El-Farabi, commentateur d’Aristote et de Platon

Penseurs arabes

Il a appartenu à une élite intellectuelle, à une époque déterminante de l’histoire de notre religion comme homme de science et philosophe.Né à Wasidj au IXe siècle de l’ère chrétienne, il vécut jusqu’à la 2e moitié du Xe siècle du temps des Abassides, puis des Fatimides, El Farabi fut un humaniste complet. C’est grâce à lui que furent découverts Aristote et Platon, y compris dans l’occident chrétien.

Une œuvre prolifique, source d’inspiration d’Ibn Sina
On a dit de lui qu’à ses derniers instants, il aurait recommandé à ceux qui étaient venus le voir, de travailler pour faire avancer la science et la connaissance. Aucun domaine du savoir n’avait de secret pour lui qui excellait dans les domaines de la justice, de la musique et des sciences, grâce à un environnement très favorable à l’apprentissage. D’après des biographes, El Farabi se trouvait dans un espace de rencontre entre hommes de culture de différentes confessions. Les hommes d’église étaient aussi pour lui des partenaires non négligeables auxquels il fallait se mesurer pour mieux s’autoévaluer.
La philosophie pour lui n’était pas une affaire de transmission, mais de créativité et d’investigation personnelles, moyennant des lectures et des traductions d’œuvres de haut niveau pouvant déboucher sur la production personnalisée. Et sur ce plan, El Farabi a été très prolifique au point de devenir l’auteur de nombreux titres du genre, petits opuscules sur Platon et Aristote, l’obtention du bonheur, les opinions de la cité vertueuse. Le cheminement d’El Farabi a été marqué par des étapes importantes comme celle au cours de laquelle il s’est consacré à la musique, art de composer des sons harmonieusement pour charmer les oreilles en parfaite complémentarité avec les sciences exactes, particulièrement les mathématiques.
En parfait philosophe aux idées personnalisées et commentateur d’Aristote et de Platon, il s’efforça de démontrer l’accord profond de ces deux piliers de la philosophie ancienne, en bâtissant un système unissant métaphysique et politique en parfaite concordance avec le Coran. Ne peut-on pas ajouter qu’El Farabi est le précurseur des modernistes de notre temps qui tentent de valoriser la religion musulmane en la faisant accompagner du discours scientifique et philosophique ?

El-Farabi, continuateur d’Al-Kindi (800-870 de l’ère chrétienne)
Al Kindi a été pour lui une référence importante comme philosophe arabe d’une trempe exceptionnelle, à l’origine de la traduction en arabe de nombreux textes de la philosophie grecque. Il fut une sommité dans son domaine de recherche, puisqu’il prolongea la réflexion cosmologique d’Aristote, tout en s’efforçant de concilier philosophie et religion. Donc un autre moderniste des temps anciens, en terre d’Islam, qui a servi de modèle à tous les philosophes et épistémologues qui ont suivi à l’exemple d’Ibn Sina, maître du raisonnement par syllogisme et père de l’Idjtihad. Les œuvres monumentales d’El Farabi sont connues en Andalousie sous le nom d’Al Farabus. Elles font partie du patrimoine mondial de la science et de la connaissance. El Farabi est un modèle rare pour les philosophes, polyglotte parce que polyvalent en sa qualité de maître de la philosophie et des sciences, il a choisi de partir à Baghdad pour étudier les langues et pour avoir accès à une diversité de commentaires philosophiques. On dit qu’il n’est pas possible de connaître les philosophes des autres pays, sans connaître El Farabi appelé Al Farabus par Crémone d’Espagnol, El Kindi et Avicennes. El Farabi a eu un itinéraire comparable à celui d’Al Kindi. Puis après eux, ce fut la rupture, heureusement qu’ils ont laissé des écrits devenus objet de réflexion des philosophes de tous les temps et de tous les pays. Avec El Farabi on a pu inaugurer l’ère nouvelle d’une réflexion politique puisqu’il a été le père de la philosophie politique ou de l’art de gouverner en essayant de concilier l’islam avec la politique.

Héritage d’El-Farabi
D’abord, il a voulu placer le discours philosophique au-dessus de toutes les autres formes de production destinée à la transmission. Les juristes ont été les premiers à s’y opposer, comparant les écoles philosophiques aux sectes. Avec El Farabi, on a assisté à l’émergence d’un enseignement ésotérique de la philosophie qui va au-delà des frontières. Tout ceci nous donne à retenir que la culture ne connaît pas de frontières que se confronter à cet immense héritage, c’est agir selon la raison, parce que cela nous introduit dans le monde de la découverte passionnante, celle des manuscrits anciens de la cité. Le livre des lettres d’El Farabi est une œuvre qui corrige l’histoire des sciences en général, les idées de la cité, les sciences arabes.
Cet aperçu qu’on considère comme bref, par modestie, doit nous inciter à la réflexion pour ne pas dire à une meilleure méditation sur le monde où nous vivons qui n’a rien de commun avec les siècles anciens, celui d’ El Farabi, d’Al Kindi, d’Ibn Rochd, d’Ibn Sina et d’Ibn Khaldoun. Aucun enseignement n’a ouvert aujourd’hui la voie d’un retour aux bonnes sources, celle de la recherche fructueuse qui fait rentrer dans la compétition internationale dans le domaine de la science et de la technique et non dans celui de la consommation des biens venus d’ailleurs.
Abed Boumediene