Eviter l’illusion monétaire

Les réserves de change via les réserves d’or sont des richesses virtuelles qu’il s’agit de transformer en richesses réelles

Les réserves internationales d’un pays sont, généralement, l’ensemble des disponibilités composant le portefeuille des actifs que sa Banque centrale détient (devises, or, droits de tirages spéciaux (DTS). L’or coté en once (troy ounce) (1 once = 31,1034768 g) est échangé sur le marché des métaux précieux, principalement sur les places de New York, Londres, Zurich et Hong Kong. L’or étant indéfiniment réutilisable et pratiquement indestructible, la quasi-totalité des tonnes d’or extraites depuis les débuts de l’humanité est toujours existante. Au total les mines produisent environ 60 % de l’offre mondiale, les 40% restants proviennent du recyclage et des reventes de stocks des banques centrales. L’or a servi d’étalon monétaire exclusif l’étalon or avec les accords de Bretton Woods instaurant le système monétaire international en 1945 (Gold Exchange Standard) avec le dollar comme monnaie internationale défini en un certain poids d’or et les autres monnaies en dollars.Pas de changement dans le niveau des réserves d’or depuis de longues années. Déjà dans deux contributions parues en 2009 et 2016 suite des différents rapports du CMO (2009/2016), je notais que l’Algérie était classée à la 22ème place mondiale, avec le même volume de 173,6 tonnes d’or (voir google.com 2016 A. Mebtoul.). Selon les sources internationales, la Banque d’Algérie possède toujours fin 2021, un stock d’environ 173,6 tonnes d’or. Au cours d’octobre 2022, le montant des réserves d’or de l’Algérie peut être évalué à 10,90 milliards de dollars US. Ce qui positionne l’Algérie 26ème dans le monde, en termes de réserves d’or, l’Algérie se classant au troisième (03) rang, au niveau de la région MENA (Moyen-Orient, Afrique du Nord. Cependant, depuis 2005/2006, il n’y a pas eu d’augmentation et ce sont toujours les mêmes données de 173,6 tonnes reprises par les différents responsables et la presse nationale.
Le 30 janvier 2010 dans une déclaration à l’APS le directeur général de l’Entreprise d’exploitation des mines d’or (ENOR) avait déclaré officiellement et je le cite « Le gisement d’Amesmessa, va bénéficier d’un plan de développement avec pour objectif de hausser graduellement sa production aurifère à 3 tonnes d’or annuellement. S’agissant des exportations de l’entreprise entre 2009/2010, elles ont été de 848,49 kg d’or, tandis que le marché local a consommé seulement 208,78 kg d’or». Lors de son allocution, le 13 février 2021, au forum du quotidien «Echaâb» le ministre des Mines a révélé l’existence d’un stock national d’or souterrain estimé à 124 tonnes se trouvant particulièrement dans les wilayas de Tamanrasset et d’Illizi pour une valeur au cours d’octobre 2021 de 6,57 milliards de dollars mais comme dans le pétrole, les réserves se calculent par rapport au coût, la concurrence internationale, et au vecteur prix international pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, les experts reconnaissant que pour la mine d’Amesmessa, dont les réserves en or dépassent 45 tonnes, des problèmes techniques empêchent d’atteindre la profondeur exigée. L’objectif est d’atteindre une production de 500 kg d’or/an, ce qui donnerait à un cours de 53.000 dollars le kg un chiffre d’affaires de 25,3 millions de dollars. Or comme dans la sidérurgie ou le phosphate, les charges sont très lourdes, sous réserve de la maîtrise des coûts, les normes internationales étant de 50% ce qui resterait comme profit net environ 12,3 millions de dollars. Quant aux centaines permis d’exploitation d’or accordés par le ministère de l’Energie et des Mines, le ministre annonce une production de 58 kg en 2020, dont 17 kg récupérés dans le cadre des opérations menées par l’Armée nationale populaire (ANP) ce qui donne un chiffre d’affaire de 300.000 dollars et un profit net de 150.000 dollars. Rappelons l’expérience négative avec Gold Mining Algeria (GMA), filiale du groupe australien GMA Ressources qui a quitté l’Algérie et qui était chargée de l’exploitation de la mine d’or d’Amesmessa, en partenariat avec Sonatrach qui détient une part majoritaire de 52% dans le capital de la SPA Enor, à travers sa filiale Gold Mining Algeria qui affirmait en 2009, un taux de production aurifère de 32.601 onces d’or pour une valeur (900 dollars l’once ) d’environ 52 millions de dollars au cours de août 2011, La production aurait été plus importante puisque selon les données officielles de l’entreprise ENAOR, l’Algérie a exporté 848 kg d’or (valeur de 48.200.000 de dollars au cours d’août 2011) alors que le marché local a consommé 208,78 kg de ce métal précieux soit une différence de 7 millions de dollars par rapport au communiqué de GMA. Le mythe de l’or dans la conscience populaire est important et l’opinion algérienne a besoin d’être éclairée sur le stock d’or, afin d’éviter des rumeurs dévastatrices qui nuisent au pays, stock qui n’a pas bougé depuis 2009, alors que l’Algérie s’est lancée dans l’exploitation d’un gisement d’or et depuis 2009 différents ministres ayant annoncé une production importante : une hypothèse à vérifier , à moins que cette production n’ait pas été rentable ou a été été écoulé sur le marché intérieur et non acheté par la banque d’Algérie pour accroître ses réserves d’or

