Problématique de la sécurité collective au niveau de la région méditerranéenne et sahélienne

L’Algérie face aux mutations géostratégiques

L’Algérie est une pièce maîtresse de la stabilité de la région, à travers les actions de l’ANP et les différents services de sécurité. Les enjeux au niveau de la région méditerranéenne et au Sahel préfigurent d’importantes reconfigurations géopolitiques et géoéconomiques dans une zone sensible rentrant dans le cadre de la nouvelle stratégie mondiale à laquelle l’Algérie ne saurait échapper et d’une manière générale toute l’Afrique.Dans ce cadre, il y a lieu d’accorder une attention particulière à l’action éducative, car l’homme pensant et créateur devra être à l’avenir le bénéficiaire et l’acteur principal du processus de développement. C’est pourquoi je préconise la création de grands pôles par grands continents (universités et de centres de recherches) loin de tout esprit de domination, comme moyen de fécondation réciproque des cultures, et la concrétisation du dialogue soutenu pour éviter les préjugés et les conflits sources de tensions inutiles. Pour un devenir commun, il est indispensable que la majorité des dirigeants développe toutes les actions qui peuvent être mises en œuvre pour réaliser des équilibres souhaitables à l’intérieur de cet ensemble, et ce afin de favoriser six objectifs solidaires.
Premièrement : l’État de droit et la démocratie politique, en tenant compte des anthropologies culturelles car une société sans sa culture et son histoire est comme un corps sans âme.
Deuxièmement : l’économie de marché concurrentielle à finalité sociale, loin de tout monopole, qu’il soit public ou privé.
Troisièmement : la concertation sociale et les échanges culturels par des débats contradictoires.
Quatrièmement : la mise en œuvre d’affaires communes, en n’oubliant jamais que les entreprises sont mues par la seule logique du profit et que dans la pratique des affaires il n’y a pas de sentiments. Mais l’on doit éviter que la logique du profit ne détruise les liens sociaux, d’où l’importance stratégique de l’État régulateur conciliant les coûts sociaux et les coûts privés.
Cinquièmement : intégrer l’émigration. Ciment des liens culturels, elle peut être la pierre angulaire de la consolidation de cette coopération et de ce dialogue nécessaire, de ce rapprochement du fait qu’elle recèle d’importantes des potentialités culturelles, économiques et financières, l’objectif mobiliser à divers stades d’intervention l’initiative de l’ensemble des parties concernées.
Sixièmement : tout en tenant compte des situations socio-économiques spécifiques, il y a lieu de favoriser la libre circulation des personnes, tout en engageant un véritable co-développement – à ne pas confondre avec l’assistanat – au profit des pays musulmans en retard, tenant compte du nouveau défi écologique qui devrait entraîner des mutations tant économiques que socio- culturelles, voire politiques. D’une manière générale, l’objectif stratégique est de repenser l’actuel système économique mondial, et donc la représentation au niveau des institutions internationales, le système actuel favorisant la bipolarisation Nord-Sud, la pauvreté préjudiciable à l’avenir de l’humanité avec des poches de pauvreté croissant même dans les pays développés, un phénomène d’ailleurs accéléré par les gouvernances les plus discutables de la part de certains dirigeants du Sud. La population mondiale s’élève actuellement à 8 milliards début 2022, et devrait atteindre 8,6 milliards en 2030, 9,8 milliards en 2050 et 11,2 milliards en 2100, selon un récent rapport des Nations unies. Or, sur les 8 milliards d’âmes, les 2/3 sont concentrées au sein de la zone Sud avec moins de 30 % des richesses mondiales. L’abondance et l’opulence y côtoient d’une manière absolument insupportable la pauvreté et le dénuement. Le revenu moyen des 20 pays les plus riches est 37 fois plus élevé que celui des 20 pays les plus pauvres, situés en Afrique sub-saharienne, en Asie du Sud et en Amérique latine. Quand on sait que, dans les vingt-cinq prochaines années, la population mondiale augmentera de deux milliards d’individus – dont 1,94 milliard pour les seuls pays en voie de développement – on peut imaginer aisément le désastre qui menace cette partie de l’humanité si rien de décisif n’est entrepris. Faute de relever le défi de lutte contre la pauvreté, le sous-développement d’une grande partie de l’humanité constitue au cours des années à venir une menace pour les pays développés et, d’une manière générale, pour l’ensemble du monde.
En conclusion, pour une paix durable, l’histoire commune nous impose d’entreprendre ensemble. Espérons que les tensions seront dépassées, dans le cadre des intérêts bien compris de chaque nation. Le devenir solidaire conditionne largement la réussite de cette grande entreprise qui interpelle notre conscience commune. Le repli sur soi serait préjudiciable à notre prospérité commune et engendrerait d’inéluctables tensions sociales. Tout cela renvoie à des enjeux géostratégiques de première importance qui concernent l’humanité, comme une gouvernance rénovée à l’échelle mondiale et l’ensemble des outils et des méthodes de gestion des affaires de la Cité. Avec l’interdépendance accrue de nos sociétés, les nouvelles mutations mondiales, l’avènement de la quatrième révolution économique, préfigurent, à l’horizon 2022/2030, un important bouleversement géostratégique avec la montée en puissance d’autres pays émergents notamment à travers les BRICS avec la puissance économique de la Chine au premier rang. Face à cette fin de l’unilatéralisme et confrontés aux pressions sociales, les gouvernants ne sont-ils pas toujours enclins à inventer un ennemi à combattre ? L’ère des confrontations n’a eu cours que parce que les extrémismes ont prévalu dans un environnement fait de suspicion et d’exclusion. Connaître l’autre, c’est aller vers lui, c’est le comprendre, mieux le connaître.
Le bien être de l’humanité nous impose d’entreprendre ensemble. Comme le dit l’adage arabe avec une profonde philosophie, « une seule main ne saurait applaudir ». Pour terminer je citerai Voltaire « Monsieur je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai de toutes mes forces pour que vous puissiez toujours le dire et Roger Garaudy, «il n’y a de véritable dialogue des civilisations que si chacun est pénétré de cette certitude que l’autre homme, c’est ce qui manque pour être pleinement un homme ».
(Suite et fin)
Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur
des universités, expert international