Les enjeux d’un événement hors normes au Qatar

Coupe du monde Qatar 2022

Accompagnée d’un cortège de polémiques, la première Coupe du monde de football à se tenir dans le monde arabe commence ce dimanche 20 novembre à Al-Khor, au Qatar. À quoi s’attendre dans cette 22e édition du Mondial très particulière ?
Le 15 juillet 2018, la France était sacrée championne du monde en Russie face à la Croatie et accrochait une deuxième étoile à son maillot. 1 589 jours plus tard, la quête de la Coupe du monde est officiellement relancée au Qatar. Le pays organisateur a ouvert le bal dimanche face à l’Équateur pour le premier des 64 matches prévus jusqu’à la finale, le 18 décembre.
Pour la première fois depuis 20 ans, la Coupe du monde est organisée sur le continent asiatique. Et pour la première fois depuis sa création, c’est dans un pays arabe que la compétition se déroule. Au rayon des nouveautés, il y a aussi la saisonnalité : exit la fin du printemps et le début de l’été, place à l’automne-hiver. Le calendrier et les habitudes de la planète foot sont grandement chamboulés cette année.
D’ordinaire, plus de 3 milliards de téléspectateurs suivent le Mondial. À l’aube du coup d’envoi, tour d’horizon des attentes et questions autour de cet événement sportif planétaire, dans un émirat sur lequel tous les regards du monde sont désormais braqués.

Face aux controverses, le Qatar va-t-il assurer son rôle de pays-organisateur ?
Rarement un pays aura suscité autant de polémiques avant d’organiser une Coupe du monde. Le choix du Qatar, fin 2010, au détriment des États-Unis, a été largement étudié et documenté. Il est question de sport bien sûr, mais aussi beaucoup de géopolitique, d’argent, d’écologie… Ce Mondial 2022 sort du cadre comme aucun auparavant.
Avec ses stades climatisés, son parc hôtelier restreint qui oblige de nombreux spectateurs à loger dans les pays frontaliers, sa législation, son recours aux travailleurs étrangers, ses conditions de travail et ses controverses autour des droits humains, le Qatar est vivement critiqué. Désormais, l’hôte, qui se sait observé de près, doit assurer le bon déroulement de la compétition. Dans une ambiance bien particulière, donc.
Gianni Infantino, le tout-puissant président de la Fédération internationale de football (Fifa), a haussé le ton samedi, à la veille du coup d’envoi. Le dirigeant a fustigé l’«hypocrisie» du monde occidental et estimé que les critiques émises étaient «profondément injustes». Infantino a aussi appelé à se concentrer sur le jeu maintenant : «Nous organisons une Coupe du monde, pas une guerre.»

L’équipe de France va-t-elle subir la malédiction du champion sortant ?
Va-t-on encore assister à la débâcle d’un champion du monde ? Depuis le Brésil sacré en 2002 et éliminé en quarts de finale en 2006, le tenant du titre a toujours été sorti au premier tour. L’Italie, championne du monde 2006, s’était écroulée en 2010 en terminant dernière d’un groupe avec le Paraguay, la Slovaquie et la Nouvelle-Zélande.
Même mésaventure pour l’Espagne, championne du monde en 2010 : avec une victoire contre l’Australie et deux revers, la Roja avait terminé à la troisième place de son groupe en 2014, derrière les Pays-Bas et le Chili.
L’Allemagne, titrée en 2014, fut sortie dès le premier tour en 2018 aussi, avec la quatrième place du groupe derrière la Suède, le Mexique et la Corée du Sud (une victoire, deux défaites). La France, placée dans le groupe D avec l’Australie, le Danemark et la Tunisie, espère éviter le couperet. Les Bleus se rappellent qu’en 2002, ils avaient pris la porte au premier tour, quatre ans après leur sacre à domicile.

Le favori brésilien va-t-il
retrouver les sommets ?
Avant le début de la Coupe du monde, les bookmakers du monde entier sont unanimes : le Brésil a la faveur des pronostics, généralement devant la France et l’Argentine. Le pays quintuple champion du monde (1958, 1962, 1970, 1994, 2002) a même l’étiquette de grand favori, alors qu’il arrive sans absent majeur et avec un groupe mêlant expérience, talent et jeunesse à pratiquement tous les postes. Neymar, 30 ans, se présente comme le chef d’orchestre d’une équipe en soif de reconnaissance, 20 ans après le dernier sacre de la bande à Ronaldo, Ronaldinho et Rivaldo. En grande forme, l’attaquant du PSG veut enfin marquer l’histoire au Qatar.
Avec 75 buts en 121 capes, le capitaine espère effacer le record de réalisations de Pelé (77), et bien sûr soulever enfin la coupe du monde. Il pourra compter sur des valeurs sûres comme Alisson Becker, Thiago Silva, Marquinhos, Casemiro, Lucas Paqueta ou encore Vinicius.

