Une espèce de retour à un monde traditionnel

La marche à pied

La marche à pied est un moyen de se déplacer pas toujours facile mais sain. Peut-être est-il intéressant d’évoquer le facteur d’antan qui parcourait de longues distances à pied sous le soleil, la pluie et le vent pour remettre lettres et avis postaux en main propre et à tous les destinataires.

A l’époque, on ne cessait jamais de dire que marcher à pied avait de multiples bienfaits. C’est toujours utile de savoir comment vivaient les gens dans l’ancien temps. Ils n’avaient pas de voitures, à l’exception de quelques rares privilégiés. Pour faire de longues distances, ils prenaient l’autobus ou le taxi lorsqu’ils étaient en famille. Et si vous voulez qu’on remonte plus loin dans le temps, il n’y avait point de véhicule à moteur et ceux qui voulaient aller très loin devaient emprunter la calèche tirée par des chevaux ou la diligence. C’était pénible, mais la vie ne manquait pas de charme. Mais c’est à la campagne qu’on trouvait le plus de gens se déplaçant à pied ou à dos de bête. Il y avait d’abord le marchand de pain qui à dos d’âne parcourait la campagne chaque matin de bonne heure pour vendre son pain de la dernière fournée et il le distribuait aux commerçants qui à leur tour, le vendaient à leurs clients et quand on a la chance de le croiser, on sentait une espèce d’odeur de pain frais qui donnait envie d’en manger. Et à la campagne, il y avait cet ensemble de parfums et de voix qui vous donnaient envie d’y rester pour votre bien être. Chaque moment a ses odeurs.
Le matin à l’aube, l’odeur dominante, c’est celle du café qu’on fait torréfier dans chaque foyer pour préparer le café accompagné d’un petit déjeuner frugal. L’arome du café était partout et à des centaines de mètres à la ronde. Puis dans l’air vivifiant du matin, chacun vaquait à ses occupations ; ici, c’est le savetier arrivé comme à l’accoutumée, très tôt, pour ouvrir son échoppe, plus loin, c’est le meunier qui remettait en marche son vieux moulin devant de nombreux clients arrivés beaucoup plus tôt avec l’espoir de repartir de moudre ses grains de blé ou d’orge moulu pour rentrer chez soi avec la semoule.

Mais observons d’abord bien le monde moderne pour la comparaison
C’est le modernisme que l’on souhaite sans limite, malgré tout ce dont on dispose : frigidaire, téléviseur, moyens de transport. Le mode de vie n’a rien à voir avec la tradition. Les enfants peuvent suivre même quotidiennement des émissions éducatives et culturellement enrichissantes à la télévision. Et quel grand pas en avant dans le sens du progrès. Plus tard, il y a eu l’internet qui met chacun en rapport avec tous sortes de champs d’investigation en histoire contemporaine ou ancienne, littérature moderne ou classique ou ancienne, mathématique moderne ou traditionnelle et les portes des sciences et du savoir les plus étendues, peuvent s’ouvrir à la demande et selon les capacités de chacun si bien que lorsque vous avez besoin de connaitre un chercheur dont vous n’avez que quelques références, vous l’avez en quelques minutes à condition de savoir faire la demande.
De plus, en seulement deux décennies, l’ordinateur s’est généralisé à tous les domaines du travail avec de multiples options : machine à écrire, comptabilité, conservation des données précieuses reléguant les récentes machines à écrire et les calculatrices au rang des objets de musées. Il nous même été donné de voir passer des camions chargés de machines à écrire toutes récentes se diriger vers un lieu de recyclage ou de stockage de ces objets inutiles pourtant récents. Quant aux machines à écrire les plus sophistiqués et les machines à calculer électroniques ont vu le jour au début de la dernière décennie du vingtième siècle et tout est parti en l’espace de quelques années avec l’apparition de l’ordinateur aux multiples options. Et le progrès n’est pas fini. Jadis, on allait chez l’épicier du coin pour acheter une enveloppe et une feuille de papier à lettre en prévision d’un courrier à envoyer à quelqu’un et pour l’écrire, on demandait à quelqu’un qui savait écrire sinon à un écrivain public qui vous fais payer en fonction de l’importance de la lettre. Et ce n’est pas fini car il faut l’affranchir. Maintenant c’est la révolution du portable, tout devient facile et il n’y a rien de plus facile, il suffit d’avoir un téléphone de poche pour toucher en quelques minutes quelqu’un qui se trouve à des milliers de kilomètres. Le portable a lui aussi a des tas d’option en plus de téléphoner à n’importe qui et à tout moment. C’est le réveil matin qui a relégué au rang de pièce de musée les gros réveils qui sonnaient comme des sirènes. Et le progrès n’est pas fini.

