Les cicatrices d’une capitale figée dans le temps

Tiaret

Ceux qui ont connu, visité et aimé la capitale des Rostomides, Emir Aek, Ladjdar, le penseur Ibn Khaldoun et ses enfants, avec ses paradis, ses civilisations et ses richesses, après l’indépendance, diront de vive voix, combien cette ville était fascinante, du plat traditionnel, son élevage de mouton et de cheval sur son vaste sol. Ainsi, des paysages magnifiques des différents coins, ses sources et son vrai paradis au milieu de ses cent marabouts, les saints patrons de la région. Aujourd’hui, leur coupole semble triste à fendre l’âme, seuls les corbeaux fidèles à leurs habitudes juchés sur des fils électriques continuent à croasser.
Une malédiction frappe Tiaret, peut-être celle de Sidi Khaled, le saint patron de la cité que l’on a oubliée et piétinée a bien des égards. Dans un passé a connu un rythme accéléré et un coup de starter bien donné par certains républicains des deux décennies. Mais aujourd’hui, le temps revient par un recul que chacun ignore. Pour revenir à son développement, on cite l’aéroport Boussouf a une vingtaine de kilomètres est livré à lui-même avec une piste de 4.200 mètres et huit bretelles et ses infrastructures à l’abandon. Au chapitre du transport aérien, l’aéroport selon les normes internationales n’ouvre à aucune desserte vers l’étranger, vu nos communautés aux pays européens. Cette infrastructure a assuré les années 2000 l’ère de Brahim Merad, cinq vols vers la Mecque où pas moins de 500 passagers ont bénéficié de cet acquis. Considéré comme le plus important en Oranie après celui d’Es Sénia à Oran, l’aéroport de Tiaret n’a jamais été véritablement exploité depuis sa création dans les années soixante-dix. A part le départ vers les Lieux Saints de l’islam, l’imposante infrastructure aéroportuaire et ses équipements, jamais servis, sont mangés par la poussière et la fiente des oiseaux, pour ne pas dire exposé au bonheur de la ferraille. Pourtant, beaucoup d’argent a été dépensé pour la mise à niveau de l’aéroport dont le renforcement de la piste sur une longueur de plus de 4 km, la réalisation de voies secondaires et la modernisation de l’éclairage du tarmac nous explique un expert. L’industrie, il est prévu la réalisation de la raffinerie Sidi El Abed Tiaret, un projet attendu depuis des années et le rêve de la population et les wilayas avoisinantes. Aujourd’hui, la question qui se pose, avec le choix du terrain et la régularisation des 72 terriens, est-ce que le Sersou ne dispose pas des infrastructures nécessaires pour accueillir une usine de raffinage ? Cette région ne dispose ni de port, ni de pôle scientifique, ni suffisamment d’eau, au contraire le projet du dessalement de l’eau de mer est déjà entre les mains gouvernementales. Pour ce qui est de l’eau, il faut rappeler que la région ouest est depuis longtemps en souffrance en matière hydrique avec 100 millions de m3 des trois barrages, sans ajouter les dix-sept retenues. Comme prévu, le gigantesque pétrolier, doté d’une capacité de traitement de cinq millions de tonnes de brut par an pour produire différents types de carburants. Implanté sur une poche foncière de 1.411 hectares dont 300 ha pour l’unité de raffinage, il permettra de générer quelque 10.000 postes d’emploi directs et indirects. Un montant colossal a été consacrée à ce projet qui devrait permettre, à terme, de réduire sensiblement les importations du pays en produits pétroliers, en renforçant les capacités nationales de raffinage.
Un immense retard à Tiaret et le rail sur cale lancé depuis une décennie n’a pas encore vu son train siffler. La wilaya de Tiaret et ses deux relais Relizane – Tissemsilt enregistre un déficit criant en matière de transport ferroviaire, un créneau afin de redonner son coup de starter du développement global, mais en vain, aucune explication à ce jour, alors que le projet structurant lancé depuis des années pour améliorer le transport des voyageurs et des marchandises est resté loin des regards de nos responsables. Si Tiaret carbure ces dernières années, sur le réseau routier a réussi de boucler sa boucle avec une toile de plus de 3.200 km, vu son vaste sol. Aujourd’hui, le dédoublement de la voie reliant Oued Salem ou Hassi Fedoul Djelfa sur une distance de 100 km et la nouvelle voie reliant la frontière Tissemsilt à Tiaret est le rêve des populations. Car selon eux, ses trois axes sont transformés ces dernières années, un cimetière suite aux accidents et carnages enregistrés. Pour le serpent à moteur sur une longueur de rail atteignant les 185 km, battent toujours de l’aile, et n’a pas encore la pose de la locomotive. L’on apprend que la ligne Saida – Tiaret est fin prête et le projet est sur le point d’être réceptionné. Mais le comble, au rythme des travaux de délocalisation de la gare du chef-lieu de wilaya, où il est question de l’édification d’une gare pour les voyageurs et une autre pour la marchandise, avec la pose de pas moins de 30 lignes, les indices ne sont pas vraiment encourageants, car l’ancienne gare a remis son propre terrain à un promoteur .
