Vers une loi forçant la France à restituer les 512 crânes encore au Musée de Paris ?

Crânes algériens

La douloureuse affaire des crânes des résistants Algériens dont seulement 24 ont été récupérés par l’Algérie le 3 juillet 2020 refait surface. C’est un député français, Carlos Bilongo, qui se bat aujourd’hui afin que les 512 autres crânes encore détenus par le Musée de l’Homme de Paris, puissent être remis à leur pays. Le député de Sarcelles, selon un militant associatif, devra déposer une proposition de loi afin de « déclassifier les crânes qui font partie de la Collection nationale ».
« M. Bilongo estime que la place des crânes des résistants Algériens n’est pas dans un musée mais chez eux en Algérie où ils seront censés être inhumés dans l’honneur et la dignité.
C’est le minimum que la France se doit de faire dans l’immédiat », a déclaré à La Nouvelle République M. Mabrouki Brahim, président de « l’Association Le Grand Maghreb » basée à Paris et qui active pour le rapprochement franco-algérien.
Le Musée de l’Homme de Paris détenait 536 crânes dont l’écrasante majorité est celle de moudjahidines (résistants) qui avaient fait face à l’invasion et la colonisation française, notamment la bataille de la tribu des Zaatcha près de Biskra.
C’était le 26 novembre 1849, un triste jour qui s’était soldé par le massacre de 800 enfants, femmes, hommes et vieillards. L’armée française avait déployé plus de 6.000 soldats français du général Emile Herbillon qui s’étaient lancés à l’assaut de cette oasis fortifiée défendue par des résistants commandés par Ahmed Bouziane, dit cheikh Bouziane.
Il sera capturé et les survivants massacrés. Cheikh Bouziane fait prisonnier sera tué et son corps décapité.
Son crâne faisait partie des 24 qui ont rejoint la terre natale le 3 juillet 2020 et accueillis ave les honneurs par les officiels à leur tête le président de la République Abdelmadjid Tebboune.
C’est en mai 2011, que l’archéologue et historien algérien Ali Farid Belkadi lançait une pétition « pour le rapatriement des restes mortuaires algériens conservés dans les musées français », en particulier les crânes de résistants algériens tués par l’armée d’agression française dans les années 1840 et 1850, qu’il venait de retrouver dans les réserves du Musée de l’homme à Paris.
Alors que cet appel était lancé un an après le vote, par le Parlement français, d’une loi exigeant la « restitution [à la Nouvelle-Zélande] de toutes les têtes maories détenues en France », il n’a eu malheureusement que très peu d’écho.
En mai 2016, l’universitaire et écrivain algérien Brahim Senouci a lancé un nouvel appel pour que soient restituées les « têtes des résistants algériens détenues par le Musée de l’homme », afin que leur pays les honore, avec cette fois un écho nettement plus large. L’appel de Brahim Senouci n’est pas passé inaperçu. « Des historiens l’ont évoqué et se sont interrogés sur la nécessité de creuser cette piste.
Des rapprochements se sont opérés. Les télévisions du service public sont venues aux nouvelles. Des radios françaises ont assuré des couvertures importantes. Des échos sont venus du monde entier. BBC, CNN, la télévision turque se sont emparés de l’affaire.
La pétition, qui se traînait face au mur des deux mille signataires, a explosé pour atteindre en peu de temps près de 300 000 signataires.
« Sur le plan quantitatif, la partie était gagnée », a souligné l’universitaire dans un entretien accordé à El Watan en 2020. Rappelons qu’une tribune publiée dans Le Monde du 8 juillet 2016 par des historiens et des universitaires de France, en soutien à la pétition, avait amené également les autorités françaises à briser le silence. « Les crânes des révoltés de 1849 doivent être restitués pour rappeler l’histoire de la colonisation en Algérie », expliquait un collectif d’intellectuels, parmi lesquels l’écrivain Didier Daeninckx, l’historien Gilles Manceron ou l’universitaire Mohamed Tayeb Achour.
A. Zenati