Extension de la sphère informelle, produit de la bureaucratie et la dérégulation de l’économie algérienne

Economie

On annonce en ce mois de fin novembre 2022, encore une étude sur la sphère informelle (source APS 28/11/2022). Comment ne pas rappeler pour seulement la période récente, d’autres promesses antérieurement entre 1990/1999, les annonces de la réalisation d’une telle étude en janvier 2015 par le ministère de l’Intérieur, le 03 mars 2017 et le 17 mars 2021 par le ministère du Commerce puis en date du 23 mars 2021 à la fois par le ministère des Finances et
le président du Conseil économique et social, rapport qui devait être remis au président de la République fin 2021.

Toutes ces données contradictoires sont dues à la fois d’analyse superficielle loin du fonctionnement réel de la société et de la non maîtrise du système d’information, ce qui explique que les mesures tant des chèques que de l’obligation de déposer l’argent de la sphère informelle obligatoirement au niveau des Banques algériennes qui sont actuellement de simples guichets administratifs ont eu un impact très limité renvoyant toujours à la confiance et au fonctionnement global de la société. Faute d’institutions solides s’adaptant à la nouvelle situation, car le contrôle s’avère de peu d’efficacité (sinon il faudrait une armée de contrôleurs avec des coûts faramineux), nous assistons à une multiplication des petites activités informelles se concentrant surtout dans le petit commerce et les services, comme mode de survie dans un marché de l’emploi en crise.
A cet aspect, se sont greffés la fraude fiscale et les détournements.

3- La sphère informelle et la politique socio-économique
La lutte contre la sphère informelle implique avant tout l’efficacité des institutions et une moralisation de la pratique des structures de l’Etat elles-mêmes au plus haut niveau, niveau de dépenses en contradiction avec les pratiques sociales. C’est seulement quand l’Etat est droit est qu’il peut devenir un Etat de droit. Quant à l’Etat de droit, ce n’est pas un Etat fonctionnaire qui gère un consensus de conjoncture ou une duplicité provisoire, mais un Etat fonctionnel qui fonde son autorité à partir d’une certaine philosophie du droit d’une part, d’autre part par une assimilation consciente des besoins présents de la communauté et d’une vision future de ses perspectives. Dans ce cadre, la sphère informelle en Algérie est favorisée par l’instabilité juridique et le manque de visibilité de la politique socio-économique. Les entrepreneurs qu’ils soient nationaux ou étrangers demandent seulement à voir clair, du moins ceux qui misent sur le moyen et long terme (investissements inducteurs de valeur ajoutée contrairement à l’importation, solution de facilité). Or ils sont totalement désemparés face aux changements périodiques du cadre juridique, ce qui risque de faire fuir le peu de capitaux surtout en cette période de crise qui montre le rapatriement massif vers les pays d’origine et orienter les nationaux vers la sphère informelle. Que nos responsables visitent les sites où fleurit l’informel de l’Est à l’Ouest, du Nord au Sud et ils verront que l’on peut lever des milliards de centimes à des taux d’usure mais avec des hypothèques car il existe une intermédiation financière informelle. Les mesures autoritaires bureaucratiques produisent l’effet inverse et lorsqu’un gouvernement agit administrativement et loin des mécanismes transparents et de la concertation social, la société enfante ses propres règles pour fonctionner qui ont valeur de droit puisque reposant sur un contrat entre les citoyens, s’éloignant ainsi des règles que le pouvoir veut imposer : exemple les transactions au niveau des frontières pour contourner les myopies des bureaucraties locales, agissant sur les distorsions des prix et des taux de change et le droit coutumier dans les transactions immobilières. On ne peut isoler la sphère réelle de la sphère monétaire, le cours du dinar sur le marché officiel étant passé de 5 dinars un dollar vers les années 1970, à 76 dollars vers les années 2020 et est coté le 29 novembre 2022 à 138,48 dinars un dollar et 143,41 dinars un euro et sur le marché parallèle 219 dinars un euro et 214 dinars un dollar et approche , cours achat dont avec la crise mondiale l’épargne de l’émigration ayant été affectée (diminution de l’offre) n’explique pas tout, l’explication essentielle étant le grossissement de la sphère informelle (accroissement également de la demande). Le constat est donc amer, pour les petites bourses, en l’absence de mécanismes de régulation et de contrôle, les prix des produits de large consommation connaissent, comme de coutume, notamment à la veille de chaque fête des augmentations sans précédent, les discours gouvernementaux et les organisations censés sensibiliser les commerçants ayant peu d’impacts, prêchant dans le désert, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques, où la sphère informelle contrôle quatre segments-clefs : celui des fruits et légumes, de la viande, celui du poisson pour les marchandises locales et pour l’importation, le textile -chaussures ayant un impact sur le pouvoir d’achat de la majorité des citoyens. Il y a urgence d’enquêtes précises des liens entre l’accumulation, la structuration du modèle de consommation et la répartition des revenus par couches sociales, enquêtes inexistantes en Algérie. Il ne suffit pas de crier sur les toits que cette sphère ne paye pas les impôts. Il faut expliquer les raisons de son existence et de son extension et surtout les actions à mener pour son intégration, dans la mesure où la sphère informelle n’est pas le produit historique du hasard mais trouve son essence dans les dysfonctionnements de l’Etat. C’est faute d’une compréhension l’insérant dans le cadre de la dynamique sociale et historique que certains reposent leurs actions sur des mesures seulement pénales. Ils la taxent de tous les maux, paradoxalement par ceux mêmes qui permettent son extension en freinant les réformes. Cela ne concerne pas uniquement les catégories économiques mais d’autres segments difficilement quantifiables. Ainsi, la rumeur est le système d’information informel par excellence, accentué en Algérie par la tradition de la voie orale, rumeur qui peut être destructrice mais n’étant que la traduction de la faiblesse de la démocratisation du système économique et politique, donnant d’ailleurs du pouvoir à ceux qui contrôlent l’information. L’utilisation de divers actes administratifs de l’Etat à des prix administrés du fait des relations de clientèles transitent également par ce marché grâce au poids de la bureaucratie qui trouve sa puissance par l’extension de cette sphère informelle. Cela pose d’ailleurs la problématique des subventions qui ne profitent pas toujours aux plus défavorisés (parce généralisables à toutes les couches) rendant opaques la gestion de certaines entreprises publiques et nécessitant à l’avenir que ces subventions soient prises en charges non plus par les entreprises mais budgétisées au niveau du Parlement pour plus de transparence.

En conclusion, l’essence de cette sphère et les solutions étant connues, la solution étant des ’actions concrètes (voir toutes les études du PNUD, de l’OCDE et du BIT, notre étude pour l’IFI Paris et IMDEP/MDN avec des propositions opérationnelles), la dominance de la sphère informelle n’étant pas propre à l’Algérie, représentant dans certains pays d’Afrique plus de 70/80% de la superficie économique (intervention du docteur Abderrahmane Mebtoul membre du Conseil scientifique de Unesco/l’African Training Research Centre in Administration Development CAFRAD, 8 février 2010 en présence de plus d’une dizaine de ministres et secrétaire d’Etat africains, ainsi du FMI/BM, séminaire international sur la bonne gouvernance en Afrique. Ronéotypé CAFRAD /UNESCO avril 2010). Seules les réformes structurelles peuvent intégrer la sphère informelle dont l’essence renvoie au mode de gouvernance
Dr Abderrahmane Mebtoul
Pofesseur des universités
Expert international
(Suite et fin)