Le port sec, le projet a l’oubli cédé a un partant, aujourd’hui est livré à lui-même, une infrastructure visitée à maintes reprises mais aucune décision n’a été prise par le fondé du pouvoir. Un projet en souffrance depuis l’ère de Brahim Merad. Au même chapitre notre expérience médiatique nous a conduit aux zones d’activités et la zone industrielle. Si les uns ont investi pour des créneaux porteurs, les autres ont préféré louer leurs espaces aux spécialistes du stockage ou de les transformer en bergerie pour l’élevage. Tiaret a bénéficié d’un pactole imaginaire. Si les premiers ont réussi à lancer une panoplie de projets, à l’image des onze lycées, les collèges, écoles primaires, la polyclinique EPSP, annexes des Beaux- arts, l’école des cadres, les 7.000 toits, l’ouverture des pistes, le gaz et l’électricité, tarification dans un passé, aujourd’hui la locomotive du développement a tourné son dos. Pour revenir à l’école des cadres, un joyau architectural dont le visiteur ne croyait pas ses yeux, suite à sa réalisation, avec des normes internationales, doté de toutes les commodités, est loin d’ouvrir pour l’accueil de ses élus pour bénéficier des formations. La question qui se pose : Si le maire a le droit d’un quart de se former, qui profite des trois quart restants, dira un spécialiste ? Vaut mieux le transformer en CHU afin d’accompagner le centre des toxicomanies, le centre anti-cancéreux et l’hôpital des brûlés. La santé a marqué sa présence et rafle la part du lion d’une série de réalisations, mais avec cette nouvelle feuille de route aura du pain sur la planche. Selon certains sources la majorité des spécialistes ont plié leurs bagages pour rejoindre les d’autres cieux. Le refus est bien expliqué et l’enquête mène ses fruits, les villas individuelles sont détournées par certains cadres de l’organisme chargé de l’habitat et propose aux nouveaux spécialistes des habitations sur un bloc de dix étages sans eau et sans ascenseur.
L’ex-wali a fondé une EPIC Tiaret-Nadhfa, renforcé par un parc roulant pour l’enlèvement des centaines de tonnes financées par 100 milliards de cts, mais les rotations se font rares à ce jour. Une entreprise installée au siège de l’ex-gare et son collectif n’a pas encore trouvé le chemin qui mène au CET. D’autres part, certaines sources nous confirment que les camions de gros tonnage sont à la recherche de preneurs de permis de conduire, s’ajoute les poubelles séminaires sol, un projet mort-né, de l’argent enterré au vu et au su de tout le monde. Tiaret, une ville, une capitale dans un passé proche, aujourd’hui la plus sale au pays. Pour la commune sans régie et sans budget frotte les mains, car est dépourvue de matériels, seul une poignée d’équipe mène sa mission aux anciennes pratiques, suite au transfert de son parc roulant à la nouvelle EPIC dont la totalité est en panne. Le classement n’a pas été établi par un organisme environnemental, mais le constat le confirme. De quoi s’agit-il ? L’absence de décideurs, la charge sur les épaules des corps fragiles ou le manque de civisme des Tiarétiens est la raison de cette situation plus qu’alarmante. Les habitants, par jalousie, estiment que ce classement est trop sévère et qui est responsable de cette situation ? «Tiaret, beauté, Tiaret pauvreté et Tiaret charité président ! Quel sera le cadeau gouvernemental pour une région connue par son histoire ? «Votre wilaya des années 80 ne mérite pas cette image qu’on lui a attribuée», dira un notable. Et là, s’imposent des questions lancinantes : notre capitale est-elle vraiment sale ? A-t-elle perdu du parfum de ses civilisations ? Pour tenter de répondre à ces questions et à bien d’autres, nous avons sillonné ses coins et recoins, chaque œil pointe son regard à un décor désolant. Le zoom et la promenade libre. Il est 23 heures, si les animaux domestiques occupent les lieux, le plus grave est que les sangliers ont trouvé refuge sur la périphérique. Pour le second jour de notre reportage, le soleil pointe d’ores et déjà son nez, la ville est vide, il fait chaud en cette journée, quant aux variétés de la farine et l’huile, c’est la pénurie. Le premier à la cherche du pain, le second du lait que les retraités circulent d’un coin à l’autre. Mais cela n’a pas empêché les citoyens de sortir après une grasse- matinée dont la majorité préfère le poumon de la ville ou l’informel fait sa loi. Les rues occupées par les marchands à la criée, ici à Tiaret, tout se vend et s’achète sur le sol, comme les magasins grouillent de monde. Il est 10 heures du matin, une véritable marée humaine circule à travers Tiaret. Pas un espace libre quant au réseau routier si les passants perdent leurs chaussures, les automobilistes à la recherche de pièces de rechange. Si le torchon brûle entre les élus, la majorité des associations en vacances, même le Croissant-rouge a mis sa clé sous le paillasson, aucune aide.

Hamzaoui Benchohra