La pub, véritable industrie qui gagne tous ses matches

Coupe du monde

Au cœur de cette Coupe du Monde 2022, la publicité bouscule l’information et s’impose en tant qu’élément moteur de l’événement sportif. Les publicités, notamment dans les paris sportifs en Europe et dans plusieurs autres pays, sont partout, parfois jusqu’à la saturation : à la télévision, dans les couloirs de métro et désormais de plus en plus sur internet et sur les réseaux sociaux. «En France, presque la moitié des investissements des opérateurs (48%) se font désormais dans le numérique».

Une plateforme publicitaire internationale
Les experts qui s’expriment ne ratent aucune occasion pour rabâcher dans leurs recuits ou déclarations que «la Coupe du monde de football attire régulièrement des millions de personnes du monde entier et est donc devenue une plateforme publicitaire internationale». Personne ne peut l’ignorer, encore moins ceux qui estiment que la pub aide à voir le monde autrement, sortir de soi pour aller à l’encontre de l’autre, le récepteur, celui à qui l’on s’adresse par la voix, le regard le geste, le texte ou encore par l’image, avec ce qui suit en l’occurrence être compris. Des mois avant le coup d’envoi de cette 22e édition de la Coupe du monde, on assiste à une véritable saturation, et du coup les jeunes, au vu des spots qui défilent, deviennent eux aussi ces stars, et consomment ce que ces stars consomment.

La cible ? Le chiffre
Ce qui intéresse les agences, c’est bien évidemment le chiffre d’affaires. Qui engagera un max de pub et donc qui fêtera le meilleur chiffre d’affaires ?
Les grands vainqueurs sont déjà connus : il s’agit sans le moindre doute les sites des paris sportifs. «Ce sont les opérations de marketing qui se bousculent et des fois, s’écrasent pour ne pas avoir réussi à capter un max de catégorie de personnes, dont les jeunes, les moins de 20 ans. Pour cette Coupe du monde Qatar-2022, les géants du secteur ont clairement choisi leur cible : la jeunesse des quartiers populaires… Et ça marche, pas besoin de chercher longtemps pour s’en rendre compte.
«Franchement depuis le début de l’Euro, j’ai plutôt perdu beaucoup d’argent, un truc comme 200 balles, explique l’un d’eux. Tout le temps ça passe pas mais des fois ça passe aussi.»
Pour l’autre, jouer est devenu une habitude : «Je viens au café et quand je ne travaille pas, je joue tellement il n’y a rien à faire. C’est comme ça, c’est de la drogue», faisait remarquer un propriétaire d’une brasserie en France.

Le carton jaune du royaume
Pour tenter d’endiguer les excès, le Royaume-Uni a pris une initiative radicale : à partir du 1er octobre écoulé, aucun sportif ne peut apparaître sur une publicité vantant une entreprise de Paris. Une avancée majeure pour certaines associations. «L’exposition à la publicité et les mécanismes qui incitent à consommer sont très liés aux images qu’on voit et en particulier s’il y a des personnages humains, analyse le président de l’association Addictions France. La force de la publicité est d’autant plus importante que les personnes représentées sont très connues.»

Ne rien lâcher même avec une défaite publicitaire
Pour les médias, tout mettre en œuvre pour que la publicité explose, tout comme les budgets réservés à cette compétition. Peu importe les scores des équipes, impossible d’échapper à la publicité, avec un véritable matraquage avant et après les matches ainsi qu’à la mi-temps. La folie, «il n’y a pas de limite en publicité, les opérateurs se bousculent et n’entendent pas s’arrêter, pour eux c’est occasion ou jamais de réussir. Les retombées ne sont pas les mêmes. Des fois, c’est la perte totale, mais il ne faudrait surtout pas abandonner le match de la pub». Un journal n’a pas manqué de signaler que «les sites de Paris pillent les codes des quartiers comme dans cette publicité Winamax très critiquée où on voit un jeune parieur porté comme un… devant toute une cité qui s’incline. Une mise en scène digne du Roi Lion qui a fait l’objet d’une alerte de la part de l’Autorité nationale des jeux, mais sans sanction. Jouer pour ne jamais perdre ?
La présidente de l’ANJ, Isabelle Falque-Pierrotin, s’inquiète surtout de la généralisation de ce marketing très orienté : «Il cible des populations dont on sait qu’elles sont plus vulnérables que les autres. Elles sont plus vulnérables à la fausse promesse que fait le pari sportif de gagner de l’argent. On a fait une étude : sur plus de 2,5 millions de comptes joueurs il y a 500 personnes qui ont gagné plus de 10 000 euros sur l’année. Donc, on ne peut pas gagner sa vie en faisant du pari sportif». Des témoignages qui expliquent comment des jeunes accro arrivent à perdre en quelques mois plus de 60 000 euros. Ils n’arrivent toujours pas à s’en sortir. «C’est vrai que c’est attractif, ils font des publicités avec des offres lors de la première inscription : premier pari offert ou 200 euros offerts, explique-t-il. Au lieu de 1 euro je suis passé à 10, 20, 50, 100, 200, 300… Maintenant, ce sont de grosses sommes. De fil en aiguille, il y a eu des dettes. J’ai fait des choses illégales pour compenser des pertes. Je perds, donc je joue plus pour gagner». Pour Jacques Seguela «toutes les études montrent que toute marque qui supprime sa publicité observe instantanément une chute des ventes. L’affiche, c’est le dernier mètre avant l’achat. C’est un des premiers stimulateurs de l’économie urbaine. Supprimer l’affichage, c’est en vouloir au petit commerce en ville».

«La Coupe du monde n’est qu’un petit reflet d’un effort massif»
Pour la cheikha Al-Anoud bint Mana Al Hajri, Directrice générale adjointe et Directrice des affaires du Centre financier du Qatar «la Coupe du monde démontre que l’industrie sportive du Qatar est une classe à part. C’est une occasion unique de se placer sur la carte sportive internationale ou sur la carte commerciale et économique internationale. La Coupe du monde n’est qu’un petit reflet d’un effort massif. Et je suis personnellement convaincue que ce qu’ils verront, c’est un pays qui se transforme rapidement en une capitale mondiale du développement durable. Les entreprises qui veulent changer le monde reconnaîtront que c’est l’endroit où elles seront le mieux à même de le faire».

«Mbappé refuse d’apparaître avec la marque d’alcool»
Un site électronique rapporte une info qui semble ne pas être partagée par tous. La star française (vous l’aurez deviné) refuse de s’afficher avec un certain sponsor de la Coupe du monde. En l’occurrence une marque vendant un produit que l’attaquant ne souhaite pas cautionner. Aussi, à l’instar de son idole, Ronaldo qui exècre les boissons gazeuses, Mbappé refuse d’apparaître avec la marque d’alcool Budweiser à ses côtés. «C’est pour cette raison que le Français cache le nom de la marque au moment où il prend la pose avec le trophée d’homme du match que la marque parraine. Le joueur n’a par ailleurs pas manqué de l’exprimer à voix haute. Il y a quelques mois de cela, il avait déclaré ne pas vouloir faire la promotion de marques d’alcool, de paris sportifs, ou de fast-food».
Enfin, il faut savoir que selon le journal Sport Business, le tarif brut des 30’’ de la chaîne TF1 durant la Coupe du monde va de 19 500 à 60 000 euros (hymnes, magazine, début du match, 1re coupure mi-temps, 2e coupure mi-temps, 3e coupure mi-temps et fin du match).
Synthèses de H. Hichem