L’intérêt est commun, mais l’ambition est nationale

Révision de l’Accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne

La diversification des exportations hors-hydrocarbures faciliterait à l’Algérie l’évaluation réelle de ses échanges commerciaux avec l’Union européenne (UE) et à mieux argumenter sa révision « clause par clause », comme l’avait souligné, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, engagé à accélérer les réformes économiques et financières pour asseoir une économie de marché, plus ou moins ouverte. Le chef de l’Etat fait de la modernisation des services des impôts et la promotion de l’investissement national et étranger une priorité pour rendre le pays plus attractif aux investisseurs étrangers (encourager les investissements européens directs, entre autres) et renforcer le commerce extérieur.
Des politiques, des chefs d’entreprises et des experts estiment que l’Accord d’association conclu en 2002 et signé en 2005 avec l’UE est désavantageux pour l’économie nationale, pointant le déséquilibre des échanges commerciaux entre les deux parties, sauf que l’Algérie exporte majoritairement des produits hydrocarbures, non éligibles aux avantages douaniers, ce qui n’empêche pas les autorités de demander sa révision pour protéger son économie.
L’Algérie a déjà appelé en 2015 à la révision de cet Accord, dénonçant les déséquilibres entre les échanges commerciaux entre les deux parties et la faiblesse des investissements étrangers directs chez les investisseurs européens en Algérie. Le repli des IDE est expliqué par la règle 51/49% régissant les IDE en Algérie instaurée en 2009, avant d’être supprimée en 2020, sauf cas exceptionnel. L’UE reproche de son côté à l’Algérie, le report de l’application du démantèlement tarifaire, prévu en 2017, devant faciliter la création d’une zone de libre-échange.
La soumission des produits européens importés au régime des licences en 2016 et au Droit additionnel provisoire de sauvegarde (Daps), en 2018 a également contrarié la partie européenne. La liste des produits importés L’Algérie compte d’ailleurs élargir la liste des produits importés soumis au Daps de 992 produits à 2.608 produits, c’est ce qu’a annoncé au début de l’année en cours, le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Kamel Rezig. L’Etat vise à travers ces mesures la protection de sa production locale, la promotion de l’investissement (national et étranger), mais aussi le développement du commerce extérieur. Pour le Président Tebboune, un accord d’association ou de partenariat devrait être bénéfique pour les deux parties signataires. Les blocages relevés dans l’Accord d’association avec l’UE devraient être corrigés.
Des transformations s’imposent au niveau interne pour parvenir à reformuler cet accord de façon à obéir à l’intérêt commun des deux parties. La question est plutôt structurelle, la conjoncture actuelle devrait aider les autorités algériennes à renégocier cet accord et mettre en avant les réformes structurelles déjà mise en œuvre depuis plusieurs mois afin de convaincre la partie européenne de revoir le texte de l’accord et pouvoir aller de l’avant. La crise énergétique que traverse l’Europe depuis le début de l’offensive russe en Ukraine a permis à l’Algérie de revenir en force sur la scène internationale.
Convoité pour ses hydrocarbures, le pays n’hésite pas à tirer profit de la situation pour renforcer ses investissements étrangers et aussi évoquer la question de la révision de l’Accord d’association. Le chef de l’Etat a souligné lors de la visite officielle dans le pays du président du Conseil européen, Charles Michel, «la nécessité de réviser l’Accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne (UE) en identifiant les priorités conjointes, dans l’intérêt mutuel des deux parties».
«Nous avons considéré que l’Accord d’association est un cadre devant donner lieu à des améliorations avec la volonté, de part et d’autre, d’identifier les priorités conjointes dans l’intérêt mutuel», a indiqué de son côté M. Charles Michel qui n’a pas exclu une révision de certaines clauses de cet accord, sans donner de détails.
L’évaluation de cet Accord reste aussi nécessaire pour relever tous les blocages et reformuler les règles de façon à servir l’intérêt des deux parties.
Des experts ont déjà analysé les possibilités de cette révision, mais surtout souligné l’impératif d’évaluer le bilan des échanges commerciaux entre les deux parties pour justifier la demande de l’Algérie. L’évaluation devait être réalisée depuis deux ans, mais aucune publication n’a été faite à ce jour.
L’Algérie devrait dorénavant mettre en avant l’intérêt et l’efficacité économique de tous les accords commerciaux signés avec d’autres pays.
Pour rappel, le pays a conclu des accords commerciaux bilatéraux avec la Tunisie et la Jordanie et des deux accords commerciaux multilatéraux à travers son adhésion à la Grande zone arabe de libre-échange (Gzal) et la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). L’Algérie vise à protéger son produit local et son économie et plaide pour des partenariats gagnants-gagnants.
Samira Takharboucht