La bataille de la relance économique future de l’Algérie et sa place dans la compétition mondiale se remportera grâce à la bonne gouvernance

Les défis de l’Algérie face aux nouvelles mutations mondiales

La problématique de la sécurité nationale nécessite un Front social interne solide, tenant compte des différentes sensibilités sociales grâce à un dialogue productif au profit exclusif de l’Algérie et une réorientation urgente de la politique socio-économique afin d’éviter le drame des impacts des année 1986. J’ai jugé utile de mettre à la disposition du large public, la synthèse de l’audit réalisé sous ma direction assisté de 20 experts internationaux (économistes – sociologues – juristes – ingénieurs) et remis au Premier ministère, le 15 janvier 2013 (six volumes 900 pages) que certains soi-disant experts organiques aux ordres qui ont induit en erreur les décideurs et l’opinion publique et qui ont maintenant un autre discours. J’ai jugé utile de détailler le volume VI sur les neuf leçons à tirer pour relancer l’appareil productif.

Le lancement de capacités industrielles a nécessité la mise en œuvre de contrats « clés – ou produits en main », avec recours aux techniques étrangères d’où : – dépendance technologique (pièces de rechange, maintenance et formation), multiplicité des processus liés aux différents pays à l’origine des lignes de crédit et problèmes de propriété industrielle et de licences pour permettre l’évolution des produits, qui en général n’a pas été rénovée, ce qui a creusé l’écart technologique et favorisé les produits importés. L’industrie souffre d’une faible rentabilité et d’importants surcoûts propres aux économies dirigées et les systèmes de prix sont souvent déconnectés de la conjoncture économique. Les systèmes d’approvisionnement ou de négociations contractuelles nées du code des marchés publics sont lents et coûteux. La vocation sociale des entreprises s’est allégée mais a fortement imprégné les mentalités.
Les systèmes de cooptation des personnels entraînent des sureffectifs et une gestion laxiste. La grande industrie a insuffisamment contribué au développement du tissu industriel et a parfois utilisé son statut public pour croître sans considération pour la réglementation. La plupart des grands complexes ont cherché à tout intégrer non seulement les activités industrielles classiquement sous-traitées, mais aussi des fonctions aisément disponibles sur le marché (nettoyage, gardiennage, restauration…). Ce n’est que sous la pression économique qu’elles ont tardivement externalisé ces activités et parfois avec succès. La faible considération pour l’environnement va générer de graves difficultés pour attirer des groupes internationaux qui connaissent parfaitement l’évolution de la jurisprudence internationale. L’interprétation unilatérale de la réglementation a également généré des abus qui peuvent demain générer des contentieux internationaux comme en témoigne les nombreux litiges dont ceux de Sonatrach à l’international et l’importance de la sphère informelle (propriété intellectuelle).

6- La gestion actuelle du commerce extérieur, héritée du système passé, entrave le fonctionnement de l’industrie, y compris à l’exportation
L’objectif de protection de l’industrie naissante a généré une gestion bureaucratique des procédures d’importation qui est devenu un terreau pour de nombreuses pratiques non conformes. L’adhésion de l’Algérie à l’OMC serait un signal fort pour simplifier ce système obsolète mais les habitudes prises ont généré des monopoles lucratifs et puissants qui seront lents à disparaître ou à contourner.
Les formalités de contrôle des changes restent encore largement interprétées par le personnel des banques qui garde la nostalgie de la puissance de son rôle de contrôleur. Concernant l’investissement étranger, les multinationales recherchent classiquement des avantages comparatifs pour produire de façon compétitive pour un marché local solvable mais aussi vers un marché régional et/ou mondial, en intégrant leurs capacités commerciales et productives.
Le modèle à dominance étatique à taux d’intégration verticale élevé va à l’opposé des nouvelles mutations mondiales. Les lourdeurs bureaucratiques (délais de négociation et de mise en place) et l’incertitude juridique (taux douaniers, fiscalité, réglementations) ont encore renforcé l’image d’un marché difficile et fermé, isolant l’Algérie des nouvelles mutations mondiales. Le problème essentiel à résoudre est la mise en place de subventions ciblées budgétisées par le parlement afin d’éviter des transferts artificiel des bénéfices par les prix de cession visant l’optimisation fiscale vers les lieux fiables et peu imposés, la distorsion de la concurrence, le monopole, source de surcoûts. Il s’agira d’améliorer le système d’information (limitation de l’accès aux données nationales pour les sociétés étrangères), éviter la distorsion des systèmes fiscaux, la distorsion dans l’accès aux données technologiques.