En conclusion, le gouvernement devra éviter l’illusion monétaire car la monnaie, qui est avant tout un rapport social, traduisant le rapport confiance Etat/citoyens, est un signe permettant les échanges ne créant pas de richesses. Au contraire, la thésaurisation et la spéculation dans les valeurs refuges comme l’or, certaines devises ou certaines matières premières sont nocifs à toute économie. Comme démontré précédemment, il n’existe pas de corrélation entre les pays les plus riches et le niveau des réserves de change. . Comme, il s’agit d’éviter ce mythe monétaire de se braquer uniquement sur l’équilibre de la balance commerciale afin de préserver les réserves de change, vision statique, et non en dynamique, ne devant pas se réjouir une balance commerciale positive avec des pénuries qui touchent la majorité des secteurs. C’est comme un ménage qui connaît un déficit alimentaire par des restrictions mais avec de nombreuses maladies. Les maladies apparentes du cors social sont le chômage, le taux d’emploi étant fonction du de croissance, devant créer 350.000/400.000 emplois par an qui s ‘ajoute au taux de chômage actuel estimé par le FMI à environ 14%, nécessitant 8/9% de taux de croissance sur plusieurs années et le retour de l’inflation qui dépasse largement depuis janvier 2022, en moyenne globale, les 10%, plus de 100% pour certains produits comme les pièces détachées Or, l’objectif est pour tout pays la dynamique du processus de développement, étant démontré que ce ne sont pas les pays qui ont une balance commerciale équilibrée ou excédentaire qui connaissent le taux de croissance élevé. La richesse de toute nation provient de la bonne gouvernance, d’un afflux important de l’investissement national et étranger créateur de valeur ajoutée conditionné par la confiance reposant sur le travail et l’intelligence. En dehors de ce cadre, aucun développement n’est possible. Aucun pays ne s’est développé grâce aux mythes des matières premières y compris l’or mais grâce au savoir et à la bonne gouvernance, à ne pas confondre avec le concept de démocratie de l’Occident et ce qui explique le succès au XXIème siècle de la Chine, s’orientant vers un monde multipolaire. Après avoir épuisé ses stocks d’or, avec la découverte de Christophe Colomb, l’Espagne a périclité pendant plusieurs siècles où en 1962, l’Algérie était plus développée. Le régime roumain communiste avait des réserves de change grâce à des restrictions drastiques des importations mais une économie en ruine. Et c’est ce qui attend les pays producteurs d’hydrocarbures qui ne vivent que grâce à cette rente.
Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur
des universités, expert international
(Suite et fin)