Face à l’accentuation du processus inflationniste, quel système de protection pour l’Algérie afin d’assurer le développement, la sécurité et la paix sociale ?

Economie

Au moment où le Gouvernement se propose d’instaurer des subventions ciblées, de concilier l’efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale, cette présente analyse tient compte des importants travaux de Denis Kessler sur l’avenir de la protection sociale.L’Algérie ayant peu attiré l’investissement étranger du fait d’entraves bureaucratiques avec une baisse de 21,3% estimée à 1,073 milliard de dollars en 2020, contre 1,364 milliard de dollars en 2019, le taux de croissance a été négatif de 5/6% en 2020, le FMI prévoyant 3,4% pour 2021,toujours tiré par la dépense publique via les hydrocarbures, taux faible rapporté à l’année précédente, alors qu’il faut un taux de 8/9% sur plusieurs années pour absorber un flux de 350.000/400.000/an qui s‘ajoute au taux de chômage actuel. Car la pression démographique est forte ,avec 44,7 millions d’habitants au 1er janvier 2021, et une population active d’environ 13 millions ( selon l’ONS étant estimée à 12.730.000 fin 2019) avec un taux de chômage incluant la sphère informelle et les emplois rente, qui devrait atteindre, selon le FMI, 14,5% en 2021, et 14,9% en 2022, contre 14,2% en 2020, ce taux dépassant les 30% pour les catégories 20/30 ans et paradoxalement les diplômés.
Nous avons une sphère informelle non soumise aux cotisations, n’étant pas affiliée à le caisse de sécurité sociale et contrôlant une masse monétaire hors banques, selon les informations données par le président de la république lors de sa conférence de presse, du fait de l’effritement du système d’information, entre 6000 et 10.000 milliards de dinars 35-40% entre 46,15 et 76,90 milliards de dollars pour un PIB en nette diminution en 2020 de 160 milliards de dollars et selon le FMI , 153 milliards de dollars pour 2021. Le marché du travail est alimenté par la dépense publique via le rente avec les emplois dominants dans les administrations les effectifs de la fonction publique s’élevant au 01/01/2020 à 2 160 836 fonctionnaires et agents contractuels, certaines estimations donnant 2,5 millions fin 2020. Les résultats de l’enquête de l’ONS fin 2019, font ressortir que 16,8% de la main d’œuvre totale exerce dans le secteur du BTP, 16,1% dans l’administration publique hors secteur sanitaire, 15,7% dans le commerce, 14,9% dans la santé et l’action sociale et 11,5% dans le secteur des industries manufacturières. Le secteur privé absorbe 62,2% de l’emploi total, mais selon l’OCDE , avec une les productivités les plus faibles au niveau de la région Mena, deux fois plus de dépenses monétaires pour avoir deux fois moins d’impacts.

2.2- Le système algérien de protection sociale, les modalités des transferts sont tellement complexes que plus personne ne sait qui paye et qui reçoit. Certes, les redistributions sont nécessaires, résultant d’ailleurs intrinsèquement d’une gestion collective des risques et contribuant, grâce à la solidarité collective, à l’efficacité de tout système économique. Mais ce n’est pas parce qu’elles sont nécessaires qu’elles ne doivent pas être maîtrisées. On ne connaît pas le circuit des redistributions, notamment les redistributions entre classes d’âge, les redistributions entre générations et encore moins bien les redistributions entre niveaux de revenus ou de patrimoine. Or, le principe de justice exige que l’on réponde correctement à ces questions Cela demande d’avoir un système d’information crédible en temps réel et de repenser les mécanismes de transferts et de redistribution afin de les faire reposer sur des critères objectifs, parfaitement transparents au niveau de la branche ou au niveau national, et ce qui relève de l’Etat et des autres collectivités publiques. Du point de vue des cotisations des caisses de retraite dont le nombre dépasse les 3,3 millions fin 2020, nous avons le système dominant, celui de la répartition et celui de la capitalisation. Dans le système par répartition, les cotisations actuelles des salariés servent à financer les pensions des citoyens qui sont à la retraite à ce moment et dans le système par capitalisation, les salariés épargnent pour financer leur propre retraite le moment venu. En Algérie le système unique est celui de la répartition avec deux caisses de retraites , celles des hauts cadres de l’Etat où une personne nommée par décret jouit d’une retraite à 100% et celle de la majorité qui jouit d’une retraite à 80%. Ainsi un secrétaire général d’APC nommé par décret ou un sous-directeur de ministère jouit d’une retraite à 10% et un professeur d’université ayant cotisé plus de 30 années à 80%. Le déficit financier de la Caisse nationale des retraites (CNR) pourrait atteindre 690 milliards de dinars en 2021 , le CNR enregistrant un taux de cotisation de sécurité sociale, estimé à 2,2 travailleurs pour chaque retraité et pour un équilibre , le taux de cotisation devrait atteindre cinq travailleurs pour un retraité où selon la BAD, calculés en pourcentage de la main-d’œuvre ne cotisant pas à la Sécurité sociale, le taux d’informalité est évalué à 63,3% en Algérie. Les tensions sociales sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions et transferts sociaux. Le PLF2022 prévoit 1942 milliards de dinars soit 19,7% du budget de l’Etat contre 24% en 2021 et 8,4% du PIB. Or, les subventions sont généralisées sans ciblage et mal gérées, source de de fuite hors des frontières du fait également des distorsions du taux de change avec les pays voisins, étant source de gaspillage et d’injustice sociale : celui qui perçoit 30 000 dinars mois bénéficiant les mêmes subventions que celui dont le revenu dépasse 200.000 dinars par mois et plus. L’action louable au profit des zones d’ombre serait un épiphénomène face à la détérioration du pouvoir d’achat de la majorité de la société civile informelle silencieuse, la plus nombreuse, atomisée, non encadrée qui risque de basculer dans l’extrémisme, face à des discours de responsables déconnectés de la réalité, des partis politiques et une société civile officielle souvent vivant de la rente, inefficience comme intermédiation sociale et politique,

En résumé, face aux tensions budgétaires et géostratégiques au niveau de la région, la solidarité nationale permet d’atténuer le cout de la protection sociale. Pour cela, il faut mettre fin aux anciens comportements par une moralité sans faille et atténuer processus inflationniste facteur de déstabilisation , ne régulant pas le marché par des mesures administratives bureaucratiques, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques, si l’on veut réaliser un front national, conditionné par le retour à la confiance des citoyens.
Les citoyens étant très attentifs à tout ce qui touche leurs revenus, donc attention à des déclarations et mesures hâtives de versements de salaires sans contreparties productives, de versements d’allocation chômage à ceux qui perçoivent déjà des revenus dans la sphère informelle non répertoriés par les statistiques, qui conduiraient à de vives tensions sociales. La sécurité nationale étant posée , s’impose une nouvelle gouvernance, loin des promesses populistes et louanges de certains , en contrepartie d’une rente
Professeur des universités
Expert international
Dr Abderrahmane Mebtoul
(Suite et fin)