«Mon esprit et ma tête sont au Sénégal»

Aliou Cissé au Onze Mondial :

«J’espère que toute personne qui lira cette interview comprendra que nous sommes en train de faire notre travail. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas en Europe qu’on est moins bons que les autres, ce n’est pas parce qu’on ne parle pas que l’on ne sait pas ce que l’on fait. Nous avons décidé d’abord de le faire avant de venir parler. Dans notre jargon, c’est ça».
Le sujet qui fait débat et chasse les autres sujets, c’est bien celui du «comment sélectionne-t-on un joueur ?», dans cette interview dont son contenu nous séduit, nous incite à extraire les meilleures déclarations du sélectionneur qui explique comment il a réussi à briser toutes les barrières pour prendre place parmi ses concurrents dans cette compétition planétaire, le Sénégal est dans le groupe ‘A’. Comprendre maintenant comment il a façonné l’équipe nationale depuis bientôt sept ans. Il l’explique dans cette interview qu’il a accordée au journal Onze Mondial.

«Une équipe nationale, c’est une porte d’entrée, une porte de sortie»
«Quand vous regardez la constitution de l’équipe nationale depuis bientôt sept ans que je suis là, le noyau de l’équipe est là. Ce sont les mêmes qui sont ici. Maintenant, peut-être que sur un manque de temps de jeu de certains ou bien une blessure grave de quelqu’un d’autre, on essaie d’incorporer. En réalité, il ne s’agit pas de changer des joueurs à chaque sélection, il faut arriver à travailler dans une continuité pour créer des affinités dans le jeu qui pourront donner un bon fond de jeu. Mais pour cela, il faut un noyau et son noyau c’est : Edouard Mendy, Alfred Gomis, Koulibaly, Diallo, Pape Abou Cissé, Gana Gueye, Nampalys Mendy, Sadio Mané, Cheikhou Kouyaté, Ismaïla Sarr. «Tous ces garçons que je dirige depuis pratiquement sept, huit ans». Pour lui, une équipe nationale, c’est une porte d’entrée, une porte de sortie. Mais aussi, précise-t-il gagner, cela ne veut pas dire qu’on est plus forts que tout le monde. «Nous devons continuer à progresser, l’équipe doit continuer à s’améliorer, cela ne s’arrête jamais, on continue à regarder quels joueurs peuvent incorporer l’équipe. C’est un passage, tout le temps avec une entrée et une sortie. Tout en essayant de garder une continuité et ne pas faire une révolution sur chaque rendez-vous de l’équipe nationale du Sénégal».

L’intégration des binationaux, «moi je n’ai pas ce problème»
C’est un sujet qui s’est invité dans cette interview et semble ne plus poser de gros problèmes aux sélectionneurs en l’occurrence celui de l’intégration des binationaux. Comparativement à d’autres sélectionneurs, Cissé dit ne pas avoir à négocier ce type de situations. «Les binationaux connaissent mon discours avant de les faire venir». Sa devise n’est étrangère pour personne, puisqu’il le dit, non seulement et le fait comprendre à tous «on ne court derrière personne. Il ne s’agit pas de ça. Tous les joueurs que j’ai fait venir, je n’ai couru derrière personne. Oui, ce sont de bons joueurs, mais on a aussi une bonne équipe. Par contre, sur le projet qu’on est en train de mettre en place, si ça les emballe, s’ils pensent qu’ils peuvent nous apporter, bien sûr que la porte leur est ouverte. Et quand ils viennent, ils se sentent très bien. C’est le cas de Kalidou, d’Abdou Diallo, de Nampalys Mendy, de Bouna Sarr, etc.». Il n’y a pas une équipe de binationaux et une équipe de nationaux. Il y a une seule équipe qui s’appelle l’équipe du Sénégal, et que nous devons tous tirer dans le même sens.

La gestion des égos…
Le discours, il y a qu’un seul pour produire la bonne communication «je n’ai pas à les manager parce que je n’ai pas à manager ça. Tu es star, oui, on le sait, voilà. Croyez-moi, ces gars, ils ont plus envie de gagner que moi. Ils ne sont pas là pour perdre du temps. Ils n’ont pas de temps et nous non plus, donc on est ensemble dans un but bien précis : faire plaisir au peuple sénégalais et donner le maximum. Les stars, comme vous dites, sont les premiers à arriver à l’entraînement et les derniers à quitter l’entraînement».

Tu aimes ou tu n’aimes pas
Pour lui, chaque cadre doit démontrer son appartenance au pays et donc à son équipe nationale «l’exemple, ce sont eux qui le donnent. Moi je dis au cadre, ça ne suffit pas. Tu es cadre, mais quel est l’exemple que tu donnes ? Ça ne suffit pas de dire cadre. Un cadre a plus de devoirs que de droits. C’est pour cela que je rendrai toujours hommage à cette génération. Les féliciter parce qu’ils ont pris ce que le peuple sénégalais attendait d’eux et ça c’est important. Ça n’a pas toujours été le cas».

«Pour moi, il faut laisser les journalistes faire leur travail correctement»
«C’est comme ça. Moi je suis Sénégalais. Tous les entraîneurs passés sur les 10 dernières années, j’ai vu comment ils vivaient. En étant loin, j’ai pu observer les commentaires, mais en réalité rien ne change. Il y a un petit temps d’adaptation et après c’est parti». La critique des médias qu’en fait-il ou qu’en pense-t-il ? : «Pour moi, il faut laisser les journalistes faire leur travail correctement, ils ont leur façon de voir. Ils ne maîtrisent pas tout ce qu’il se passe à l’intérieur de l’équipe. Moi, je n’ai aucun problème avec les critiques aujourd’hui. Même hier».

Les critiques font souvent gagner les équipes
«Les critiques ne m’ont jamais empêché de faire ce que je pense juste, de sortir de mes convictions. Une équipe de football, c’est comme ça. Que ce soit en Europe, en Afrique ou en Asie, quand vous gagnez, ce sont les joueurs, quand vous perdez, c’est l’entraîneur.» et d’ajouter «je ne dirais pas que nous nous sommes préparés à ça, mais on sait que c’est la sentence. Quand tu es entraîneur, prépare-toi à être viré… Tôt ou tard, tu seras viré si tu n’as pas envie qu’on te vire, il faut aller faire un autre métier. Il y a combien de grands entraîneurs qui sont virés tout le temps ?»

«Un poste en club peut-il vous intéresser ?»
Cette interview s’achève sur des espoirs. Ses multiples phases de mutations traduisent l’amour qu’il porte à son équipe pour concrétiser ses objectifs, celles de toute une Nation notamment en Coupe du monde. «Cela fait 10 ans que je suis sélectionneur donc oui, c’est un projet qui m’intéresserait. Travailler dans un club qui veut mettre un vrai projet en place m’intéresserait parce que je suis un homme de projets. J’ai besoin de travailler sur le moyen et le court-terme comme ça l’est avec le Sénégal. Mais aujourd’hui, je suis au Sénégal. Mon esprit et ma tête sont au Sénégal. On verra peut-être après la Coupe du monde».
Synthèse de H. Hichem
(suite et fin)