifeste du mouvement artistique «Aouchem», fondé en 1967, réfutant les modèles artistiques préétablis, qui ont gelé et bridé l’art algérien, et dont les membres se sont orientés vers des créations «enraciné dans la culture et les éléments visuels algériens».
Ce mouvement artistique est perçu par le plasticien Abderrahmane Aïdoud, comme une recherche de l’esthétique locale et un retour au legs culturel algérien qui a permis un grand débat entre artistes et l’émergence d’une particularité algérienne dans les arts plastiques.
D’autres mouvements artistiques algériens suivront dont «Houdhour» (présence) et «Sebaghine» (les peintres), un cumul qui a donné, selon Abderrahmane Aïdoud, une génération d’artistes et d’étudiants «actifs sur de nombreux domaines artistiques et capables de belles initiatives».
R.C.