Le «sorcier blanc» qui préside à la destinée de l’Arabie saoudite

Hervé Renard

Sélectionneur du Ghana, de la Zambie, de l’Angola, de la Côte d’Ivoire, du Maroc et maintenant de l’Arabie saoudite… À 54 ans, Hervé Renard est passé, avec succès, sur le banc de nombreuses sélections nationales – décrochant le surnom de «sorcier blanc». Dernier exploit en date : la victoire de son équipe (1-2) contre l’Argentine au Mondial-2022.
Au moment d’affronter la Pologne pour son deuxième match du Mondial-2022, l’Arabie saoudite a déjà réussi sa compétition en battant l’Argentine à la surprise générale (1-2). Son sélectionneur, Hervé Renard, n’est certainement pas étranger à cet exploit. À 54 ans, le «sorcier blanc» a concocté une recette redoutable pour faire tomber l’Albiceleste : un plan tactique respecté à la lettre, une solidarité sans faille entre ses joueurs, un gardien qui a sorti des arrêts décisifs et un but somptueux pour parachever le succès saoudien.
«Je me sens léger», a réagi après le match Hervé Renard, qui a souligné que «les astres se sont alignés» pour que cet exploit soit possible. «Oui, c’est une victoire mémorable, ça restera dans les annales, et c’est cela qui est important. Mais on doit se tourner vers l’avenir, parce qu’il nous reste deux matches très difficiles», a aussi averti le sélectionneur de l’Arabie saoudite. Bien loin de l’image de «play-boy» qu’il renvoie parfois, Hervé Renard est dépeint par ses proches comme quelqu’un d’humble et de «bûcheur». «De l’extérieur, on pense que c’est un play-boy, mais pas du tout», assure sa compagne, Viviane Dièye. «Et quand on lui dit qu’il est beau, il répond que non.»
Gaël Mahé, agent Fifa de matches internationaux qui connaît Hervé Renard du temps où il était l’adjoint de Claude Le Roy avec le Ghana (2007-2008), salue pour sa part «une personnalité à la fois rayonnante et charismatique». Il décrit «un technicien bûcheur, devenu aujourd’hui l’entraîneur français en poste à l’étranger le plus emblématique» – il est le seul sélectionneur vainqueur de deux Coupes d’Afrique des nations avec deux pays différents, la Zambie (2012) et la Côte d’Ivoire (2015).
Et même s’il s’apprête à disputer sa deuxième Coupe du monde, après avoir guidé le Maroc en 2018, Hervé Renard «a su garder la même humilité qu’à ses débuts», juge Gaël Mahé. Viviane Dièye confirme : «Hervé est très humble, il n’oublie jamais d’où il vient.»

Le Mondial, un «rêve d’enfant»
«J’ai commencé ma carrière d’entraîneur en 1998, à 30 ans, en National 3 à Draguignan», raconte Hervé Renard à l’AFP. En ces temps-là, le Mondial, «c’est un rêve d’enfant, qui paraissait même inimaginable». Il s’est lancé tôt sur le banc : «Je n’ai pas fait la carrière de joueur dont j’aurais rêvé, et à juste titre (un seul match en L1 avec Cannes, NDLR), j’ai essayé de me rattraper en tant qu’entraîneur.»
Hervé Renard monte aussi son entreprise de nettoyage de villas sur la Côte d’Azur, RV Net, commence à travailler à 3h du matin puis entraîne le soir le club de Draguignan. «Je n’ai pas travaillé dans une mine dans le nord de la France», nuance-t-il, «mais j’ai fait un métier difficile. Comme beaucoup de monde qui doit se lever de bonne heure pour aller travailler et a des journées bien remplies.»
C’était déjà un «énorme bosseur», assure à Ouest-France l’homme qui lui a soufflé l’idée de monter sa boîte, Pierre Romero. «J’ai eu par ma maman, qui est d’origine polonaise, une éducation un peu sévère mais, pour mon profil, c’était la meilleure des choses», sourit Hervé Renard.
Pierre Romero, «qui a été un peu un papa» dixit Hervé Renard, va aussi lui offrir la rencontre qui va «changer (son) destin» : Claude Le Roy, dont il deviendra l’adjoint. «J’aurai toujours de la reconnaissance envers Claude», appuie le sélectionneur de l’Arabie saoudite. «Il y a plein d’entraîneurs très compétents en N1 et N2 en France, mais qui ne sortiront jamais de cette division. Moi, j’en suis sorti par une rencontre. Ensuite, j’ai eu la capacité de m’adapter.»
«On ne peut pas venir à la Coupe du monde comme ça»
«C’est ce chemin parcouru dont je suis le plus fier, avec des hauts et des bas, mais sur ma route, j’ai eu des expériences exceptionnelles, et à la fin, il ne restera que les grandes lignes», poursuit Hervé Renard.
Oubliés les passages mitigés à Sochaux (2013-2014) ou Lille (2015)… Depuis 2019, il dirige les «Faucons verts» d’Arabie saoudite, et a même prolongé récemment son contrat jusqu’en 2027. Intraitable à domicile, son équipe a traversé de brillantes qualifications, avec une seule défaite au Japon.
Dans le groupe de l’Argentine, de la Pologne et du Mexique, «on fait partie des plus petites équipes de cette Coupe du monde», a prévenu le technicien avant le début du Mondial.
Après le match contre l’Argentine, fidèle à sa ligne de conduite, Hervé Renard a mis en garde ses joueurs avant le match contre la Pologne : «À la pause, je n’étais pas content du tout, il n’y avait pas assez de pression mise sur cette équipe d’Argentine… On ne peut pas venir à la Coupe du monde comme ça. Maintenant, nous sommes contents, mais il nous reste deux matches à disputer.» Nul doute que le «sorcier blanc» saura de nouveau motiver ses joueurs et concocter un nouveau plan tactique.
R. S.