Un pays africain va-t-il enfin atteindre à nouveau les quarts de finale, voir plus ?
Le Cameroun, le Ghana, le Maroc, le Sénégal et la Tunisie vont-ils remettre l’Afrique à son plus haut niveau mondial ? Les cinq qualifiés africains ont, en tout cas, un premier défi qui consiste à sortir des poules. Il y a quatre ans, aucun n’avait réussi à survivre au premier tour, ce qui n’était plus arrivé depuis 1982, à l’époque où le Mondial se jouait à 24. Retrouver au moins un pays d’Afrique parmi les 16 meilleurs du monde serait un premier pas en avant. Le suivant consisterait à voir cette ou ces sélections se hisser dans le top 8. Il faut en effet remonter à la Coupe du monde en Afrique du Sud, en 2010, pour revoir un pays d’Afrique atteindre les quarts de finale.
Cette année-là, le Ghana avait passé le premier tour, puis battu les États-Unis en huitièmes de finale, avant de tomber aux tirs au but dans un match d’anthologie contre l’Uruguay en quarts. De cette époque, il ne reste qu’un seul homme : André Ayew, le capitaine des Black Stars. Le fils d’Abedi Pelé se verrait bien conduire les siens au même stade, et peut-être au-delà. Camerounais, Marocains, Sénégalais et Tunisiens en rêvent aussi.

Lionel Messi et Cristiano Ronaldo vont-ils nous offrir un dernier duel de géants ?
Avec des monstres pareils, rien n’est sûr. Cette Coupe du monde est-elle la der’ de Cristiano Ronaldo et Lionel Messi, âgés de 37 ans et de 35 ans ? Peut-être que oui, peut-être que non. La tendance est tout de même à ce que ce Mondial soit la dernière grande compétition réunissant les deux hommes.
L’Argentin et le Portugais n’ont manqué aucune édition depuis la première en 2006. Ils ont maintes fois croisé le fer en Liga et en Ligue des champions mais n’ont jamais eu à s’affronter en match international officiel. Dans cette Coupe du monde au Qatar, un éventuel Argentine-Portugal ne sera pas possible avant les demi-finales ou la finale.
En attendant un hypothétique choc frontal, le public assistera à un combat à distance entre la « Pulga » et « CR7 ». Les deux sont rivaux depuis fort longtemps, et leur soif de titres et de records a provoqué une émulation exceptionnelle, l’un poussant toujours l’autre à se surpasser. Mais aucun n’a soulevé la coupe Jules-Rimet… jusqu’à maintenant.

Y aura-t-il une équipe
«surprise» ?
Il est rare qu’une Coupe du monde se déroule sans qu’une équipe «surprise», ou quelque peu inattendue, ne tire son épingle du jeu. En 2018, malgré des talents certains, peu de parieurs avaient mis un billet sur la Croatie en finale. En 2014, le Costa Rica de Keylor Navas et la Colombie d’un James Rodriguez resplendissant (meilleur buteur et auteur du plus beau but de l’année) n’étaient pas attendus jusqu’en quarts de finale.
Et que dire de la présence de la Corée du Sud et de la Turquie en demi-finales du Mondial 2002, ou du parcours de l’Ukraine jusqu’en quarts de finale en 2006, alors que l’équipe d’Andriy Shevchenko disputait son tout premier Mondial ? Bref, un invité «surprise» sera guetté au Qatar. Le Danemark, solide et brillant lors du dernier Euro, a des arguments pour espérer faire quelque chose de bien cette année. La Suisse, qui ne manque pas de joueurs talentueux, aussi démontré ses progrès. Attention à l’enthousiasme du Canada, qui dispute sa deuxième Coupe du monde après ses premiers pas en 1986. On gardera aussi toujours un œil sur le Qatar, pays organisateur et unique nation débutante cette année.
R. S.