La vie traditionnelle est difficile à mener mais elle est bénéfique et pleine de charme
A l’image des difficultés que peut occasionner la marche à pied malgré son côté bénéfique, la vie traditionnelle demande au quotidien des efforts considérables. Ceux qui continuent à marcher, aujourd’hui, c’est pour leur santé ; les médecins recommandent d’effectuer au moins deux kilomètres par jour, peut être même plus pour une bonne forme physique. Rien à voir pour la marche dans la vie traditionnelle. D’après ceux qui l’ont vécue, elle consiste en une série de corvées. D’abord la corvée d’eau réservée exclusivement aux femmes dans certaines régions, elle est, d’après ceux qui en ont souffert, la plus pénible. Hiver comme été, ceux qui en avaient la charge, devaient aller plusieurs fois à la fontaine pour apporter une quand une quantité d’eau nécessaire à la consommation quotidienne et sur le dos, sous le soleil ou la pluie, il fallait obligatoirement aller chercher de l’eau, indispensable à la vie. Et les nombreux va et vient quotidiens représentaient près d’une dizaine de kilomètres à effectuer quotidiennement. Nos anciens qui ont vécu pleinement dans les traditions, tiraient leur subsistance essentiellement de la terre ou de l’artisanat traditionnel, sinon du commerce en boutique ou ambulant. Les fellahs travaillaient leurs champs pour arriver à en tirer le maximum de profit par les cultures maraichères vivrières et céréalières ou l’arboriculture, il leur fallait faire des kilomètres à travers des chemins tortueux pour arriver à leurs terres, mais ils ne sentaient pas les distances parcourues tant cela faisait partie des habitudes.
L’artisanat était diversifié, cela allait du travail du bois à celui de l’argile en passant par le tissage et pour répondre aux besoins de la population. Ceux qui faisaient preuve d’ingéniosité, arrivaient à s’occuper de tout ; ils faisaient tout par eux- mêmes pour ne pas avoir à dépendre de personne. Mais il y avait un domaine incontournable, c’était le moulin autour duquel des histoires fantastiques peuvent vous être racontées et à la faveur d’une forte pluviométrie de l’ancien temps, on faisait marcher des moulins à eau qui étaient situés au bord des rivières. Les meules qui moulaient les grains de blé ou d’orge tournaient non pas à l’électricité, mais à la faveur des chutes d’eau. Cependant, il fallait d’abord arriver au bord de la rivière et avoir son tour de mouture. Pour y arriver, il fallait un long chemin à pied ou à dos de bête, tout dépend de l’endroit où on habite et de la quantité de grains à moudre. Il faut arriver parmi les premiers pour passer, sinon il fallait attendre son tour. Certains y allaient le soir pour être là le matin au démarrage du moulin, malgré cela vous pouvez trouver des gens qui vous avaient devancés.
De cette époque ancienne, on a recueilli quelques vieux adages populaires encore valables dans d’autres domaines, comme celui qui attendait impatiemment son tour et qui espérait passer en priorité sous prétexte que le meunier était son oncle. D’ailleurs, il avait eu l’audace de l’appeler « y a khali », signifiant : fais-moi passer, à ces mots le meunier lui répondit : « il n’y a pas de khalik au moulin » pour lui dire : fais la chaîne comme tout le monde. Cette réponse du meunier est devenue une expression populaire et à chaque fois que quelqu’un essaie d’obtenir une faveur d’une personne bien placée, il s’entend dire ; il n’y a pas d’oncle au moulin, pour signifier ; il n’y a rien à espérer. Ainsi se présente le monde traditionnel dans ses hauts et ses bas. Ceux qui ont eu à le supporter ont connu des moments très durs, surtout lorsqu’on venait à manquer de nourriture et du bois de chauffage en période hivernale où, souvent, on vivait dans la crainte du lendemain. Donc, la marche à pied est loin de suggérer le monde traditionnel, puisqu’il n’a emprunté à ce monde que la marche qui est pratiqué comme sport ou comme saine activité quotidienne a pour but de se maintenir en bonne santé.
Boumediene Abed