Problématique de la sécurité collective au niveau de la région méditerranéenne et sahélienne

L’Algérie face aux mutations géostratégiques et conflictualités

L’Algérie est une pièce maîtresse de la stabilité de la région, à travers les actions de l’ANP et les différents services de sécurité. Les enjeux au niveau de la région méditerranéenne et au Sahel préfigurent d’importantes reconfigurations géopolitiques et géoéconomiques dans une zone sensible rentrant dans le cadre de la nouvelle stratégie mondiale à laquelle l’Algérie ne saurait échapper et d’une manière générale toute l’Afrique.

Ces enjeux sont intimement liés aux nouvelles mutations mondiales actuelles qui devraient conduire à de profondes reconfigurations socio-économiques, technologiques mais également sécuritaires. Cette contribution est une synthèse actualisée de mon intervention au colloque international Ministère de la défense nationale – Institut de Documentation, d’Evaluation et de Prospective : « Sécurité collective et nouvelles conflictualités : les défis contemporains de la construction de la paix qui s’est tenue à Alger 8 le janvier 2019.

1.-Problématique de la sécurité collective
La « sécurité collective », expression dont l’usage s’est développé dans les années 1930, constitue une tentative de réponse au déchaînement de violence des deux guerres mondiales du XXe siècle. Intiment Quant à la formation à la paix (CP), elle soulève des défis politiques, économiques sécuritaires et notamment la relation entre la formation et la manière dont les parties externes s’engagent dans le règlement des conflits et notamment la relation entre les États, les organisations internationales et les sociétés civiles mondiale et locale et leurs influences pour une paix durable, fondée sur la dialogue des cultures, la tolérance facteur de stabilité de toute l’humanité pour un monde solidaire.
Les crises internationales ont toujours concerné de nombreux acteurs. Traditionnellement, en dehors de l’organisation de sécurité collective à vocation universelle et à compétence générale qu’est l’ONU, leur gestion revenait avant tout aux États. Or récemment de nombreux autres acteurs y participent, notamment les organisations non gouvernementales et les organisations d’intégration régionale. On le constate, le champ est composé d’une multitude d’acteurs et d’approches qui implique de facto un morcellement des actions et une difficulté à avoir un impact significatif sur le terrain.
De nombreuses études tentent de catégoriser les principaux acteurs de ces conflictualités émergentes. La plupart d’entre elles opposent les États, dotés de forces armées régulières, à des acteurs non-étatiques, laissant apparaître de nouveaux adversaires. Cette opposition, selon les experts en géostratégie entre États et acteurs non-étatiques, ne semble pas totalement satisfaisante car elle ne reflète pas l’ensemble des systèmes asymétriques. En effet, une typologie des acteurs ne peut se faire qu’en prenant en compte plusieurs critères : les motivations, l’organisation et les modes d’action. De nouvelles conflictualités sont apparues où leurs acteurs se caractérisent souvent par l’illisibilité de leur organisation, l’imprévisibilité de leurs actions multiformes qui privilégient la violence dûment mise en scène par la recherche du sensationnel et de la médiatisation. Grâce aux nouvelles technologies et à leur prolifération non maîtrisée, ces conflictualités sont susceptibles d’utiliser toute la panoplie des capacités actuelles : armement sophistiqué, maîtrise de l’information, diversité des types d’agression (capacité d’exporter une menace n’importe où dans le monde), générant des menaces (cyber-délinquance, cybercriminalité, etc.) qui mettent en évidence l’insuffisance des systèmes de sûreté ou de substitution dans les sociétés modernes.
En effet, les moyens modernes de communication facilitent l’expression libre et la circulation, via les réseaux, des idées les plus extrêmes, dans un but revendicatif, subversif ou prédateur. Elles peuvent atteindre tous les pans de la société : cohésion sociale, légitimité de l’autorité, pertinence du modèle économique, sociétal ou religieux. Ainsi véhiculées, les techniques d’agression de toutes natures se propagent, et contribuent d’autant plus à la fragilisation des « cibles » potentielles qu’elles s’appuient souvent sur l’image, support d’émotion et propice aux comparaisons.
Dans ce cadre se pose la question de l’Algérie face aux nouvelles mutations géostratégiques mondiales. Devant privilégier en premier lieu ses intérêts stratégiques, ayant toujours adopté à une position de neutralité dans les conflits, l’Algérie se doit d’agir en fonction d’un certain nombre de principes et à partir d’une volonté avérée de contribuer à la promotion de la sécurité et de stabilité dans la région que ce soit dans le cadre d’une coopération avec l’Otan, en fait avec les USA, ou avec les structures de défense que l’Union Européenne entend mettre en place, avec également avec la Russie allié stratégique de l’Algérie et la Chine pour ne citer que les principaux acteurs mondiaux.
Les derniers événements au Sahel, faute d’une coordination, montrent son incapacité à agir sur des événements majeurs. La fin de la guerre froide marquée par l’effondrement du bloc soviétique et les attentats survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001 représente un tournant capital dans l’histoire contemporaine. Le premier évènement marque la fin d’un monde né un demi siècle plus tôt et la dislocation d’une architecture internationale qui s’est traduite des décennies durant par les divisions, les déchirements et les guerres que nous savons. Aujourd’hui, les menaces sur la sécurité ont pour nom terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, crises régionales et délitement de certains Etats. Or, les défis collectifs, anciens ou nouveaux, sont une autre source de menace : ils concernent les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, l’environnement. Ils sont d’ordre local, régional et global. Interpellée et sollicitée, tant dans le domaine sécuritaire et énergétique, l’Algérie s’interroge légitimement sur le rôle, la place où l’intérêt que telle option ou tel cadre lui réserve ou lui offre, qu’il s’agisse du dialogue méditerranéen de l’Otan ou du partenariat euro-méditerranéen, dans sa dimension tant économique que sécuritaire que de la coopération stratégique avec d’autres puissances comme la Russie et la Chine sans compter d’autres pays émergents. L’adaptation étant la clef de la survie et le pragmatisme un outil éminemment moderne de gestion des relations avec autrui, l’Algérie doit faire que celui que commandent la raison et ses intérêts. Les menaces qui pèsent sur les peuples et leurs Etats et les défis collectifs qui leur sont lancés doivent amener l’Algérie à se doter d’une politique extérieure globale des enjeux, des problèmes et des crises que connaît le monde et à déployer ses capacités, ses moyens et son savoir-faire dans une logique de juste et fécond équilibre. Le dialogue et la concertation entre les peuples et entre les acteurs sont la clef et en même temps la meilleure des garanties pour instaurer la paix et la stabilité de manière juste et durable. Les menaces et les défis auxquels le monde et notre région sont confrontés, repose essentiellement sur la nécessité de développer ensemble une stratégie de riposte collective et efficace concernant notamment le terrorisme international, le trafic des êtres humains et la criminalité organisée à travers la drogue et le blanchiment d’argent. D’une manière générale et au vu de ce qui se passe au Sahel, qui pose la problématique de la sécurité de l’Algérie et fondamentalement l’urgence d’une coordination régionale. Le terrorisme menace planétaire, se nourrit fondamentalement de la misère en se livrant au trafic de tous genres, rançons, drogue, armes etc. L’Afrique est l’objet de toutes les convoitises, notamment USA/ Europe/ Russie/Chine avec le projet de la route de la Soie, avec plus de 25% de la population mondiale avec d’importantes ressources non exploitées. Sous réserve d’une meilleure gouvernance et d’intégration sous régionales à l’horizon 2030/2040 l’axe de la dynamisation de la croissance de l’économie mondiale devrait se déplacer de l’Asie vers l’Afrique expliquant en partie les tensions actuelles

