Quelle politique industrielle pour l’Algérie face au nouveau pouvoir économique mondial ?

ECONOMIE

Combien de conférences sur une économie hors hydrocarbures, organisées par les différents ministres qui se sont succédées depuis plusieurs décennies sans compter les différentes institutions et les universités et l’Algérie en ce mois de septembre 2022, est toujours dépendante d’une rente éphémère. Dans ce cadre, je soumets à l’appréciation de l’opinion nationale, sans aucune modification, la synthèse, toujours d’actualité, de ma conférence devant le Premier ministre, les membres du gouvernement, les walis, les cadres de la nation, les responsables des grandes entreprises, les organisations syndicales et patronales – à Alger Club des Pins le 04 novembre 2012, sur le thème « pour une nouvelle politique industrielle ». Cette intervention faisait suite au débat à Radio France Internationale RFI, le 24 octobre 2012, Paris, que j’ai tenu avec le Pr Antoine HALFF de Harvard, économiste en chef du président US Barak Obama et qui était alors directeur de la prospective à l’AIE.

Au regard de l’importance des mesures à lancer et de l’urgence de la situation, le gouvernement devra choisir le mode de mise en œuvre le plus adapté à chaque décision : l’accélération de projets et d’initiatives existantes, le vote d’une loi accompagnée, dès sa présentation au Parlement, des décrets d’application nécessaires à sa mise en œuvre et pour les urgences seulement des décisions par ordonnance pourront être utilisées.
Troisièmement, les actions coordonnées et synchronisées dans le temps exigent le courage de réformer vite et massivement, non des replâtrages conjoncturelles mais de profondes réformes structurelles à tous les niveaux en ayant une vision stratégique pour le moyen et le long terme, devant donc réhabiliter la planification et le management stratégique L’Algérie peut y parvenir dans un délai raisonnable. Elle en a les moyens.
Pour cela, elle doit réapprendre à envisager son avenir avec confiance, libérer l’initiative, la concurrence et l’innovation car le principal défi du XXIème pour l’Algérie sera la maîtrise du temps. Le monde ne nous attend pas et toute Nation qui n’avance pas recule forcément. Retarder les réformes ne peut que conduire à la désintégration lente, à l’appauvrissement, une perte de confiance en l’avenir puisqu’ avec l’épuisement de la rente des hydrocarbures, l’Algérie n’aura plus les moyens de préparer ces réformes et vivra sous l’emprise de la peur, voyant partout des menaces où les autres voient des chances. Cette croissance exige l’engagement de tous, et pas seulement celui de l’État en organisant les solidarités devant concilier efficacité économique et équité par une participation citoyenne et un dialogue productif permanent.
Quatrièmement, le pouvoir algérien a vécu longtemps sur l’illusion de la rente éternelle. La majorité des Algériens dont le revenu est fonction à plus de 70% de la rente des hydrocarbures doivent savoir que l’avenir de l’emploi et de leur pouvoir d’achat n’est plus dans la fonction publique, et que celui des entreprises n’est plus dans les subventions à répétition. L’essentiel de l’action est entre les mains des Algériens, qui devront vouloir le changement et partager une envie d’avenir, d’apprendre davantage, de s’adapter, de travailler plus et mieux, de créer, de partager, d’oser. La nature du pouvoir doit également changer supposant une refonte progressive de l’Etat par une réelle décentralisation autour de grands pôles économiques régionaux, impliquant qu’il passe de l’Etat gestionnaire à l’Etat régulateur, conciliant les coûts sociaux et les coûts privés, étant le cœur de la conscience collective, par une gestion plus saine de ses différentes structures.
Cinquièmement, pour s’inscrire dans la croissance mondiale, l’Algérie doit d’abord mettre en place une véritable économie de la connaissance, développant le savoir de tous, de l’informatique au travail en équipe, de l’arabe, du français, du chinois à l’anglais, du primaire au supérieur, de la crèche à la recherche. Elle doit ensuite faciliter la concurrence, la création et la croissance des entreprises, par la mise en place de moyens modernes de financement, la réduction du coût du travail et la simplification des règles de l’emploi. Elle doit favoriser l’épanouissement de nouveaux secteurs clés, dont : le numérique, la santé, la biotechnologie, les industries de l’environnement, les services à la personne avec le vieillissement de la population. Simultanément, il est nécessaire de créer les conditions d’une mobilité sociale, géographique et concurrentielle et de permettre à chacun de travailler mieux et plus, de changer plus facilement d’emploi, en toute sécurité. Pour mener à bien ces réformes, l’État et les collectivités locales doivent être très largement réformés. Il faudra réduire leur part dans la richesse commune, concentrer leurs moyens sur les groupes sociaux qui en ont réellement besoin, faire place à la différenciation et à l’expérimentation, évaluer systématiquement toute décision, a priori et a posteriori. Sixièmement, la justice sociale, à laquelle je suis profondément attachée, ne signifiant pas égalitarisme, source de démotivation, n’est pas l’antinomie de l’efficacité économique. Mais toute Nation ne peut distribuer plus que ce qu’elle produit annuellement, si elle veut éviter la dérive sociale. Il s’agira de concilier l’efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale, en intégrant la sphère informelle représentant plus de 40% de la masse monétaire en circulation, plus de 30% du PIB et non compris les hydrocarbures entre 40/50% de la superficie économique et de l’emploi, que l’on ne combat pas par des mesures administratives ayant comme effet son extension.

En résumé, l’Algérie dispose des compétences lui permettant de dépasser la crise pétrolière. Il est nécessaire d’avoir une vision positive de l’avenir et d’éviter les positions et comportements défaitistes. L’Algérie dispose de tous les atouts pour créer la richesse hors économie de la rente devant s’adapter au nouveau monde avec la transition numérique (lutter contre les cyberattaques) et énergétique à l’horizon 2030. L’entrave principale au développement en Algérie provient de l’entropie qu’il s‘agit de dépasser impérativement, renvoyant pas seulement aux facteurs économiques mais également sociaux et politiques dont une autre gouvernance par la profonde moralisation des dirigeants et de la société.
Espérons donc que cette présente rencontre ne sera pas encore des redites des anciennes propositions sans concrétisation réelle sur le terrain et permettra de dynamiser l’économie nationale car en ce mois de novembre 2012 la configuration socio-économique a peu évoluée depuis de longues décennies, une économie de nature publique rentière
Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur
des universités, expert international
(Suite et fin)