7.- Le fait marquant en ce XXIe
siècle est l’internationalisation des économies qui rend obsolètes les systèmes autarciques
La politique des Etats est souvent un dosage voire une oscillation entre libéralisme et interventionnisme excessif. Dans la plupart des pays, l’Etat a largement réorienté son action. L’impulsion, la coordination dominent désormais les directives ou l’intervention directe dans le processus de production. De maître d’œuvre, l’Etat évolue vers un rôle d’organe de régulation par un certain nombre de leviers dont il reste maître (taux du crédit, taux de change, déficit budgétaire, poids de l’impôt et des services publics…) et de réglementation (commerce, taxes, télécommunications, transports, droit du travail…). La globalisation économique a été impulsée par les multinationales puis par les États ; désormais elle devient un phénomène politique et économique copié par les États eux-mêmes pour les grands secteurs stratégiques. Ce sont les Etats souverains qui signent les accords créant un cadre propice aux échanges (CEE, ASEAN, Mercosur).
Les organismes supranationaux assurant souvent l’application des règles entre les partenaires. Ainsi, l’OMC, à laquelle veut adhérer l’Algérie, est une institution chargée d’appliquer une législation et d’arbitrer les conflits entre les Etats membres par l’intermédiaire de l’ORG (Organe de règlement des différents). Cela ne saurait signifier la fin du rôle de l’Etat mais un rôle stratégique dans la régulation. La problématique de la mondialisation implique une politique d’ouverture de l’Algérie qui doit aborder les questions sous un autre angle.
L’insertion dans l’organisation internationale de l’industrie et des services, est une urgence pour l’Algérie qui ne commence que progressivement (à partir des hydrocarbures) à s‘adapter avec les mesures d’appui nécessaires :
– développement de la concurrence globale ; développement de la concurrence sur les marchés intérieurs ; accès aux marchés extérieurs ; importance accrue de la recherche-développement et de la technologie dans les stratégies d’entreprise ; concurrence régionale à assurer, participation des systèmes d’approvisionnement internationaux (global sourcing) ; développement des PME/PMI à l’exportation ; -accroissement des investissements internationaux ; accords de coopération et exploitation de licences ; prise de conscience des notions d’engagements de niveau de service, de qualité, du juste à temps et participation aux nouveaux réseaux mondiaux: logistique, internet, financiers, distribution. La CEE est le premier partenaire et surtout son principal débouché à l’exportation, devant tenir compte que les USA (gaz/ pétrole de schiste) seront de rudes concurrents notamment sur le marché européen. Pourtant, dans un contexte de ralentissement économique, l’Algérie maintient toutefois son programme de réformes structurelles tout en essayant d’atténuer leur coût social. Dans le cadre de son éventuel adhésion à l’OMC, l’Algérie est tenu d’ouvrir son champ de coopération multilatérale ce qui devrait renforcer encore les échanges croisés, notamment en prenant des engagements sur le démantèlement de ses protections douanières ( reportés à horizon 2020 au lieu de 2017) et l’ouverture graduelle de son marché avec notamment la réduction des quotas à l’importation pour les produits agricoles ; la mise en place d’un taux douanier maximal pour les produits industriels ; un accord sur les technologies de l’information ; la libéralisation du commerce des services et de l’accès au marché des services impliquera un champ large de partenariats multilatéraux tant régionaux qu’européen ; le renforcement de ses réformes structurelles dont la privatisation et la démonopolisation, dépassant le cadre d’un secteur public hypertrophié par rapport au secteur privé, de revoir ses normes de gestion. C’est que l’Etat algérien dépense deux fois plus que la moyenne des pays émergents pour avoir deux fois moins de résultats économiques et sociaux et de lutter contre la sphère informelle représentant plus de 50% de la superficie économique. Le système de droits douaniers conçus comme freins à l’importation avec des montants excessifs doivent être modernisés en fonction de l’adhésion à l’OMC. Actuellement, ils favorisent la fraude et l’économie informelle. De façon analogue les charges fiscales sont proches des niveaux européens et sont à la fois trop importantes et associées à un système fiscal complexe et d’application aléatoire.
La déficience des réseaux de distribution des matières premières, matériaux et/ou pièces de rechange rend impossible la réactivité et la logistique demandée par la sous-traitance internationale. La faiblesse des infrastructures de services et la difficulté d’acquisition de foncier industriel posent le problème des facilités matérielles à créer de nouvelles activités.
Enfin il s’agira d’améliorer l’environnement : institutions, infrastructures, y compris restriction des échanges/actions anti-dumping, revoir les subventions en fonction de l’intérêt local, moderniser les télécommunications, les compétences humaines, le système d’enseignement et constituer une base de données précise sur les exportations, financement, garanties de la prospection et des opérations.

8.- Les filières les plus dynamiques sont des dérivées des hydrocarbures mais fortement capitalistiques
Les produits en progression mondiale sont ceux qui tirent la croissance des pays convergents. Sur les dérivés du gaz, l’Algérie dispose d’un potentiel très fort attesté par des ACR exceptionnels : Gaz naturel et certains dérivés de la pétrochimie (historiquement les engrais) ; chimie de synthèse de base (notamment l’ammoniac et l’acide nitrique à partir du reforming du gaz). Les autres produits en progression mondiale sur lesquels l’Algérie peut se positionner sont l’agroalimentaire. Les activités les plus dynamiques sont à la fois capitalistiques et ne génèrent que peu d’emplois. Sur ce point, le secteur privé semble à la fois le plus dynamique tout en générant de meilleures performances au niveau des ratios de base (CA et VA/ salarié). Les intentions d’investissement sont par ailleurs cohérentes avec les rentabilités enregistrées sur les différentes branches. L’Algérie devra renforcer la sous-traitance ou associations avec les grands groupes, participer aux chaînes d’approvisionnement mises en place par les multinationales (concept de «supply chain»), améliorer la structure financière et humaine des petites entreprises, augmenter les parts de marché par le renforcement des positions géographiques ciblées. A terme les avantages comparatifs sont en Afrique en vue d’accroître le chiffre d’affaires et les parts de marché.

Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur
des universités, expert international
(A suivre…)