Le trafic de carburant bat son plein

Frontières algéro-tunisiennes

Très bien ancrés dans les réseaux tunisiens, les trafiquants algériens aidés par des passeurs continuent à faire saigner l’économie du pays.
Les gendarmes d’Aïn Kerma et de Bouhadjar ainsi que les gardes-frontières relevant du groupement de la Gendarmerie de la wilaya d’El Tarf, qui activent notamment sur toute la bande frontalière entre l’Algérie et la Tunisie, ont été alertés par des citoyens d’un trafic d’essence de grande ampleur organisé par des trafiquants aux frontières algéro-tunisiennes. Or, la Gendarmerie nationale à réussi récemment à saisir plus de 7.000 litres de gasoil durant ce mois d’octobre 2022.

Cette quantité était destinée à être acheminée de l’autre côté de la frontière. Trois mis en cause âgées de trente à cinquante ans ont été arrêtés après une minutieuse surveillance. Ils ont été déférés devant le tribunal de Bouhadjar. Les gendarmes et les gardes-frontières, munis d’un mandat de perquisition, ont investi alors une ferme située à la périphérie de la petite ville d’Aïn Kerma pour découvrir plusieurs fûts et jerricans contenant un total de 7.038 litres de gasoil.
Il y avait énormément de jerricans vides attendant d’être remplis. La commune d’Aïn Kerma, avec ses multiples mechtas dont Berjilet, se situe à quelques pas de la frontière tunisienne. Ainsi que pour toutes les mechtas des communes de la bande frontalière d’Oum Theboul, El Ayoun, Zitouna et Bouhadjar, où la contrebande de carburant, de cheptel et de certains produits alimentaires ne s’arrête jamais, malgré les arrestations de plusieurs trafiquants.

Les voitures marocaines et tunisiennes roulent avec du gasoil algérien

Une étude d’Atlantic Council sur la contrebande de pétrole, citée par le journal britannique The Guardian, près de 660.000 véhicules marocains et tunisiens consomment du carburant algérien, soit près de 13% de l’ensemble du parc roulant dans ces deux pays. L’étude confirme en fait le chiffre déjà avancé en 2013 et qui faisait état de 600.000 véhicules roulant à l’essence et au gasoil algériens de contrebande. Le trafic de carburant a pris une telle ampleur que le pays s’en préoccupe. En termes chiffrés, il représente un manque à gagner de deux milliards de dollars pour le Trésor public, c’est énorme. Il faut une grande stratégie pour lutter férocement contre le pillage des richesses algériennes notamment le trafic de carburant et autres. L’État n’aura pas tout essayé pour le résorber.
Pourtant, le mode opératoire des trafiquants n’a rien de sophistiqué. Les trabendistes achètent à volonté du carburant à bas prix dans les stations-service de Tlemcen, de Relizane, de Chlef, de Tébessa et El Taref, et ils le revendent dans les pays voisins avec des marges bénéficiaires brutes considérablement plus élevées que celles pratiquées en Algérie où un litre de gasoil, par exemple, vaut, après les dernières hausses décidées dans le cadre de la loi de Finances du pays, 20,63 DA, contre un euro environ au Maroc et 0,7 euro en Tunisie.
Aux dires de beaucoup, le prix d’essence algérien demeure, toutefois, les deuxièmes plus bas tarifs des 13 pays membres de l’Opep. Le pays en est certainement conscient. Mais il est peu réactif, n’arrivant pas à mettre de l’ordre dans les structures des prix et à lutter efficacement contre le trafic de carburant.
On achète en réalité de grosses quantités de carburant au prix fort dont une partie s’évapore aux frontières au prix que l’on sait, profitant ainsi aux pays voisins.
Certaines statistiques, 60% du commerce illicite de carburant alimentent le Maroc, 30% la Tunisie et les 10% restants les pays des frontières sud de l’Algérie, notamment le Mali.
Outre le carburant, les trafiquants tissent leurs mailles et accaparent d’autres produits, notamment agroalimentaires, dans un pays qui est un gros importateur. Les produits alimentaires sont importés à des prix qui fluctuent sur les grands marchés internationaux.
Et ils sont cédés, pour certains d’entre eux, à des prix concurrentiels sur le marché local. Une partie de ces produits, à commencer par ceux issus de la transformation des céréales, de la poudre de lait et du l’huile de table continue d’alimenter les réseaux de la contrebande faisant perdre au pays des milliards de dinars. Les subterfuges utilisés pour échapper au contrôle sécuritaire et douanier sur les routes et faire parvenir leur marchandise à destination, sans dégâts.
Le contact entre passeurs tunisiens et algériens commence sur la frontière à l’issue d’opérations de surveillance de la frontière, chacun de son côté, et des renseignements que les uns fournissent aux autres par téléphones mobiles munis de puces d’un seul pays, sur la présence ou non de contrôle sécuritaire militaire ou douanier. Quand la situation est jugée favorable, les transactions se font vite et la marchandise est chargée sur des véhicules, des camionnettes, des pick-up fatigués qui ont passé des milliers de fois la frontière toujours par des routes rocailleuses, toujours chargées à l’aller comme au retour et dont les plaques minéralogiques sont souvent barbouillées de boue pour qu’on ne puisse pas en relever le matricule dans le cas d’une course-poursuite.
Dans d’autres cas, les opérations se font à dos d’âne. L’un des passeurs, explique que lorsque la marchandise est saisie, la responsabilité est assumée par la personne arrêtée. Par ailleurs, aucun contrôle de qualité de la marchandise n’est effectué au moment des échanges.
Les seules informations fournies portent sur la nature du carburant (gasoil, essence sans plomb, normal, etc.) mais l’on veille selon lui, à exiger des partenaires algériens à ne point rajouter de liquide au carburant, encore moins de l’eau car cela affecte la crédibilité des vendeurs.
Aussitôt, commence alors l’opération de distribution de la marchandise aux clients «Je vends sur place, confie-t-il, à des prix qui varient en fonction de l’offre et de la demande, 21 dinars pour le bidon de 20 litres gasoil et 27 dinars pour l’essence», témoigne un contrebandier algérien. Il n’affiche pas une grande peur des services de sécurité ou des douanes, mais il a toujours, un œil vigilent sur les parages et garde la marchandise dispersée afin de minimiser les risques en cas de saisie par les forces de sécurité ou des douane qu’il prétend soudoyer de temps à autre.
«C’est du pétrole riche en soufre qui brûle les poumons et est considéré comme un véritable déchet des raffineries pétrolières européennes et américaines, qu’est ce pétrole de la contrebande sur nos frontières Ouest avec l’Algérie qui est toujours commercialisé sur une large partie de la Tunisie, illégalement et en violation des droits internationaux et des normes de sécurité sanitaire relatives à la qualité de l’air et des produits pétroliers mis sur le marché», a-t-on informé.
Oki Faouzi