Comment Frida Kahlo a façonné son style unique

Arts plastiques

Parmi ses bijoux, un collier aztèque en jade vert revient régulièrement sur les photos et portraits. Des chaînes en or s’ornent de breloques (oiseau, chauve-souris…). L’or se retrouve dans les dents de Frida (même si elle ne les exhibe pas), incrustées de diamants. Ses bijoux en argent mexicain sont ornés de pierres de couleur : turquoise, malachite.
Quand Frida Kahlo voyageait, son style détonnait. Lors d’un séjour à San Francisco, elle fut interpellée dans la rue par une question : «Où est le cirque?» Sa façon de s’habiller était militante : un hommage à son pays, un choix de liberté et une affirmation de son identité. Elle a toujours eu conscience du rôle que le vêtement pouvait jouer. Dans son dessin Appearences can be deceiving, son corps abîmé est dévoilé, mis à nu sous les strates des vêtements camouflage.
Pour l’historienne Oriana Baddeley, «la popularité de Frida Kahlo a transformé sa “mexicanité” en vernis formel, décoratif, coloré et joli… Le corps colonisé qu’elle habillait d’idéalisme révolutionnaire a perdu sa fonction de symbole de la nation pour devenir une icône de la souffrance féminine.»

Le corset
Instrument de maintien, mais aussi de torture, le corset est devenu un accessoire qui se montre, s’exhibe avec fierté. Certains ont été peints, d’autres sont des assemblages de métal, de bois; objets rigides pour maintenir la colonne vertébrale abîmée de multiples fractures.
Cette audace a inspiré les créateurs qui, cinquante ans plus tard, en ont fait un accessoire de mode à part entière, notamment Alexander McQueen pour qui l’entrave et la contrainte ont été des sujets de réflexion. Il a multiplié les modèles dédoublant le corps d’une extension rigide, inconfortable.
Jean-Paul Gaultier a composé toute une collection en hommage à Frida Kahlo, en reprenant pour ses mannequins le look, la coiffure avec les tresses rassemblées en couronne, les sourcils épais… Un défilé très joyeux de jupes longues, froufroutantes avec des tops façon huipil de format carré.

Masculin-féminin
Si les sourcils de Frida Kahlo sont une signature –«J’aime mes sourcils et mes yeux. En dehors de ça, je n’aime rien»–, elle en accentuait le côté sombre avec un crayon ebony de Revlon et exacerbait la jonction entre les deux, formant un arc. Elle aurait même utilisé des produits Talika (marque française née en 1948) pour la pousse des cils et sourcils.
Parmi ses effets redécouverts en 2004 figurent un vernis Raven Red ou encore un rouge à lèvres Everything’s Rosy de Revlon. Et dans les parfums, deux mythes français: le N°5 de Chanel et Shalimar de Guerlain.
Si Frida est profondément femme, elle se joue avec humour des codes masculins. «J’ai une moustache et globalement le visage du sexe opposé», se décrit elle-même celle qui n’hésite pas à s’habiller avec des costumes trois pièces, utiliser des accessoires comme la canne de dandy, porter une casquette. Sur une photo de Craig McWilliam, elle pose en jean, chemise blanche, cigarette à la main, mais avec boucles d’oreilles et fleurs sur ses tresses.
Figure majeure parmi les icônes de mode, Frida Kahlo a fait de son style mexicain une signature universelle et sans pareille. Les créateurs s’en sont inspirés et on retrouve son esprit chez Gaultier, Givenchy, Erdem, Valentino, Richard Quinn… Des merveilles à découvrir dans l’exposition du Palais Galliera.
Suite et fin
A.S. et S.G.