2.- Face aux mutations géostratégiques, axes directeur pour la construction de la paix mondiale
Dans sa résolution intitulée Projet de programme mondial pour le dialogue entre les civilisations (A/56/L.3), l’Assemblée générale de l’ONU préconise la recherche de terrains d’entente entre les civilisations afin de relever les défis qui menacent les valeurs communes, les droits de l’homme et les acquis de l’humanité dans divers domaines, le dialogue entre les civilisations, pouvant contribuer à des progrès dans différents domaines dont la promotion du renforcement de la confiance aux échelons local, national, régional et international.
Le programme d’action invite les Etats, le système des Nations Unies et les organisations internationales et régionales ainsi que la société civile à mettre en œuvre notamment des programmes visant à développer le dialogue et la compréhension et à bannir l’intolérance, la violence et le racisme entre les peuples en particulier les jeunes. C’est que les conflictualités du monde contemporain et la solution finale la Paix, ne sont pas seulement économiques ou sécuritaires, mais également et surtout ont pour essence une profonde crise morale devant se fonder sur une profonde rénovation de la perception du monde.
Depuis de longues années, je suis convaincu, avec de nombreux intellectuels de différentes sensibilités et nationalités, que la symbiose des apports du monade musulman et de l’Occident par le dialogue des cultures – Islam, Judaïsme et Christianisme étant des religions de tolérance, pour ne citer que ces grandes religions monothéistes –, devant respecter toute croyance de chacun, permettront d’éviter ces chocs de civilisations préjudiciables à l’avenir de l’humanité.
Le renforcement des relations de paix au sein du nouveau monde s’orientant vers la multipolarité , impose la promotion des synergies culturelles, économiques, politiques qui sont seules à même d’intensifier une coopération pour un développement durable ente le Nord et le Sud, et ce afin de faire de notre univers un lac de paix d’où seront bannis l’extrémisme, le terrorisme et la haine, passant par une paix durable au Moyen Orient, ce berceau des civilisations où les populations juives et arabes partagent une histoire millénaire de cohabitation pacifique.
Il existe des spécificités sociales nationales dont il convient de tenir compte car elles sont source d’enrichissement mutuel, permettant de communiquer avec des cultures lointaines à travers des réseaux décentralisés auxquels la société civile – intellectuels, diplomates, entrepreneurs, médias grâce au rôle important de l’Internet – doit jouer une fonction stratégique, car les nouvelles relations internationales fondées sur les relations personnalisées entre chefs d’État ont de moins en moins d’effets. Ces réseaux doivent favoriser les liens communicationnels, les aires de liberté dans la mesure où les excès du volontarisme collectif inhibent tout esprit de créativité.
(A suivre)
Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur
des universités, expert international