«Un acte décisif de reconnaissance par le monde »

Inscription du Raï par l’Unesco

L’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) a inscrit, jeudi à Rabat, le Raï (chant populaire d’Algérie), sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Cette inscription est intervenue lors de la 17e réunion du Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, qui se tient à Rabat jusqu’au 3 décembre prochain.
L’Algérie compte, avec le classement du genre Raï, 9 éléments inscrits sur la liste du patrimoine mondial, à savoir Ahellil du Gourara, le costume nuptial de Tlemcen (Chedda), la célébration du Mawlid Ennabaoui (S’boue) à Timimoun, Rakb Ouled Sidi Cheikh, la cérémonie de la Sebeïba, en sus de trois éléments en commun avec des Etats limitrophes, «imzad», «couscous» et «calligraphie arabe».
Le Raï est apparu dans les milieux bédouins ruraux dans l’Ouest algérien, notamment à Sidi Bel-Abbes, Relizane, Tiaret, Mascara et Mostaganem. Il est passé, ensuite, dans la ville après l’indépendance, notamment à Oran où il a émergé en tant qu’art mondial grâce à plusieurs chanteurs.
Le Raï traditionnel s’est distingué par sa façon dans le chant, la mélodie et les paroles inspirées le plus souvent du Melhoun, car à l’époque, plusieurs voix ont émergé et qui sont considérées aujourd’hui parmi les pionniers de cet art, à l’instar de Cheikha Remitti, de son vrai nom Sadia Bedief, issue de la wilaya de Sidi Bel-Abbés.
Le Raï s’est modernisé après l’indépendance, grâce aux deux frères Rachid et Baba Ahmed ainsi qu’à Messaoud Bellemou. Ainsi, plusieurs influences musicales occidentales y ont été introduites. Ses thèmes portent désormais essentiellement sur les questions sentimentales. Le Raï s’est, par la suite, propagé à une large échelle, avec l’apparition du festival qui lui a été consacré, dès 1985.
Le Raï a poursuivi sa grande ascension, se développant dans différentes régions d’Algérie, grâce à l’évolution des supports d’enregistrement et de diffusion, déferlant même sur la scène musicale mondiale, à travers les œuvres de plusieurs artistes algériens et la participation de noms musicaux universels dans des projets artistiques communs.
L’Algérie compte plusieurs chercheurs dans ce genre musical, à l’instar d’Abdelkader Bendamèche, Abdelhamid Bourayou et du défunt Hadj Meliani, en sus de plusieurs chercheurs anthropologues qui ont consacré tant de recherches et de publications dédiées à la vulgarisation de cet art, dans l’objectif de préserver sa mémoire, comme patrimoine algérien.
La ministre de la Culture et des Arts, Soraya Mouloudji, s’est félicitée, jeudi, de l’inscription par l’Unesco du Raï, «Chant populaire algérien», sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, considérant cette consécration comme «un acte décisif de reconnaissance par le monde à l’endroit de ce genre culturel, artistique, poétique, musical et chorégraphique».
S’exprimant par Visio-conférence, lors de la 17e session du Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, la ministre a présenté «au nom de l’Algérie, du Président de la République, Monsieur Abdelmadjid Tebboune, du gouvernement et du peuple algérien, tous ses remerciements à l’Unesco pour cette inscription du Raï, chant populaire d’Algérie, sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité».
Elle a également présenté les vifs remerciements de l’Algérie au «Comité inter-gouvernemental, ainsi qu’à l’Organe d’évaluation pour leur expertise rigoureuse, juste et objective, ayant conduit à cette reconnaissance internationale», exprimant aussi la reconnaissance de l’Algérie aux Etats qui ont soutenu cette candidature, ainsi qu’au Secrétaire à la Convention, pour tous les efforts et le travail accomplis dans l’échange, l’écoute, l’accompagnement et l’inclusion».
L’inscription du Raï, chant populaire d’Algérie, «constitue pour mon pays un acte décisif de reconnaissance par le monde à l’endroit de ce genre culturel, artistique, poétique, musical et chorégraphique qui se donne à voir, à comprendre et à apprécier comme un message de partage, d’amitié, d’amour, et de paix, (…) offert au monde et à l’humanité», poursuit la ministre.
La ministre a, par ailleurs, réitéré «l’engagement de l’Algérie en faveur de tout ce que l’Unesco entreprend pour la Culture, le Patrimoine culturel et les Arts», soulignant que «l’Algérie accueille avec fierté et honneur le Centre de catégorie 2, dédié au patrimoine culturel immatériel de tout le continent africain, auquel nous continuerons d’assurer tous les moyens nécessaires à son déploiement».

Neuf biens culturels algériens sur la liste du patrimoine immatériel de l’humanité
Avec l’inscription, jeudi, du Raï, chant populaire d’Algérie sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l`humanité par l’Unesco, l’Algérie porte à neuf le nombre de biens culturels classés sur cette liste prestigieuse.
Le premier bien culturel inscrit par l’Algérie est l’Ahellil du Gourara, une poésie chantée et dansée pratiquée lors des cérémonies collectives et fêtes religieuses dans cette région du nord d’Adrar, proposé par le chercheur Rachid Bellil en 2008.
En 2012, l’Algérie propose les rites et les savoir-faire artisanaux associés à la tradition du costume nuptial de Tlemcen qui sera suivi en 2013 par l’inscription du pèlerinage annuel au mausolée de Sidi Abd El Kader Ben Mohamed dit «Sidi Cheikh» par le chercheur Ahmed Ben Naoum.
Cette même année l’Algérie a pris part à son premier dossier multinational pour inscrire les pratiques et savoirs liés à l’Imzad vielle monocorde ancestrale jouée et fabriquée exclusivement par les femmes touarègues en Algérie, au Mali et au Niger. Ce dossier a été coordonné par le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (Cnrpah) et l’anthropologue Badi Dida.
En 2014, c’est au tour de la cérémonie de la Sebeïba, qui se déroule chaque année dans l’oasis de Djanet, d’intégrer la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l`humanité avant que le chercheur Rachid Bellil reviennent à l’institution onusienne avec le classement du Sbuâ, pèlerinage annuel à la zaouïa de Sidi El Hadj Belkacem dans le Gourara en célébration du Mawlid Ennabaoui.
Le ministère de la Culture avait également soumis le dossier de classement des savoirs et savoir-faire des mesureurs d’eau des foggaras du Touat-Tidikelt (région d’Adrar) et qui a été classé sur la liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente.
En 2020, le couscous, les savoirs, savoir-faire et pratiques liés à sa production a également été inscrit au patrimoine immatériel de l’humanité au nom de quatre pays nord-africains.
En 2021, la calligraphie arabe et les connaissances, compétences et pratiques qui y sont liées, un dossier multinational au nom de seize pays dont l’Arabie Saoudite, le Bahreïn, l’Egypte, la Jordanie, la Mauritanie, la Palestine ou encore la Tunisie est également inscrit.
Le patrimoine culturel immatériel est une catégorie du patrimoine issue de la «convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel» adopté par l’Unesco en 2003.
R.C.